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  Dernière mise à jour : 9 décembre 2014

Joseph FABERT
( 1879 - 1974 )

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Mercredi 14 janvier 1931
Un hommage à l’Agriculture
M. Fabert, agriculteur à Ladonchamps, est nommé chevalier de la Légion d’honneur

Paris, 13 janvier. – Par décret rendu sur la proposition du ministre de l’Agriculture, est nommé au grade de chevalier de la Légion d’honneur, M. Joseph Fabert, agriculteur à Woippy.
C’est avec une sympathie unanime que l’agriculture mosellane apprendra la haute distinction dont M. Joseph Fabert vient d’être l’objet.
En la personne du nouveau chevalier, ce n’est pas, en effet, seulement le président de nombreuses organisations agricoles – Syndicats et coopératives – qui est récompensé pour son labeur acharné et son esprit de conciliation ; beaucoup verront dans le ruban rouge qui ve désormais orner la boutonnière du fermier de Ladonchamps, une distinction accordée à l’agriculteur-type qu’est M. Fabert ; à l’homme de la terre lorraine, à l’amant du sol natal, au chantre de nos champs et de nos étables, des hôtes des bois et des buissons ; au fermier qui pétrit encore lui-même le pain qu’il mangea et que mangent tous ceux de sa ferme ; au caractère droit, intègre et tout d’une pièce que tous estiment et honorent dans le « père Fabert ».
De grand cœur, le « Lorrain » se réjouit de la haute distinction accordée à son fidèle ami et aussi d’être parmi les premiers à l’en féliciter cordialement. C.R. (Le Lorrain - Première page, bas à droite)

La légion d’honneur
M. JOSEPH FABERT

Est nommé chevalier de la Légion d’honneur au titre du ministère de l’Agriculture, M. Joseph Fabert, agriculteur à Woippy.
Adjoint au maire de cette commune, M. Fabert a déjà été décoré de la croix d’officier du Mérite agricole pour son grand dévouement à la cause agricole de notre région et son active collaboration aux divers organismes qui se proposent de soutenir et d’encourager l’agriculture. Il est notamment membre du bureau de la Chambre d’agriculture, président de l’Union mosellane des Syndicats agricoles et président de la Coopérative agricole de la Moselle.
Toutes les semaines, le monde agricole suit avec un vif intérêt ses très intéressantes chroniques dans la revue agricole « La terre Lorraine ».
Aux nombreuses marques de sympathie qui ont déjà été témoignées à M. Fabert, le « Messin » est heureux de joindre ses vives et bien sincères félicitations. (Le Messin)

Dimanche 17 mai 1931 (Le Lorrain)
Une salle Saint-Bernard remplie d'agriculteurs, dont un grand nombre de jeunes, tel est le cadre où se déroula hier matin, à 9 h 30, l'assemblée générale de l'Union Mosellane des Syndicats agricoles. Il est vraiment réconfortant de constater que nos agriculteurs s'intéressent de plus en plus aux graves problèmes économiques de l'heure présente en venant écouter les magistrales conférences faites par des personnalités éminentes du monde agricole.
M. Fabert, le très aimé président de l'Union Mosellane, ouvre la séance, ayant auprès de lui MM. le colonel Lyautey, président de l'Union Lorraine des Syndicats agricoles ; Thisse, directeur des Services agricoles ; Robineau, secrétaire général de la Confédération des Producteurs de Lait ; Goussault, administrateur de l'Association Générale des Producteurs de Blé, et représentant des agriculteurs à la Bourse de Commerce de Paris ; le général Stuhl, sénateur de la Moselle ; Geisler, président de la Caisse agricole des malades de l'arrondissement de Metz-Campagne ; de Ladonchamps, président de l'Union des Syndicats des Producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle.
Le « père » Fabert souhaite avec sa cordialité et sa bonhomie coutumières la bienvenue à la nombreuse assistance et aux personnalités présentes, puis il passe la parole à l'actif secrétaire de l'Union Mosellane, M. R. Pignard, qui présente le rapport moral, dont voici la substance :

