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Revue 1949 : « Lorraine sous les Tropiques ».
Scénario, textes, musique, mise en scène, direction : Paul Sechehaye

Le programme.


Quelques extraits

Acte I. (8 scènes)
Intérieur d'une grande case dans une région tropicale avec larges baies ouvrant sur un paysage de forêts. Au fond, la mer. Au lever du rideau, c'est le soir, avant le coucher du soleil.

Acte I. Scène 1.
Palmyre, Diana, Sylvia, Cattleya, Ixya, Hucca, Wanda. (Elles chantent)
  Sous le ciel toujours clair des tropiques
Chantons, dansons, rions aux éclats
Près de l’Océan d’un calme plat
Nous sommes filles du Pacifique
Les montagnes, des typhons nous gardent
Le soleil épanouit les fleurs
La plus belle naîtra dans nos cœurs
Un jour sans que nous y prenions garde !
Palmyre Ecoutez écoutez ! Voilà le cortège de notre auguste père qui revient du palais royal.
Sylvia Zut, on commençait vraiment à mieux chanter.
Diana Pourvu qu’il soit de bonne humeur ce soir, il est assez sombre depuis quelque temps.
Wanda Coutez, coutez ! Miousique !

Acte I. Scène 2.
Les mêmes, Croucoulas, Filouyo, Foutouyo, gardes, musiciens, porteurs.
(Croucoulas porté sur une chaise entre, précédé et suivi de gardes, musiciens, porteurs.
Le cortège fait un tour en scène et se range au fond, de chaque côté de Croucoulas)
Croucoulas Filouyo, n’oublie-pas, mon gaillard, que tu dois me remettre demain matin sans faute une énumération exacte et précise des stocks de viande dont nous pouvons encore disposer pour nourrir la population.
Filouyo Viande coucou, pas beaucoup. Gros trous trous dans le frigo.
Croucoulas Décarcasse-toi pour trouver de la bidoche. Remue-toi. Cherche, andouille !
Filouyo Filouyo bon ministre, faire papiers beaucoup, beaucoup sur feuilles palmiers. Toujours donner bon kangourou sans ticket à Croucoulas. Mais viande trop coucou maintenant.
Croucoulas Allez, allez, ça va, débrouille-toi ! Et toi Toutouyo tâche de faire un peur turbiner tout ton monde. Les chasseurs reviennent toujours bredouilles et les pêchers itou. Du moins ils le disent. C’est à contrôler.
Filouyo Oui oui les pêcheurs itou. Eux réclamer plus gros bouts de kangourous ; et cacatoès au pot une fois tous huit jours.
Croucoulas Les ressources ne le permettent pas. Au boulot ! Allez les voir et qu’on s’y mette, bon sang de bon sang.
Filouyo Eux pleurer beaucoup ; nous, beaucoup, nous, plus pouvoir chasser, plus pouvoir pêcher, tout nous, tout nous…
Croucoulas C’est bien. Je les réquisitionne ! Emmenez les gardes avec vous pour les persuader et les musiciens pour les entraîner en cadence. Allez ! Ouistiti ! Sortez tous ! Et vous mes enfants, restez, j’ai à vous parler.
(Tous sortent sauf Croucoulas et ses trois filles)

