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Le dernier bail des Grandes Tappes sous l'ancien régime du 13 août 1784



Pardevant le Conseiller du Roy notaire à Metz soussigné, en présence des témoins ci-après nommés.
Est comparu l’Illustrissime Seigneur Monseigneur Louis Jérôme de Suffren de St Tropez, Evêque de Sisteron, Abbé commendataire* de l’abbaye royale de St Vincent de Metz, étant ce jour en cette ville, logé à ladite abbaye.
Lequel a reconnu avoir laissé et laisse par ces présentes à titre de bail à ferme en argent, pour neuf années qui commenceront au premier janvier mil sept cent quatre-vingt-six, pour finir à pareil jour lesdites neuf années et autant de levées révolues et expirées, à Nicolas Dosse, admodiateur de la terre et seigneurie des Grandes Tappes y demeurant et à Anne Brion sa femme de lui dûment autorisée à l’effet des présentes, à ce présent et acceptant lesdits preneurs, pour eux audit titre, ledit temps durant, solidairement l’un pour l’autre, sans division ni discussion et renoncement, la terre et seigneurie des Grandes Tappes et le sixième du ban commun des Petites Tappes, avec tous les biens et droits en dépendant, les dîmes du canton de Chambière et trois jours ou environ de terre, situés sur le ban d’Argancy ; le tout dépendant de la Mense abbatiale dudit St Vincent et en quoi il puisse consister, sans aucune exception, sinon la création et destitution des Maires et Gens de justice et autres officiers qui demeure réservée à mondit Seigneur Evêque. Déclarant lesdits preneurs avoir une parfaite connaissance de tout ce qui leur est ci-dessus laissé et en être contents, pour par eux en jouir audit titre ledit temps durant ainsi qu’ils en jouissent actuellement ou doivent jouir en vertu du bail qui leur en a été passé de la plus forte partie devant Me Grosset notaire à Metz et son confrère, le ………………… Et que mondit Seigneur Evêque en sadite qualité d’abbé comandataire de ladite abbaye a droit de faire.
Ce présent bail est fait à charge par les preneurs qui s’y obligent sous ladite solidité
   1° de payer et acquitter annuellement tous les cens, dîmes et autres charges généralement quelconques sans exception aucune, auxquels lesdits biens et droits sont et peuvent être attenus.
   2° De payer à l’acquit et décharge de mondit Seigneur Evêque, aussi annuellement en sus et au par-delà du canon ci-après fixé, savoir aux Prieurs et Religieux dudit St Vincent la somme de Cent cinquante livres pour les réparations conventionnelles, en conformité d’une transaction publique du vingt-cinq novembre mil sept cent onze, quarante-neuf livre pour les annonces du Jeudi Saint, et douze quartes de blé au curé de l’église paroissiale de St Marcel, six quartes de blé aux quatre couvents des Carmes anciens, Récollets, Capucins et Sœurs de l’Ave Maria de Metz à chacun dix francs messins ; au domaine de la ville de Metz vingt sols ; et aux administrateurs des biens des R.R. S.P. Célestins de ladite ville, sept livres sept sols, le tout aux échéances dont les preneurs ont déclaré avoir connaissance.
   3° D’entretenir les maisons, manoirs et autres bâtiments qui dépendent de ladite terre seigneuriale, de toutes menues réparations locatives.
   4° De payer sans en pouvoir espérer aucune diminution sur ledit canon également en sus d’icelui, les grosses réparations qui surviendraient à faire dans lesdites maisons et manoirs pendant le cours du présent bail, jusqu’à concurrence néanmoins de la somme de deux cents livres, le surplus sera à la charge de mondit Seigneur Evêque.
   5° De faire gratuitement et sans pouvoir aussi en rien espérer, toutes des voitures de bois, pierres, chaux, sable, tuiles et autres matériaux nécessaires pour lesdits grosses réparations.
   6° De bien et dûment labourer, cultiver, fumer, amender et ensemencer les terres labourables à droits coups et saisons convenables, sans pouvoir les désaisonner ; cultiver les jardins et chènevière, nettoyer les arbres qui y sont et seront plantés, remplacer de bonnes espèces, greffer ceux qui viendraient à manquer ; entretenir les arbres qui règnent le long de la chaussée dans l’étendue de la terre et remplacer ceux qui viendraient à manquer, maintenir les prés en bonne nature et à faux courantes ; faire la coupe des bois suivant l’ordre de gruerie, la haute futaie demeurant réservée à mondit Seigneur Evêque. Entretenir les haies et clôtures tant vides que seiches, relever les anches, fossés et rigoles qui sont dans, au contour et avoisinent les héritages ; veiller et empêcher qu’il ne soit fait sur lesdits biens aucune anticipation, pour le tout être rendu par lesdits preneurs et laissé en bon état à la fin et expiration du présent bail à dire d’experts et gens de connaissance, ainsi qu’ils reconnaissent l’avoir reçu à leur entrée en la présente amodiation en vertu du bail ci-devant daté.
   7° De soutenir et défendre à leurs frais tous les biens et droits sus laissés jusqu’à sentences définitives de première instance inclusivement, sauf à mondit Seigneur Evêque à soutenir par appel s’il le juge à propos ; ne pourront cependant lesdits preneurs intenter, soutenir, ni défendre aucun procès que du consentement par écrit de mondit Seigneur Evêque ou de son mandataire.
