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  Dernière mise à jour : 18 mars 2018


LA VOIX LORRAINE, août 1969, p. 8-9.
La fondation de la ville de WOIPPY remonte probablement à une époque très lointaine. Mais faute de documents, nous ne pouvons donner la date exacte ou approximative de sa création.
Un bref du Pape Calixte II, en date du 9 avril 1123, mentionne Woippy pour la première fois dans l'Histoire. Ce bref, établi à la demande d'Alberon, grand archidiacre et trésorier de la cathédrale de Metz, confirmait expressément les donations des domaines de Woippy et de Lorry-lès-Metz, au Chapitre de la cathédrale de Metz.

   De 1123 à 1324, l'existence de Woippy échappe entièrement à l'historien, aucun document ne subsistant de ces deux siècles. Woippy possédait en 1324 de nombreuses métairies, ainsi qu'un manoir, propriété d'un gentilhomme messin nommé Jean Ancel.
En la même année, Metz dut soutenir une âpre lutte contre Beaudoin, archevêque de Trèves, Jean, son frère et le roi de Bohème, Ferry, duc de Lorraine, et Édouard, comte de Bar.
Cette guerre fut la ruine du village, pillé et incendié le dernier jour de septembre par les confédérés.
Puis Woippy connut une ère relativement calme jusqu'en 1443 ; les villageois mirent à profit ce court répit pour relever les ruines de leurs maisons et faire fructifier les terres.

LES MALHEURS DU PAYS MESSIN

   Mais l'année-là, Robert, sire de Commercy, ayant eu des démêlés avec la cité de Metz, recommença ses courses dévastatrices à travers le pays messin.
Le 13 avril 1443, Philippe de Savigny, chevauchant à la tête de quatre cents hommes d'armes de Robert, fond sur les villages de Lorry, Tignemont, Woippy, auxquels il met le feu.
Au cours du siège de Metz par Charles VII et René d'Anjou (1444), les troupes de ces princes occupèrent Woippy, que les Messins avaient abandonné par prudence. Pierre de Breze, commandant le corps d'armée campé à Woippy, Ladonchamps, Sainte-Agathe, Saint-Rémy, Les Tapes, se retrancha solidement dans ces garnisons et affecta au château une garnison d'élite. Celle-ci y soutint victorieusement, le 10 novembre, un combat sans merci contre les troupes messines. Cette guerre impitoyable et barbare, commencée le 10 septembre 1444, aboutit à un traité conclu le dernier jour de février 1445.
Une période de calme s'ouvrait pour Woippy. Mais en 1475, cette tranquillité fut un moment troublée par la lutte opposant l'empereur Frédéric III à Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Les troupes du duc occupèrent le village, du 15 au 25 juin 1475 ; durant ces dix jours, elles commirent de nombreux méfaits, pillant les maisons, rançonnant les habitants terrorisés. Elles se retirèrent après l'échec de leur chef de prendre Neuss (Allemagne), s'emparèrent de Nancy, sous les murs de laquelle Charles le Téméraire devait trouver une mort misérable.
De 1508 à 1552, Woippy connaît à nouveau la paix, une paix passagère, mais en somme assez longue qui s'acheva en 1552, année maudite pour le village. Avant que les troupes de Charles-Quint n'investissent Metz, le duc de Guise fit démolir presque tous les villages, châteaux, fermes, églises des environs afin de frustrer l'ennemi de bonnes positions stratégiques. Depuis Thionville jusqu'à Pont-à-Mousson, on ne voyait que villages en grande partie brûlés et ruinés. Triste spectacle de désolation.
Mais à Woippy, la Haute-Maison et le château furent épargnés par le pic des démolisseurs ; on raconte que le duc de Guise, cédant aux instances du Chapitre, en avait décidé ainsi. L'histoire peut louer ce noble prince car ces deux ouvrages existent toujours à notre époque.
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En 1554, le comte de Mesgue, gouverneur du Luxembourg, s'avança à la tête des troupes en garnison à Thionville jusqu'à Ladonchamps. Il avait l'intention de dévaster les environs de Metz ; sans doute également celle de prendre la ville par surprise. Mais son hardi projet échoua lamentablement car le maréchal de Vieilleville le battit sur le territoire de la commune, lui faisant subir une cuisante défaite.