Acte I. Scène 3.
Croucoulas, Palmyre, Diana, Sylvia.
Croucoulas Maintenant que tous ces sauvages sont partis, parlons sérieusement.
Les trois filles Oui papa.
Croucoulas D’abord Palmyre tiens-toi droite. Si ta pauvre mère la défunte reine te voyait elle te le répèterait.
Palmyre Oui papa.
Croucoulas Soignez votre tenue mes enfants. N’oubliez pas que vous êtes des princesses authentiques.
Les trois filles Oui papa.
Croucoulas Oui papa, oui papa ! Ça n’a pas l’air de vous émouvoir du tout de penser que je peux mourir bientôt ?
Les trois filles Oh si papa ! (Elles pleurent)
Croucoulas Arrêtez, arrêtez, fermez les écluses ! Sans cela je vais m’attendrir moi aussi et ça n’en finira plus.
Les trois filles Oui papa. (Elles cessent de pleurer en même temps toutes les trois)
Croucoulas Je peux tout de même espérer qu’un navire quelconque finira par aborder dans cette île perdue avant ma mort. Voilà quarante ans que j’attends en vain. Mais rien ; rien que quelques épaves de navires naufragés échouées sur notre plage.
Diana C’est comme ça que Palmyre a eu sa belle robe new-look de cretonne imprimée des Magasins du Printemps.
Sylvia Et moi mes beaux souliers et puis les catalogues du Louvre, de Paris.
Croucoulas Paris, mon cher Paris ! Je ne voudrais pas disparaître sans le revoir. Nous partirons tous dès que nous le pourrons, mes enfants.
Palmyre Oui papa. Nous irons aux galeries Lafayette en arrivant.
Croucoulas Que tu es futile ma pauvre fille ! Ce n’est pas pour cela que je voudrais retourner en France. C’est pour vous marier.
Palmyre Oh oui papa ! Ce serait plus marrant qu’ici.
Diana Elle a raison papa, on ne rigole pas trop.
Croucoulas Marrant, rigoler ! Que c’est vulgaire ! De la tenue toujours !
Sylvia Moi je m’applique, papa.
Croucoulas Je n’étais qu’un modeste pilote de ligne aérienne Circumcoloniale française ; mais c’est grâce à mon maintien superbe que je suis devenu roi : je portais beau alors !
Palmyre Oui papa, il y a longtemps !
Croucoulas Allons n’insiste pas, il n’y a jamais que quarante ans. Or, vous, vous avez des dots magnifiques, des trésors de perles et de coraux rapportés de l’atoll par les pêcheurs et des plumes de cacatoès, de paradis, d’oiseaux mouches, de quoi garnir tous les chapeaux de la rue de la Paix pendant trois ans.
Diana Et des chouettes plumes !
Croucoulas Votre mère les choisissait parfaitement. Elle avait un goût très délicat. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle m’a demandé ma main.
Les trois filles Oui papa.
Croucoulas Elle avait été aussi impressionnée par mon charme que les sauvages par la vue de mon avion en feu. Bref, je l’épousais quoiqu’elle fut un peu… un peu…
Palmyre Rachel
Croucoulas Rachel ?
Diana Oui, Rachel, un peu ocre, quoi !
Sylvia Brune, café au lait foncé.
Croucoulas Ah bon, c’est ça ! D’ailleurs à cette époque c’était déjà très à la mode. On prenait des bains de soleil pour se brunir l’épiderme.
Diana Et les femmes se peignaient déjà les guibolles.
Sylvia Pour imiter les nylons. Mais notre mère, elle, c’était nature : elle ne déteignait pas à l’eau.
Croucoulas Quoi qu’il en soit, notre pouvoir sur les indigènes était immense à cette époque. Il n’’est plus le même aujourd’hui, hélas ! Les Sorciers nous calomniaient. Ils ont de noirs desseins ou des desseins au moins chocolat.
Palmyre Oui papa. Et Dingoyo veut m’épouser.
Diana Et Toufouyo court après moi aussi.
Croucoulas Jamais ! Ce sont d’affreux sauvages. Je vous marierai toutes les trois à des princes régnants, ou à la rigueur, à des ducs et à des marquis.
Sylvia C’est ça papa. Moi je suis d’accord.
Croucoulas Malheureusement les sorciers savent ma faiblesse ; ils prennent de l’audace chaque jour, critiquent les feuilles tickets de viande et d’arbre à pain. La valeur des coquillages de nacre-monnaie baisse.
Les trois filles Oui papa.
Croucoulas Pourtant ils ont encore le serpent et le poison en vente libre deux jours par semaine.
Palmyre Les chauves-souris, les caméléons et de beaux congres !
Croucoulas Et pas à la portion congrue ! Ah oui ! J’ai bien été le prince consort mais je crains de devenir bientôt le prince qu’on mange !
Diana Comme pour leurs vieux parents dont les obsèques ne coûtent pas cher puisqu’on retrouve parfois autour des cases et dans les poubelles des ossements suspects !
Croucoulas Je dois fermer les yeux et avaler des couleuvres au propre et au figuré.
Sylvia Attention papa. Voilà les sorciers qui viennent ici.
Diana Avec ses deux ministres incapables et prévaricateurs.
Croucoulas Ça se gâte mes enfants. Mais de la tenue et de la dignité, n’est-ce-pas.