   8° Seront chargés de tous les frais de justice pour tous les procès-verbaux de tous les crimes et délits qui seront commis dans ladite terre et seigneurie des Grandes Tappes et dans celle des Petites Tappes pour la part qui en appartient à mondit Seigneur Evêque, ensemble de toutes des épaves passives sans pouvoir de la part des preneurs au sujet de ce que dessus rien répéter à mondit Seigneur Evêque, attendu qu’il leur fait par les présentes l’abandonnement des épaves et amandes actives et de la jouissance pendant le présent bail de toutes confiscations le bas le haut, seront en outre tenus de la nourriture et entretien des enfants trouvés si aucuns étaient déposés sur lesdits terres et seigneurie jusqu’au temps et suivant des usages adoptés à cet égard, sans aucune diminution ni indemnité sur ledit canon.
   9° De tenir exactement à leur frais des plaids annaux par chacune année dans les temps accoutumés pour ladite terre et seigneurie des Grandes Tappes et chaque six ans pour celle des Petites Tappes, d’en acquitter les droits et d’en faire dresser et rapporter les procès-verbaux en bonne et due forme contrôlés.
   10° Laisseront à leur sortie au fermier qui leur succédera, le pailles et fumiers ainsi qu’ils les ont reçus à leur entrée.
   11° Ne pourront céder à qui que ce soit les droits du présent bail sans les consentements exprès et par écrit de mondit Seigneur Evêque, à peine de nullité des sous-baux et de tous dépens, dommages et intérêts.
   12° Ne pourront non plus demander ni prétendre aucune réduction ni diminution sur ledit canon pour quelques cas et accident que ce puisse être prévus ou imprévu, pas même pour les f.f.f. ** ordinaires, à quoi ils renoncent expressément, comme cette clause faisant partie du présent bail, sans laquelle il ne leur aurait été fait, que d’ailleurs et est en argent et pour plusieurs années et que les bonnes peuvent suppléer et récompenser les mauvaises.
   13° Seront tenus de fournir à leur frais dans la troisième année du présent bail une déclaration générale spécifique et détaillées en bonne forme de tous les héritages biens et droits dépendant desdits biens terres et seigneurie sus laissés par nouveaux débiteurs, tenants et aboutissants signées et attestée par les maire et gens de justice qui en doivent connaître, dûment contrôlée et d’acquitter les frais et honoraires du présent bail et d’en remettre à mondit Seigneur Evêque la grosse en parchemin enregistrée et contrôlée au greffe ou contrôle du domaine des gens de mainmorte.
   14° D’entretenir le colombier dépendant de la seigneurie toujours en bon état et bien peuplé pour le rendre de même à la fin du présent bail.
Et en outre le présent bail est fait moyennant la somme de trois mille six cents livres de canon, que lesdits preneurs seront tenus, promettent et s’obligent sous ladite solidité d’en rendre, payer et délivrer à mondit Seigneur Evêque entre les mains de son receveur en cette ville, moitié dans le jour de St Martin et l’autre moitié sans celui de St Georges vingt-trois avril de chacune année du présent bail, dont le premier paiement pour moitié montant à dix-huit cents livres échera et se fera dans ledit jour de St Martin d’hiver de ladite année mil sept cent quatre-vingt-six, le second pour l’autre moitié montant à pareille somme dans celui de St Georges vingt-trois avril mil sept cent quatre-vingt-sept, pour ainsi continuer d’être faits lesdits jours et termes de toutes les années suivantes jusque à la huitième année inclusivement dudit bail et les neuvième et dernière se paiera par lesdits preneurs en sa totalité dans ledit jour de St Martin d’hiver mil sept cent quatre-vingt-quatorze.
Et faute par lesdits preneurs de satisfaire exactement au paiement dudit canon, ils consentent qu’un mois après l’échéance de chaque terme d’icelui lesdits biens et droits sus laissés soient relaissés à leur folle enchère, risque, périls et fortune sans aucune forme ni figure de procès se soumettant sous la solidité de payer la diminution qui pourrait arriver sur leur canon, pour toutes les années qui resteraient alors à écouler du présent bail et consentent que mondit Seigneur Evêque exerce contre eux la contrainte par corps, soit à cause de ladite folle enchère, du paiement annuel dudit canon, soit pour raison de l’exécution de toutes les clauses charges et conditions portées aux présentes.
Et tout quoi les preneurs ont promis satisfaire à peine de tous dépens, dommages et intérêts, obligeant pour sûreté généralement tous leur biens meubles, immeubles présent et futurs et spécialement tous les fruits, produits et revenus des biens sus laissés, leurs chevaux, bestiaux, chars, charrues et harnais, le tout qu’ils ont fourni solidairement comme dit est l’une des obligations ne dérogeant à l’autre.
Sans préjudice à mondit Seigneur Evêque à l’exécution dudit bail dudit jour.
Fait et passé à Metz au couvent dudit St Vincent, le treize août mil sept cent quatre-vingt-quatre après midi en présence de Pierre Chaudron et de Georges Bleu, tous deux bourgeois de Metz y demeurant rue des Allemands paroisse St Eucaire, témoins connus et requis qui ont signé avec mondit Seigneur Evêque et lesdits preneurs lecture faite.


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* commendataire (titulaire d'une commende) : usufruit d'une abbaye, accordé par le pape.
** f f f : Feu, foudre et vilains fondoirs (ou force).

Louis-Jérôme de Suffren de Saint-Tropez (1721-1796). Sacré évêque de Sisteron le 30 septembre 1764, il fera creuser un canal pour irriguer la région. Il est nommé évêque de Nevers en août 1789, et refusant de prêter le serment à la Constitution civile du clergé, il est recherché et poursuivi par les forces de l’ordre et meurt en émigration en Italie à Turin en 1796.
Le célèbre amiral Pierre André de Suffren (1729-1788) était son frère.


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