Le rapport moral par M. PIGNARD

Le but que s'est proposé l'Union Mosellane, dès sa création, a été de travailler de toutes ses forces à « l'organisation professionnelle de notre métier ». Cette organisation dont tous ceux qui voient clairement les difficultés que nous traversons sont d'accord pour dire que c'est la seule planche de salut de l'agriculture.
Dans ce but l'U. M. s'est efforcée de mettre sur pied, petit à petit, cette organisation professionnelle reconnue nécessaire, de fonder dans notre département les associations et les groupements qui pouvaient la réaliser.
C'est ainsi qu'elle a provoqué notamment la fondation des deux Coopératives : La Coopérative laitière et la Coopérative agricole, celles-ci étant destinées à organiser, chacune dans leur spécialité, la vente des produits agricoles par les producteurs eux-mêmes.
Si, jusqu'à maintenant, ces Coopératives n'ont pas gagné de l'argent pour elles-mêmes, tout le monde est d'accord, et même leurs adversaires, pour reconnaitre que leur création et leur existence ont eu des résultats extrêmement importants pour l'agriculture. Si par exemple la Coopérative laitière n'existait pas, dés ce moment-ci de l'année, nous aurions à nouveau une grande partie de notre lait sur les bras. Il n'est pas exagéré d'estimer à 20 centimes par litre le supplément de prix qui est payé à l'agriculteur uniquement parce que la Coopérative laitière est là. Or, si la production laitière du département est de 300.000 litres par jour, le supplément de 0 fr. 20 correspond à une recette supplémentaire de 60.000 fr. par jour pour l'agriculture mosellane, ce qui fait plus de 18 millions par an. On pourrait faire des calculs analogues à propos de la Coopérative agricole.
L'organisation de la profession, cela veut dire aussi la transformation de la mentalité paysanne, trop encline à l'individualisme, nous pouvons même dire à l'égoïsme ; c'est dans ce but que l'U. M. s'est aussitôt préoccupée de la formation sociale des jeunes, pour lesquels elle a fondé le Cercle d'études qui comporte actuellement des sections dans toutes les parties du département.
Toutes ces nouvelles idées à mettre en œuvre nécessitent une propagande constante auprès des cultivateurs et, dans ce but, un journal agricole départemental était nécessaire. Ce journal, « La Terre Lorraine », c'est l'U. M. qui a eu l'honneur de le fonder en transformant, avec l'appui des grandes associations du département et principalement des Comices, son petit bulletin initial en journal hebdomadaire et bilingue. L'excès de travail résultant de la pénurie de dirigeants n'a pas permis d'organiser suffisamment de journées rurales, comme autrefois. Il y a cependant encore beaucoup de Syndicats agricoles et de Mutuelles à fonder. L'U. M. facilite la tâche de ceux qui veulent s'en occuper en fournissant tout ce qui est nécessaires (formulaires, statuts, etc.).
L'Union Mosellane n'a donc jamais cherché à conserver à son profit les réalisations qu'elle a mises debout. Elle est le groupement ouvert à toutes les forces agissantes qui concourent à ce travail si nécessaire d'organisation professionnelle, sans crainte des responsabilités, sans recherche d'honneur ni de profits.
Passant ensuite à des questions administratives, M. Pignard rappelle que les dernières élections au conseil d'administration ont eu lieu en 1929. Il y en aura donc de nouvelles cette année. Dans sa réunion du 9 mai, le conseil a pensé qu'il était préférable de les remettre à une autre assemblée générale, qui aura lieu dans le courant de l'année, afin de ne pas surcharger l'ordre du jour de cette réunion.
L'excellent secrétaire conclut en demandant une collaboration plus intense aux présidents des syndicats, et, selon la phrase célèbre de M. Tardieu : « L'Agriculture organisée dans l'Etat fort, c'est pour demain la plus grande France. »

Le rapport financier

M. Lançon, ingénieur agronome et gérant de la « Terre Lorraine », présente ensuite la situation financière, dont il convient de souligner le parfait équilibre. Les comptes, préalablement approuvés par le conseil, le sont à leur tour par l'assemblée, et décharge est donnée au trésorier, dom le mérite a été si grand dans les débuts et dans le développement de l'U. M.