(...)

Acte I. Scène 7.
Les mêmes, Logarythme, Petitpont, Manchinot, Ben Allour, Fanny Vertemaison, Joséphine, marie, France, Odile, Colette.
(Les nouveaux venus entrent, portant des bagages divers, vêtements en désordre)
Wanda Yo, yo, les génies blancs !
Petitpont Oh la la, qu’est-ce que je vois ? Pardon mes petites amies, est-ce qu’on peut entrer dans la cambuse sans vous déranger ?
Palmyre Oh des blancs, vous êtes des blancs, enfin !
Manchinot Ma foi oui ! Pas très blancs à cause des fumées du bateau en feu, nem ? mais des Français tout de même, allez !
Petitpont Et comme ça, ça va ? Qu’est ce que vous faites là mes charmantes enfants ?
Diana Oui oui, ça va. Nous sommes les filles du roi.
Manchinot Du roi de quoi ? Du roi de carreau ?
Sylvia Du roi de cette île où vous venez de débarquer.
Joséphine Mon Dieu donc mes pauvres gens ! En voilà une d’aventure ! Jamais ma chère ! Un roi qu’il y a ici ! Dans un château féodal !
Marie C’est core bien pire qu’au cinéma quand ils font des taxicolors !
Ben allour Allah, Allah…
Wanda Quoi lui tout noir lui chanter ?
Palmyre Mais comment êtes-vous venus ? Qui êtes-vous s’il vous plaît ?
Fanny Nous sommes les seuls survivants probablement du paquebot Alsace et Lorraine qui vient de couler après un incendie non loin de cette île.
Logarythme Non, chère amie.
Fanny Comment non ? Rêvez-vous encore Logarythme ?
Logarythme Excusez-moi de vous contredire chère ami. Mais il ne peut y avoir d’île ici, il ne doit pas y en avoir. C’est absolument contraire à tous mes calculs et aux indications les plus documentées des meilleures cartes marines que j’ai consultées avec le commandant du paquebot.
Joséphine Eh bien, mes enfants, où c’est-y donc alors que nous sommes ? Pas sur terre, pas dans une île… A Bikini ? Dans la lune ?
Marie Je me disais bien hier aussi déjà que c’était pas de la terre comme par chez nous dans ce patelin là !
Marchinot Qu’on soye où qu’on veut, continuez, madame Fanny. Monsieur Logarythme refera ses calculs, nem ?
Logarythme D’accord, mais…
Fanny Taisez-vous ! Voici donc notre savant et très érudit ami, titulaire d’une chaire es-science agrégé, doyen de la Faculté fruitière Lorraine du Champé, chef de notre mission. Auteur d’ouvrages du plus hait intérêt scientifique sur les fraises et les mirabelles, le ver blanc et les autres insectes nuisibles et sur les procédés pour les détruire.
Logarythme A votre service si vous avez des vers blancs Mesdemoiselles
Ixya Oh lui vieux pas convenable ! Nous pas avoir.
Fanny Voici Monsieur Manchinot, expert assermenté, le plus important producteur de fraises de Woippy.
Manchinot Vous verrez ça mes petites amies, si j’arrive à repiquer mes fraises et mes mirabelles, vous vous en relècherez les babines, pour sûr !
Cattleya; Lui gentil, moi donner une belle fleur ! (Elle lui donne une grosse fleur)
Manchinot Ah ah ! Tu vois Joséphine, j’ai un certain succès !
Joséphine Attends vieux singe que je t’y prenne.
Fanny Voici Monsieur Petitpont, notre dévoué opérateur radio du navire, qui n’a cessé d’appeler au secours au risque d’être brûlé vif dans sa cabine.
Petitpont Dommage que je n’aie pas réussi. Je tâcherai de faire mieux la prochaine fois.
Fanny Le spahi Ben Allour embarqué à Alger, accompagnant notre mission avec un couple de chevaux arabes pour les acclimater en même temps que les fruits en Australie du Sud.
Ben Allour Caïd et Sultan eux sauvés. Pas boulottés par li gros poissons.
Fanny Et voilà Mesdames Marie et Joséphine, les deux plus expertes productrices de fraises et de mirabelles de toute la Moselle, lauréates de toutes les expositions fruitières de Lorraine, de France et du monde entier.