DES TEMPS MEILLEURS

   Une ère de paix s'ouvrait enfin sur Woippy tant de fois éprouvé par la guerre lors des précédents siècles. Seuls quelques incidents locaux dont l'émeute du tabac vinrent troubler cette période de calme qui prit fin en 1636.
Le pays messin eut comme les autres provinces ses planteurs de tabac qui commencèrent par faire des essais couronnés d'un plein succès. Ces premiers essais tentés vers 1625 se répétèrent les années suivantes et en 1628, la plantation du tabac rencontra une vogue prodigieuse. Une compagnie, qui se forma pour la pratique dans de grandes proportions, reçut l'approbation du duc de la Valette, gouverneur pour le roi des Trois-Evêchés. Cette compagnie loua à prix élevés toutes les meilleures terres du val de Metz, la moitié des jardins de la ville, tous les terrains militaires... et l'été de 1628 commençait à peine que les environs de notre ville étaient de toutes parts couverts de ces belles plantes aux larges feuilles. Malheureusement, cette année-là l'été fut pluvieux et froid avec une déplorable persistance ; les blés languirent et la fleur du raisin coula... Le bruit se répandit, sorti de quel que cerveau malade, que cette pluie incessante qui compromettait les récoltes n'avait d'autre cause que la présence du tabac dans les champs. On disait qu'une mystérieuse mais funeste attraction hygrométrique appelait les nuages et les averses sur le sol qui en contenait... Cet état de choses fit naître une émeute (1628). Les gens de Saulny, de Lorry, de Woippy s'étaient réunis et avaient formé une grosse bande ; ceux de Plappeville, instruits de ce qui se préparait, avait encore voulu la grossir. C'est au-dessus de Woippy qu'avait lieu le rendez-vous général. Lorsqu'ils furent tous en mouvement d'un même pas et d'un même cœur en disant : « Maudite soit l'herbe ! Maudits soient ceux qui l'ont plantée ! Elle nous cause la cherté et la ruine ! » Et ils marchèrent sur Ladonchamps dont les jardins étaient plantés de tabac. Le gardien du château, effrayé, leur ouvre à deux battants les portes et les barrières et les laisse pénétrer partout. En un instant les plantations sont détruites. Celles de Sainte-Agathe, des Maxes, de Thiery, de Saint-Eloi, en un mot toutes les parties de la plaine de Thionville où la richesse du sol avait multiplié les plantations de tabac sont successivement ravagées.
Puis, ils se répandirent dans la banlieue immédiate de Metz, à la Ronde et Devant-les-Ponts où ils font de même ; l'air retentit des cris sauvages et des bruyantes excitations qu'accompagne le bruit de leurs outils retombant sur le sol tout jonché de débris.
Cette émeute s'apaisa d'elle-même ; mais en 1633, le Parlement rendit, en faveur des planteurs, un arrêt qui condamnait les communes dont les habitants avaient pris part à l'émeute, à payer solidairement 11 500 F aux planteurs.
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De 1636 jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, une époque agitée tint le village dans l'inquiétude et l'insécurité. En mars 1635, les Espagnols, qui occupaient alors Thionville sous le commandement du comte d'Embden, s'emparèrent de Trèves. Evénement lourd de conséquence, car il amena en premier lieu une rupture entre l'empereur et le roi de France.
Pendant que le cardinal de la Valette, fort de 15 000 hommes de pied et de 5 000 chevaux, poursuivait le comte de Gallas, contraignant celui-ci à lever le siège de Mayence, des bandes ennemies ravageaient en toute impunité le pays messin dépourvu de troupes.
En 1636, Woippy fut attaqué par les Croates ; ces derniers avaient pour chef un aventurier d'une audace inouïe, le capitaine Huaux, originaire d'Ars-sur-Moselle. Grâce à la parfaite connaissance des lieux que possédait leur chef, les brigands réussissaient tous les pillages ; mais à Woippy les habitants tinrent bon et réussirent à les repousser. Le capitaine Huaux dut se réfugier dans son fort de Noyrroy (Norroy) ; c'était une église entourée d'une muraille circulaire flanquée de tourelles. Des plateformes crénelées, garnies de mâchicoulis couronnaient les deux clochers.