Le problème du blé par M. GOUSSAULT

Dans un remarquable exposé, l'éminent conférencier rappelle les années malheureuses que notre région vient de traverser et fait le point de ce qui a été obtenu. Malgré les mauvaises récoltes, il faut reconnaître que la situation s'est améliorée depuis trois à quatre ans. Au point de vue des prix, la politique du blé nous a donné certaines satisfactions. Sur le marché mondial, la France occupe une situation privilégiée, et il faut nous estimer très relativement heureux des cours obtenus depuis le début de l'année. Nous avons pu obtenir ces prix, parce que nous avons des organisations centrales qui ont pu imposer une politique du blé aux gouvernements. Nous avons obtenu un droit de douane de 35 fr., qui a été élevé progressivement à 50 et 80 fr. La protection douanière ne nous a cependant pas donné satisfaction complète. Les organisations centrales ont demandé que l'entrée des blés étrangers en France soit supprimée. Chose très difficile. Ce qu’on a pu obtenir, c'est la limitation de l'importation des blés étrangers, destinés à la mouture. Cependant les barrières douanières n'empêchaient pas l'envahissement de notre marché par les blés étrangers.
La mesure la plus efficace a été la lutte contre la spéculation, notamment par la grosse réforme de la Bourse de Commerce, en y admettant la représentation des agriculteurs. Cette présence des agriculteurs au marché de Paris conditionne toutes les réformes. Il importe maintenant de nous organiser économiquement, car la spéculation n'est qu'un effet et il faut en supprimer les causes. Il faut créer des organisations pour soutenir la politique du blé, augmenter le pourcentage sur les blés exotiques et en contrôler l'importation, ce qui renforcerait encore notre situation avantagée sur le marché mondial. Enfin, il nous faut pratiquer le stockage, seul moyen qui nous permet de vendre rationnellement.
Très applaudi, l'orateur termine en exhortant nos agriculteurs à s'organiser économiquement, condition essentielle pour rendre la France agricole plus prospère et lui donner la place qu'elle mérite dans la vie économique mondiale.

M. LE GÉNÉRAL STUHL

L'estimé sénateur de la Moselle rend hommage à nos agriculteurs et félicite tout particulièrement les nombreux jeunes présents, qui comprennent la nécessité de se grouper pour la défense de leurs intérêts. Après avoir dit la grande sollicitude qu'il porte à l'agriculture, le général Stuhl expose les rapports qui doivent exister entre les organisations agricoles er les parlementaires. Soulignant la situation dangereuse créée par le « dumping » pratiqué par la Russie, l'orateur fait connaître qu'il est question de créer une organisation pour veiller à ce que la Russie n'importe pas plus chez nous qu'elle n'exporte

M. DE MARMIER

développe quelques idées de la magnifique conférence de M. Goussault, et demande aux agriculteurs, en face de la situation tragique de l'heure présente, de se grouper, disciplinés et confiants, à l'intérieur des organisations économiques.

Les questions laitières par M. ROBINEAU

Avec une rare compétence, le distingué secrétaire général de la Confédération des producteurs de lait démontre que nos agriculteurs, considérés comme une quantité négligeable, ont à faire amende honorable de la situation actuelle. Il faut, avant tout, changer la méthode de travail dans les organisations professionnelles.
Trois causes ont provoqué la situation mauvaise du marché laitier en France. Ce sont la surproduction partielle de la production nationale et mondiale, les importations massives (les importations pour le seul mois de mars 1931 égalent celles de toute l’année 1930) et les crèmes artificielles, margarine et tous les produits d'origine végétale. Parmi les remèdes à cette situation, il faut tout d’abord citer la protection douanière contre le produit d'importation. Mais le droit de douane est un mur de protection illusoire, car à côté du producteur il y a le consommateur dont la puissance d’achat est limitée. Le droit de douane finirait d’ailleurs par nous causer des surprises ; il est, de ce fait, le moins intéressant.
Il est un autre moye n plus certain, c'est l’organisation professionnelle. Certes, il faut reconnaître les résultats méritoires des coopératives laitières, mais les formules de réalisation sont restées davantage à l'état technique .qu'à l'état pratique. La formule de syndicat est une formule insuffisante et limitée dans ses résultats, car son rôle se borne surtout à la rédaction de vœux. La formule coopérative doit être celle de demain, car elle s'appuie sur les engagements des producteurs. Cette réalisation coopérative est grosse d'avenir, parce qu'elle permet la vente en commun du produit laitier.
C'est grâce à la formule coopérative que l'on obtiendra le maintien à la terre de nos populations rurales. Cette formule doit être 1a charte de toutes nos revendications.