Marie Oh taisez-vous, ma chère Madame Fanny, vous allez me faire rougir, nem ?
Joséphine Surtout que nous ne verrons sans doute guère bonnes à rien par ici. Le terreau n’a pas l’air fameux pour les siéger, les Laxtons et les Tomates.
Fanny Enfin je suis moi-même Madame Fanny Vertemaison, directrice de l’important frigo-fruits de Conserves de Woippy, adjointe en cette qualité au chef de notre mission de propagande. Et voici mes trois filles, France, Odile, Colette.
Palmyre (Très empressée) Soyez les bienvenus tous dans cette île en attendant le retour de mon père. Monsieur votre mari ne vous a pas accompagnée, Madame ?
Diana (A Sylvia) Elle en fait des manières cette Palmyre !
Fanny Hélas, Mademoiselle, Je suis veuve ! Mon mari est tombé dans la grande bassine à confitures de quetsches il y a dix ans déjà un jour de brouillard. Un horrible accident !
Palmyre Oh ! Sincères condoléances Madame ! (Elle lui serra la main longuement)
Diane Quel chiqué !
Sylvia Ah ben nous voilà rassurés à c’theure. Un moment pour souffler et puis nous repartirons pour chez nous, mes bons amis !
Marie Oh oui pour sûr ! J’en ai plein le dos de naviguer, moi. J’m’en revas en lorraine. Bonsoir la Compagnie.
Manchinot T’iras ousqu’on te dira tout gentiment tout bêtement, vieille sotte. Te fais pas d’allusions.
Marie Je ne retournerai point chez nous ?
Petitpont Faudrait d’abord se renseigner sur les jours et heures des avions, des bateaux, des trains, des trolleybus.
Yucca C’est quoi Palmyre, trolleybus ?
Palmyre Hélas, Mesdames, Messieurs ! Quelque soit la bonne volonté de mon père vous n’êtes pas près de quitter cette île probablement. Aucun navire ; aucun avion n’y vint depuis de longues années.
Fanny Mais c’est invraisemblable ! Logarythme qu’en pensez-vous ! Trouvez quelque chose.
Logarythme Je regrette infiniment, ma bonne amie, mais j’ignore éperdument où nous sommes et comment en sortir. Un bateau peut-être, fabriqué pas nos propres moyens ?
Palmyre Nous n’avons ni fer, ni moteur, ni voiles, ni instruments de bord permettant d’équiper un bateau pour une navigation lointaine.
Diana Et nous sommes au bout du monde, dit notre père.
Sylvia Loin de toutes routes maritimes.
Fanny Alors courage. Il faut vous résigner amis !
Manchinot On est bien vivants. C’est déjà beau, nem ?
Marie On pourrait avoir été noyés, bouffés par les recoins, les baleines.
Joséphine Les méduses, les crachalots, les phoques.
Marie On aurait pu trouver ici des bêtes féroces.
Joséphine Des avaleurs de sabres ou de pétrole.
Logarythme Peut-être des anthropopithèques, des plésiosaures, des ptérodactyles, des ornithorynques brulix !
Petitpont, Oh bien, alors tout va bien. L’avenir est à nous. Je me sens une vocation de colon, de vieux colon, avec rhum, bananes, café, dattes.
Wanda Eux contents. Mais sorciers ?
Manchinot De quoi les sorciers ? Il y en a plus !
Palmyre Malheureusement si, c’est vrai. Un grand péril nous menace tous. Soulevés par les sorciers de l’île les indigènes ont essayé aujourd’hui de s’attaquer à mon père.
Logarythme Nous sommes tombés de Charybde en Scylla.
Manchinot Ah ! Ça s’appelle Scylla ici ? Vous nous disiez que vous ne saviez pas où nous étions.
Marie Ecoutez donc voir un peu. On dirait la fanfare des sapeurs pompiers de chez nous un soir de Sainte Barbe après le banquet.
Joséphine Pensez voir un peu, ils n’ont point étudié le solfège les pauvres sauvageons là. Ça s’entend ma chère !
Ixya Voilà le roi Coucoulas et toute sa suite, yo, yo !
Cattleya, Yucca, Wanda : Yo, yo !