Après l'attaque des Petites-Tapes, alors propriété des Jésuites, Huaux fut blessé mortellement par un coup d'arquebuse, exploit réalisé par un meunier nommé Jacquemin. Transporté à Richemont, il y expira le 28 mai 1636. Ses soldats résolurent de le venger. Mal leur en prit car leur troupe, à la tête de laquelle caracolait un nommé Gaspar, lieutenant de Huaux, fut accueillie comme il se doit et repoussée de si bien que vingt-sept chevaux tombèrent entre les mains des défenseurs. Ceux-ci n'eurent même pas un seul blessé.
Mais le 24 octobre 1639, les Bourguignons fondirent sur la commune, emmenant avec eux tous les bestiaux qui paissaient aux alentours. Trois ans plus tard, le 20 août 1642, les Bourguignons alliés aux Croates, s'emparèrent du troupeau de Lorry, tuant sept habitants qui leur résistaient, pillèrent ensuite Sainte-Agathe. Après cela, ils allèrent jusqu'aux portes de Metz, tuant et blessant sur leur passage plusieurs vignerons et « tendeurs aux alouettes ».
En 1646, les habitants de Woippy durent, la veille de leur fête qui avait lieu le dernier dimanche d'août, recevoir des gens qui n'étaient pas conviés aux festivités. C'étaient des soldats que le maréchal de la Ferté avait envoyés à Metz pour chercher armes et munitions. Ces derniers firent ripaille aux dépens des habitants de Woippy.
De 1647 à 1667, rien ne vint perturber la tranquillité du village. Hélas, cette situation ne pouvait durer ; aussi, un an plus tard, quand l'armée française envahit la Franche-Comté, un parti de cavalerie espagnole se rue sur Woippy. L'héroïque défense du village reste parmi un des plus beaux faits d'armes du pays messin. Il mérite d'être conté :
Le 29 mars, qui était le jour du Jeudi-Saint, dix-huit escadrons de cavalerie ennemie vinrent au village de Woippy et y mirent le feu. Il y eut vingt-quatre maisons et huit granges brûlées ; une femme périt misérablement dans les flammes. Quoiqu'il y eut fort peu d'habitants restés dans le village, les uns étant à la ville et les autres à leur travail, ceux qui se trouvèrent au logis firent une si vigoureuse résistance et se défendirent si vaillamment que plus de quarante des ennemis restèrent sur le carreau. Le commandant de la troupe et quelques officiers furent au nombre des morts sans compter les chevaux tués sous eux.
On nomme expressément, parmi les vaillants habitants de Woippy qui préservèrent ce qui resta du pillage, les Srs Jean Thomas qui, d'un seul coup de fusil, tua le commandant et un des soldats qui voulaient à toute force briser la porte de sa maison pour l'incendier, Woirin Lapied, François Mangenot et trois autres paysans qui se retirèrent à la Haute-Maison, quoique le feu fut déjà dans une des chambres et qui, de la terrasse, tuèrent ou blessèrent mortellement quantité d'ennemis.
En 1677, pendant la campagne faite en Alsace et en Lorraine par le maréchal de Crequi, les troupes françaises, après une victoire sur les impériaux à Kochersberg (novembre 1677), traversèrent deux fois Woippy fin des mois de juin et août. Les soldats se conduisirent plus mal que l'ennemi, pillant, coupant les blés, les arbres fruitiers, commettant les pires dégâts. Mais nous voici arrivés à la fin du XVIIe siècle. De 1678 à 1789, l'histoire générale du village reste dans l'ombre. 1789, c'est la Révolution française apportant avec elle des bouleversements qui changeront non seulement le visage du pays, mais du monde. En 1790, la situation intérieure du village se trouve complètement changée après la confiscation des biens du clergé. Les domaines appartenant au chapitre de Metz, dont le château et les dépendances, la Haute Maison, le Rucher, des fermes, deux moulins, le pâquis, des terres, le bois de Woippy, sont mis en vente aux enchères et au détail.
Beaucoup des habitants de la commune, certains de Metz, craignant de voir tomber ces biens entre les mains de spéculateurs étrangers, peu intéressés à la prospérité du village, se rendirent acquéreurs des domaines. Parmi ces gens, nombreux étaient ceux ne croyant pas à la vitalité des réformes élaborées par la Révolution et qui attendaient le retour du précédent régime.