M. DE LADONCHAMPS

traite ensuite brièvement la question des fruits en Moselle : la fraise, la mirabelle, la prune, etc., et le cassis. Si la récolte cette année s’annonce bonne, la demande s'annonce bonne aussi, mais a quelles conditions de prix ? Du côté allemand, M, de Ladonchamps a appris que la situation économique semble se stabiliser et que les prix ne seront pas inférieurs à ceux de l'année dernière. Pour les fraises, on ne peut encore fixer les cours, mais les prix obtenus la semaine passée sont égaux à ceux de l'année dernière et même plus élevés. Tout ce que les orateurs précédents ont exprimé peut s'appliquer aux fruits qui souffrent des mêmes maux.
Pour la mirabelle, les renseignements sont moins bons et la récolte s'annonce beaucoup moins importante.
En ce qui concerne le cassis, on en a beaucoup planté, mais on l'arrache à nouveau dans beaucoup d'endroits. Le gros client de la France pour ce produit était l'Angleterre. Mais ce pays pratique depuis quelque temps une politique protectionniste et achète, d’autre part, beaucoup de cassis en Australie.
M. de Ladonchamps engage les agriculteurs à cultiver un produit de qualité et à seconder fortement les organisations dont le rôle est de trouver des débouchés.

M. GEISLER

prend la parole pour engager les agriculteurs à faire partie de la Caisse agricole des malades de Metz-Campagne, qui à l'instar de celle de Sarrebourg, devrait grouper la totalité de nos agriculteurs. Avec l'augmentation des adhérents, on pourrait fortement réduire les tarifs. M. Geisler examine et détruit toutes les objections qui semblent empêcher nombre d'agriculteurs d'adhérer à la Caisse agricole des malades.

M. HAUSHALTER,

le dernier orateur de la matinée, brode sur les thèmes déjà évoqués et insiste sur la nécessité d'exercer la police des fraudes au sein même des organisations.
Les discours s’étant multipliés, la réunion, qui devait finir vers midi, n’a pris fin qu’à 13 heures bien sonnées


Le banquet et la Remise de la Croix à M. Fabert

La grande salle des Mines est remplie d'une foule ardente – 584 personnes – quand, à 1 heure sonnée, seulement, les principaux invités font leur entrée. Service d'ordre très bien fait. De même le menu, bien préparé par le bon restaurateur Schmitt, du restaurant du C.A.M., est rapidement servi. La fanfare de Woippy, sous l'excellente direction de son chef Didier, accueille les hôtes de ses harmonies qu'elle dispensera encore le long du repas.
Citons les principales personnalités qui ont pris place à la table d'honneur, sur le podium : M. le colonel Lyautey préside. À sa droite : MM. Fabert, Guy de Wendel, de Marmier, le général Hirschauer, Robineau, Thisse, Goussault, C. Champigneulles, l'abbé Marsa1, Groh, Leroy, directeur des Services agricoles à Beauvais, Alfred Mangenot, Mayot, Pierre Grandidier, Sigaut, Haushalter, Lançon.
À sa gauche : MM. Armand, chef de cabinet du Préfet, l’abbé Keller, Vautrin, maire de Metz, Corbedaine, de Ladonchamps, de Bonnegarde, Bertrand, Patard, Utzschneider, Archen, Pallez, Geisler, Brunotte.
De la tribune pendent les drapeaux du Cercle d’études agricoles et de l’Union de Woippy.