(...)
Acte II. (10 scènes)

Plage entre deux forêts, la mer au fond. Même fond de décor qu'au 1er acte en enlevant les panneaux de la case royale qui en masquait une grande partie. Au fond un petit tas de pierres d'où émerge un poteau sur lequel est planté un vieux drapeau tricolore. Sur les pierres et autour du poteau guirlandes de fleurs et feuillages, couronnes de fleurs.
Le soir avant le coucher du soleil.

Acte II. Scène 1.
Joséphine, Marie, Palmyre, Diana, Sylvia, France, Odile, Colette, Cattleya, Ixya, Yucca, Wanda.
(Au lever du rideau Joséphine et Maria arrangent les fleurs, les jeunes filles chantent et dansent)
Les jeunes filles Nous ne reverrons jamais jamais
Non probablement notre patrie
Et nous resterons toujours toujours
De vieilles filles sans amours !
Mais ne pleurons pas ô mes amies
Si ce n’est pas très gai très gai
Car tout peut changer en un instant
Le ciel pour nous serait plus clément !
Chantons dans la forêt tropicale
Dont les parfums s’exhalent !
Joséphine Hé oui, mes chères enfants, je crois qu’il faut en faire notre deuil, nem ? Voilà un an et demi qu’on est ici à c’t’heure.
Marie Quand j’y pense ! On se retournera plus dans notre Lorraine.
France Pas un navire, pas un avion, le petit bateau qu’on a essayé de construire n’a jamais pu aller au large à plus de quelques kilomètres.
Odile Ce n’est pas que nous soyons malheureux, malheureux. Il y a du soleil.
Colette Des fruits, des fleurs, rarement des typhons.
Wanda Vous danser avec nous. Pas loin d’ici ?
Marie Ben oui là, mes belles chattes, mais c’est pas pareil qu’aux bals de chez nous pour elles, allez !
Yucca Pas pareil ?
Joséphine Chez nous les Messieurs invitent les dames respectables comme nous et les jeunes gens font danser les jeunes filles.
Marie Il n’y aurait guère que M. Petitpont. Le Léon est trop vieux à c’t’heure ! Il marche tout raide le pauvre.
Sylvia Monsieur Logarythme aurait l’air d’un dindon.
Diana Et Ben Allour ne connaît que la danse du ventre des Ouled Naïl.
Palmyre Zut, ce n’est pas comme ça que nous trouverons des maris.
Cattleya Vous trouvez en dansant ?
France Pas toujours bien sûr ; on parle, on fait connaissance au son de la musique.
Marie Mais des fois ça aide. Ainsi tenez, moi, quand j’ai été Reine des Fraises.
Joséphine Tu ne vas pas aller raconter toutes tes fredaines aux pauvres innocentes là. Monsieur le Curé n’était pas trop content après toi à ce moment là !
Marie Tais-toi, jalouse.
France Ne vous disputez pas chère bonnes amies.
Cattleya Vous trouvez en dansant ?
--- etc... ---  

(...)

Acte III. (7 scènes)

Même décor qu'au 2ème acte. Croucoulas attaché au poteau, une broche et un marmite sur un feu préparé.
Un peu avant le coucher du soleil.

Acte III. Scène 1.
Croucoulas, Dingoyo, Malouya, Nagouya, Pagouya, Zagouya, Indigènes.
Dingoya Nous fa.. fa.. fatigués par beaucoup boulot ! Mettre en prison mau.. mau.. mauvais blancs !
Malouya Toi donner encore petit coup de rhum.
Dingoyo Y a plus y a plus.
Nagouya Hommes a. a. a. a. voir tout bu !
Pagouya Encore tout.. tout peu. Vous bu.. bu.. voir puis a.. a.. a.. aller garder pri.. prison. (Il leur verse du rhum dans les écuelles qu’elles boivent d’un coup). Là... bon.. bon...
Malouya Nous contentes centen.. tes.. bon.. dans bou.. bouche, bon chaud dans ven.. tre.
Nagouya Nous voir belles plumes par.. par.. partout.
Pagouya Un peu.. peu.. fa.. fa.. tiguées.
Dingoyo Nous manger Cou.. cou.. cou.. coulas rô.. rôti tout à l’heure. Vous prépa.. pa.. pa.. rer sauce pi.. pi.. piquante !
Malouya Toi appeler nous. Nous aller ga.. ga.. garder pri.. pri.. son en do.. do.. dormant. (Elles sortent en titubant toutes les quatre.)
Dingoyo Moi garder Coucoulas i.. i.. ici avec bons indigènes. Toi entends Cou.. cou.. cou.. coulas ? Toi faire encore pe.. pe.. pe.. tit do.. do.. do.. avant cui.. cui.. cuisine. (Il s’écrase ivre mort)