AU 19e SIÈCLE

   En 1814, Woippy connut l'occupation des troupes russes au cours du blocus de Metz. Mais les villageois n'eurent pas trop à se plaindre de l’envahisseur. Le 1er mai 1850 fut inaugurée la nouvelle église de Woippy, élevée aux frais de Mlle Rose Marcus, par l'architecte, M. Charles Gautiez et MM. Emile et Sylvain Sturel, entrepreneurs.
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Au cours de la guerre de 1870, Woippy fut le théâtre de durs combats. Le 18 août 1870, au soir de la bataille de Saint-Privat, l'aile droite de l'armée française dut se replier devant les masses ennemies et opéra la retraite par Saulny et Woippy ; une partie du 6e Corps demeura dans le village pendant le blocus.
On cite parmi les troupes occupant Woippy à cette époque les 70e et 25e de ligne, le 20e Bataillon de chasseurs de Vincennes, ainsi que plusieurs batteries d'artillerie. Des combats sanglants et héroïques eurent lieu à Bellevue, Ladonchamps et Saint-Rémy entre les armées prussiennes et françaises. Plus de 1 700 ennemis, dont trois médecins, périrent le 7 octobre et le chiffre des disparus s'éleva à 500. Du côté des Français, 1 193 hommes tombèrent. Les officiers eurent 64 des leurs hors de combat dont onze tués ; la troupe compta 90 tués, 981 blessés et 122 disparus.
Le 25e de ligne commandé par le général Gibon s'illustra particulièrement sous les murs de Metz. Constamment placé en première ligne, aux avant-postes de Woippy, il combattit avec une ardeur faisant l'admiration de l'ennemi. Le 27 septembre à Ladonchamps et le 2 octobre à Bellevue, ce régiment livra les plus belles batailles.
Mais hélas, le 19 octobre, son magnifique chef, le général Gibon, succombait des suites d'une blessure reçue au combat de Bellevue. Il fut enterré au cimetière de Woippy, où on peut encore lire sur sa tombe une épitaphe. La suite de l'histoire de Woippy fut la bataille héroïque livrée par l'armée de Bazaine qui s'avéra inutile autant que meurtrière puisqu'une lamentable capitulation suivit. Woippy connut l'occupation allemande. La population resta française de cœur. Elle se consacra, pour oublier le malheur qui la frappait, aux travaux champêtres, notamment aux cultures des fruits et avant tout des fraises, sur de vastes territoires.
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Les débuts de la « Grande Guerre » ne firent pas craindre le pire pour le pays messin. Ce n’est que vers 1917 que l’aviation alliée, ayant effectué quelques bombardements, fut naître des appréhensions dans la région. Un appareil français fut abattu à Woippy. Cet avion, appartenant à l’escadrille du plateau de Malzéville, était piloté par un jeune et magnifique héros, Guy Carron de la Carrière, qui trouva la mort dans cette mission. Vint l'armistice de 1918. La population entière manifesta sa joie patriotique à l'arrivée du premier bataillon de chasseurs à pied. Les clairons sonnèrent, les cloches carillonnèrent. Le drapeau français flotta partout avant même que l’armée vaincue n'ait terminé sa retraite.
Et, dans la paix rétablie, la vie et le travail reprirent à Woippy. Hélas, dès le printemps 1939, de sombres nuages s'amoncelèrent et provoquèrent une grande anxiété. Puis la guerre éclata, qui devait durer jusqu'en 1945, très pénible pour les populations lorraines. La plupart durent se réfugier en France plus ou moins occupée, expulsées ou même déportées par ailleurs dans des camps de concentration, leurs enfants souvent séparés d'elles. Les braves gens vivaient sans espoir certain d'un avenir meilleur, très aléatoire.
En fait, les allées et venues des troupes françaises, anglaises, américaines et allemandes occasionnèrent déjà de grands dégâts. Les bombardements sur les industries, les voies ferrées, sur des rassemblements allemands furent à l'origine de ruines et d'incendies terribles. Puis, en septembre 1944, le village fut entièrement évacué, portes ouvertes, sur l'ordre des autorités nazies.
Les combats d'arrière-garde livrés contre les éléments américains convergeant vers Metz, firent de nouvelles ruines et la population ne put revenir qu'après l'hiver 1945 retrouvant les maisons saccagées et pillées pour la plupart. L'église et plus de soixante-dix immeubles étaient gravement endommagés dont quarante environ irréparables. Ladonchamps était complètement brûlé. Les dégâts s'aggravaient chaque jour faute de matériaux, de transports et de fonds.
Prévenus de cet état de choses lamentables, à trois ou quatre exceptions près, tous les Woippyciens revinrent en hâte dans leurs foyers, sans literie, sans objets ménagers ou presque, sans meubles en bon état, indispensables. Ils se mirent au travail avec ardeur, alors que la pluie traversait encore leurs toitures ! En 1947, une grosse inondation coupa la route de Metz, mais l'agglomération fut épargnée.
La vie avait repris. Les réfugiés du Sud-Ouest, d'Auvergne, du Limousin, regardant avec tristesse la liste des enfants du pays tués dont les noms étaient plus nombreux, rendaient hommage aux combattants restés sur les champs de bataille, à ceux de la résistance, aux déportés des camps de concentration ou des geôles allemandes. Mais ils affirmaient tous leur foi dans la renaissance de la France.

Gilbert CATHERINE



Editions J.-S. ZALC
37, RUE MAZELLE - METZ
1972

 



 
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