LES DISCOURS

Toutes les personnalités que nous avons nommées ont pris place autour des tables d'honneur, dressées en fer à cheval, sur la grande scène. Au centre, on remarque M. Fabert, simple et souriant comme toujours. Des balcons, les photographes mitraillent sans cesse et les autorités et l'assistance. Les brusques éclairs du magnésium signalent seuls leur présence.
Au dessert.

M. le Colonel Lyautey

inaugure la série des discours d'usage. En sa qualité de délégué des corporations agricoles de Meurthe-et-Moselle, il apporte aux cultivateurs mosellans le salut cordial de leurs bons voisins, et, s'associant de tout cœur à cette belle cérémonie, il lève son verre à la santé du président Fabert et à la prospérité de l'agriculture mosellane.

M. de Marmier
Chevalier de la Légion d'honneur

chargé par le gouvernement de remettre la croix à M. Fabert, dit l'émotion et le plaisir qu'il éprouve à s'acquitter de cette mission. Il trace brièvement les principaux épisodes de la vie de M. Fabert, à qui Colin et Fanchon sont si reconnaissants de tant de dévouement à leur cause.

La vie de M. Fabert

Né à Woippy, dans cette ferme de Ladonchamps, gérée de père en fils par les Fabert, M. Joseph Fabert passa sa jeunesse à l’école de son village, puis à l’Ecole réale, enfin dans diverses associations lorraines. Il accomplit son service militaire chez les Allemands. Il porte l’uniforme abhorré, oui, mais parce que c’est l’uniforme. Jamais il ne demandera rien à ses chefs. Il servira loyalement jusqu’au bout, sans jamais solliciter un seul jour de permission. Au lendemain de sa vie militaire, une nostalgie le prend, il quitte Ladonchamps et va faire campagne dans diverses fermes du pays de la Marne, pour se perfectionner dans son métier de cultivateur. Il revient pour reprendre la ferme de Ladonchamps que son père exploitait. Il fait fructifier cette bonne terre de Ladonchamps et de Woippy, à laquelle il est si attaché. Il a montré qu’à Woippy il ne poussait pas seulement des fraises, mais aussi des céréales. M. Fabert gagna vite la confiance du village. En 1908, il est élu au conseil municipal. Il est adjoint au maire de Woippy depuis 1912. Avant la guerre, M. Fabert faisait partie du Souvenir Français et ne craignait pas les menaces des Allemands pour assister aux réunions. Pendant la guerre, le père Fabert a vibré de toute son âme et de tout son cœur. Il cherche à faire l’union de tous. Et nous reconnaissons tous ces belles « histoires » du père Fabert, du père Fabert qui traverse l’Allemagne avec un chargement de saucisses lorraines et de « mirabelles », pour réconforter les Lorrains abandonnés aux environs de Kœnigsberg ; du père Fabert pendant ce mois de mars 1918, du père Fabert enfin, qui, la guerre finie, prend le train pour Mayence, pour voir Mangin jeter un pont sur le Rhin, à l’endroit même où Blucher, en 1814, passait le fleuve. Le père Fabert qui connaît son histoire mieux qu’aucun de nous, estime alors l’injure faite au fleuve sacré est effacée. La guerre finie, il faut recommencer le travail. Tout de suite, le père Fabert se pose en champion pour faire pénétrer la doctrine de la charité française et latine, en organisant le mouvement syndical des agriculteurs. Il fut un animateur incomparable. C’est lui qui fonda le premier Syndicat à Woippy. En en 1924, quand il fut question d’enlever à l’Alsace et à la Lorraine leurs biens les plus sacrés, c’est encore le père Fabert qui se fit le défenseur acharné de nos plus chères libertés. Il n’hésita pas à mettre dans la balance sa personne, ses biens et ceux de sa famille. Il a mis à notre service se fortune et son labeur pour nous organiser et nous sauver. Et cet homme a été combattu ! Cet homme, ce chef, qui, pas sa méthode et sa tranquille confiance, a su imposer à ses troupes autant d’abnégation ! Eh ! bien, nous proclamons bien haut que M. Fabert n’a jamais été l’instrument de personne. Il est le chef de tous.
En cette minute, la plus belle et la plus émouvante dans la vie d’un Français, je tiens à le dire que jamais une croix n’aura mieux récompensé toute une vie de dévouement et de labeur.
Toute l’assistance et debout. Le père Fabert, très ému, reçoit sous les plis des drapeaux aux couleurs nationales de l’Union de Woippy et du cercle d’études de la section des jeunes agriculteurs de la Moselle, la croix d’honneur des mains de M. de Marmier, qui lui donne l’accolade.
La musique attaque une vibrante « Marseillaise » que tout le monde écoute debout. Puis, M. de Marmier remet un superbe cadeau, don de l’Union mosellane des syndicats agricoles. Ce cadeau consiste en un bronze de toute beauté, dû au ciseau du maître sculpteur parisien, Maxime Real del Sarte, représentant Jeanne la lorraine, et qui est dédicacé : « Au père Fabert, Colin et Fanchon reconnaissants, 16 mai 1931 ».
De toutes parts fusent les applaudissements et les vivats : la terre lorraine acclame son chef d’hier, son défenseur d’aujourd’hui, son espoir de demain.