Acte III. Scène 2.
Croucoulas, Dingoyo, indigènes, puis Pascal.
La scène reste silencieuse un moment, cependant que Croucoulas essaie en vain de se détacher.
Pascal (Apparaissant) Pott, pott, hé ! Oh ! Cette broche, cette marmite, Ma Doué !
Croucoulas Chutt ! Chutt !
Pascal (Avançant avec précaution pistolet à la main) Ho, ho, ça va mal ! Palmyre ? Où est Palmyre !
Croucoulas Parlez très bas ! Ils viennent de s’endormir ivres morts. Palmyre et les autres sont en prison. Ils nous ont attaqués subitement cette nuit.
Pascal Mais il faut délivrer Palmyre.
Croucoulas Détachez-moi vite.
Pascal Vous êtes bien sûr papa n’est-ce pas ?
Croucoulas Oui détachez-moi, Palmyre a pu tout me raconter.
Pascal Nous sommes venus en éclaireurs dans un petit canot avec le lieutenant Français et l’Américain. Mais rien à faire avant que les autres soient là.
Croucoulas Je vous conduirai. Ceux-ci ne bougeront pas sans doute mais les sorcières qui gardaient la prison ont moins bu. Et l’éveil est donné.
Pascal Je vous détache. Mais il me vient une idée.
Croucoulas Hâtez-vous, jeune homme.
Pascal Palmyre, voyez-vous.
Croucoulas Palmyre, oui.
Pascal Elle et moi on s’est bien entendu tout de suite sur beaucoup de choses Ma Doué !
Croucoulas Elle me l’a dit. Détachez-moi.
Pascal Alors qu’en pensez-vous ?
Croucoulas Ce que j’en pense ?
Pascal Oui. A parler franc, je viens vous demander de me la donner en mariage, oui donc !
Croucoulas Me demander sa main, à moi ? Vous ?
Pascal Sa main, bien sûr. Nous sommes d’accord elle et moi, voyez-vous.
Croucoulas C’est que c’est une jeune fille accomplie. Elle fait ses robes en feuillages et ses chapeaux elle-même, sait coudre, faire la cuisine.
Pascal Et elle joue La Prière d’une Vierge au piano. Je connais le --. Ma mère l’avait déjà servi à mon beau-frère quand ma sœur s’est mariée.
Croucoulas C’est une princesse authentique. Détachez-moi !
Pascal Oh dame, ça ne me gêne pas pour l’épouser.
Croucoulas Elle a une dot magnifique. Détachez-moi.
Pascal La dot gardez-là. Je vais passer premier maître dans un mois. Nous aurons assez avec ma petite maison près de Brest. Ca va ?
Croucoulas Mais ce n’est pas le moment. Détachez-moi.
Pascal Oui. Mais un bon mouvement avant. Allons oui ?
Croucoulas Vous me mettez le couteau sous la gorge jeune homme !
Pascal Il faut mieux que ce soit moi que le sorcier.
Croucoulas Allons c’est entendu. C’est oui !
Pascal Ah, Ma Doué ! Que je vous embrasse, beau-père ! (Il coupe les liens) C’est comme à l’écarté : je coupe pour le roi !
Croucoulas (S’étirant) Et maintenant essayons d’aller délivrer Palmyre et les autres. Que faire ?
Pascal Si seulement mes deux compagnons venaient ! Ah, écoutez, les voilà sûrement ! Eh Pott !
(Il fait signe aux arrivants de ne pas faire de bruit.)

(...)

Revue 1949 : « Lorraine sous les Tropiques »
(3 actes - 25 scènes)

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