M. Mangenot
Maire deWoippy

rappelle brièvement la belle carrière de M. Fabert, dont il s'honore d'être le compatriote, et lui souhaite de porter encore bien longtemps parmi sa chère famille la haute décoration qu'il vient de recevoir.

M. Mayot
Président de la Coopérative laitière de la Moselle

loue hautement l'œuvre de M. Fabert, paysan et écrivain savoureux, qui fait si grand honneur à la terre, et le félicite bien vivement, au nom de l'agriculture mosellane.
M. le Sénateur Hirschauer
souligne la dignité que représente la Légion d'honneur, créée pour récompenser ceux qui ont rendu service à la patrie, et associe les félicitations des parlementaires mosellans à celles que l'agriculture adresse au nouveau décoré.

M. Vautrin
Maire de Metz

apporte à cette imposante assemblée de cultivateurs les plus vives sympathies de la ville de Metz et félicite le très honoré et vénéré président Fabert.

M. Robineau

loue hautement M. Fabert, « synthèse du type du paysan français », en la personne de qui le gouvernement a voulu honorer la paysannerie française toute entière. « Fabert, dit-il, dont vous appréciez tous dans la Terre Lorraine la puissance d’esprit, la beauté d’âme et la richesse de documentation, a toujours personnifié en Lorraine l’âme des coopérateurs, en défendant la formule syndicale à une époque d’individualisme outrancier. Fabert est le champion de l’organisation, M. Tardieu, l’a définie. Faisons donc l’union autour de M. Fabert, afin que l’avenir de nos corporations agricoles soit légalement assuré ».

M. l’Archiprêtre Keller

tient à définir en deux mots le caractère de cette fête : fête de famille et de la paysannerie mosellane. M. Fabert, dit-il, a toujours eu à cœur de maintenir l'union la plus complète entre les travailleurs de la terre, n'ayant en vue qu'une seule chose : le dévouement à son pays et à la France. Aussi le clergé tient à apporter à M. Fabert, le nouveau légionnaire d'aujourd'hui, celui qui toujours a su apprécier les facteurs moraux qui reposent sur la justice et l'entraide sociales, ses félicitations les plus cordiales ».

M. de Wendel
Sénateur de la Moselle

avec cette verve dont il est coutumier, rappelle les heures difficiles que traversa l’agriculture mosellane, les luttes hardies conduites par le chef qu’est M. Fabert, et termine en assurant à l’assemblée attentive toute la sollicitude des parlementaires mosellans dans l’effort pour l’organisation de la profession. En dernier lieu,

M. Armand

apporte à M. Fabert les vives félicitations du gouvernement qui a voulu, en le décorant, récompenser toute une vie d’attachement et de fidélité à la terre lorraine. « M. Fabert, dit-il, a été de ceux qui, par leur initiative, que ni le sol ingrat ni la mauvaise fortune ne rebutent, ont su organiser la production agricole mosellane selon les méthodes françaises de travail ».

M. Fabert

Pressé par ses nombreux amis, sollicité de toutes parts, le « père Fabert », lui aussi, se doit de dire un mot à ses « troupes ». Il monte donc à la tribune, avec sa très digne épouse, que tous associent à cette cérémonie. M. Fabert remercie sobrement mais très cordialement les organisateurs de cette fête, les autorités et toutes les personnalités présentes. Modeste comme à son habitude, M. Fabert reporte sur la paysannerie lorraine toute entière l'honneur qui lui est fait en ce jour. Il appelle l'union de tous pour le bien de tous, car, dit-il, on commence maintenant de compter avec nous. A nous de ne pas laisser tomber l’outil. Vous exaltez mon œuvre ; mais je n’ai prêté que mon nom, je n’ai été que l’un de chez nous, de ceux auxquels nos ancêtres ont montré le chemin.
Continuons l’œuvre commencée, défendons-nous, car il faut que nos campagnes restent l’agrément de nos Fanchons. Travaillons pour que redevienne grande, puissante et belle notre France puissante et belle pour nous et nos enfants.
Et sur ces mots, le « père Fabert » prend à bouts de bras une petite fille, une jolie et très blonde Fanchette de 5 ans, qui lui offre une belle gerbe de roses rouges. On applaudit à ce tableau touchant de l’aïeul et de l’enfant, symbole de toute une vie, programme de tout l'avenir.
Le voilà bien tel que nous nous le figurons, le poète paysan, la cigale lorraine, attaché à sa famille et à sa terre, luttant pour tous les deux, avec cette ténacité et cette tranquille confiance qui caractérise si bien le père Fabert et la paysannerie lorraine que la France, qui n'oublie pas ses enfants fidèles ; a voulu récompenser en ce jour et perpétuer.

Dimanche 17 mai 1931 (Le Messin)
L'agriculture mosellane était hier en fête ; n'honorait-on pas un de ses plus autorisés représentants, le véritable « prototype » de cette âme lorraine, rude et forte, solide en ses affections, inébranlables en ses convictions, un fils de ce fier et loyal terroir qui est un des plus beaux fleurons de notre France éternelle.
Président de l'Union des Syndicats agricoles, apôtre de l'union et de la coopération, M. Fabert a bien mérité de la France et de la République ; c'est pourquoi l'insigne de l'honneur et du dévouement à sa patrie brille désormais sur son cœur fidèle.

L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Mais nos paysans, s'ils s'appuyent sur le mancheron de la charrue pour s'essuyer le front et jeter avec satisfaction un regard en arrière, ne le font que lorsque la tâche est achevée. De même hier, avant de se réunir et de festoyer en des agapes fraternelles, ont-ils voulu tout d'abord discuter les graves problèmes agricoles qui se posent à l'heure actuelle.
Et ce fut dès 9 h 30, à la salle Saint-Bernard, une assemblée plénière de l’Union Lorraine des Syndicats agricoles, à l’ordre du jour trop fécond pour qu'il nous soit possible d'en rendre compte in-extenso.

À L’HÔTEL DES MINES

Dénombrer les personnalités parmi 600 convives groupés par affinités est chose malaisée ; aussi, sans suivre l'ordre protocolaire, glanerons-nous au hasard du stylo quelques noms parmi les innombrables amis que compte M. Fabert dans tout le département. Disons d'abord que M. Schmitt, le maître d'hôtel, assisté du Syndicat des Garçons de Metz, sous la direction de M. Fink, avait réussi le tour de force de dresser élégamment les tables ; la salle, ornée de plantes vertes, égayée par le soleil, offrait un joli coup d'œil avec, à la tribune, les drapeaux de l'Union Lorraine de Woippy et du Cercle des Jeunes de l’Union Mosellane, et au premier plan de la tribune le bronze qui va être offert au récipiendaire par ses collègues terriens.
Voici MM. Guy de Wendel, sénateur, président du Conseil général ; les généraux sénateurs Hirschauer et Stuhl ; M. Armand, chef de cabinet du préfet ; M. Corbedaine, conseiller général, président de la Chambre d’agriculture ; les conseillers généraux Bertrand, de Ma-range, Ritz, de Verny, Haushalter, de Vigy ; M. Thisse, directeur des Services agricoles de la Moselle, et son prédécesseur, M. Leroy, actuellement à Chartres ; M. Der Katchadourian, directeur du centre national d’expérimentation agricole de Courcelles-Chaussy ; M. Lançon, ingénieur agronome ; M. Brunotte, ingénieur du Génie ; M. l’abbé Keller, archiprêtre de Vigy, aumônier des Jeunesses agricoles, et M. l'abbé Marsal, de Vry ; MM. de Ladonchamps, baron de Bonnegarde, de Marmier, Thuillier, Mayot, Pignal, Champigneulle et autres animateurs du mouvement agricole ; M. Vautrin, maire de Metz ; les maires et délégations de nombreuses communes, notamment MM. Bourson et Husson, de Flévy.
Beaucoup de dames, de jeunes filles et de jeunes agriculteurs, avec leur jeune conseiller-maître Walter, étaient venus égayer de leur présence ce banquet, auquel l’agriculture de « l’intérieur »… était représentée par le colonel Lyautey, président de l’Union de Meurthe-et-Moselle ; M. Bourson, délégué de l'Association nationale des producteurs de blé, et M. Robinean, président de l'Union des Coopératives et directeur de l'Union de l'Yonne.

IL N’Y A QU’UNE LORRAINE

Au dessert, le colonel Lyautey prend le premier la parole. Il apporte le salut de l'Union Lorraine de Meurthe-et-Moselle, société soeur, dont il trace un bref historique. Il excuse l'absence du président Varaignes, absence qui lui vaut d'être parmi nous, et il se dit très heureux d'être en cette Lorraine, qui ne fait qu'une avec l'autre, cette Lorraine que, pendant 50 ans, on pleura avec la certitude, aujourd'hui réalisée, de la revoir un jour.
Il boit aux animateurs de l'agriculture mosellane, aux parlementaires mosellans, à M. Fabert, à l'agriculture et à la France.

UN MOMENT SOLENNEL

Les drapeaux du Cercle des Jeunes et de l'Union de Woippy viennent alors se placer au premier rang de l'estrade, M. de Marmier, parrain, et M. Fabert, récipiendaire, se placent entre les drapeaux et derrière eux les personnalités officielles.
M. de Marmier évoque sa propre décoration au front, croix qui lui vaut 1a grande joie aujourd'hui de conférer la Légion d'honneur au père incontesté du mouvement agricole en Moselle.
De celui-ci il rappelle les antécédents patriotiques ; sous l'uniforme feldgrau même, qu'il porta « malgré lui », on reconnaît le fils de France. Libéré, il en a assez des Teutons et va étudier l'agriculture française dont il rapporte les enseignements en réponse au bluff des Doktors allemands. Et M. de Marmier, très discret, rappelle des histoires du « Père Fabert ». Le voici partant à Kœnigsberg avec plusieurs litres de mirabelles et... des saucisses… Celles-ci, il les distribue aux « boches » en route et il apporte aussi intacte la mirabelle du pays aux compatriotes exilés là-bas.
Anecdote encore ; c'est à la fin de la guerre, sur la Somme ; on est en mars 1918, l'heure est mauvaise, l'Allemagne provisoirement a le dessus, les Lorrains ramenés du front russe sont un peu démoralisés, M. Fabert les réconforte, ranime leur foi en la France. Et il a raison, car l'héroïsme français une fois encore force la victoire.
Et voici la délivrance, M. Fabert est parmi ceux qui accueillent, à Metz, nos troupes victorieuses ; il part à Mayence voir Mangin, faire jeter un pont là où jadis le fit Blucher, effaçant l’injure faite au fleuve sacré. Puis c'est l'organisation française, et le « Père Fabert » en est un pionnier incomparable, mettant en jeu sans murmurer sa fortune et celle de sa famille. Il n’y a pas de chef qui sache aussi bien diriger, par l'exemple et lui-même, intensément « servir ».
Et le voici au moment de la récompense et nulle croix ne sera jamais mieux distribuée que celle-là.

COMME LE « PETIT CAPORAL »

Le ban ouvert, sous les plis du drapeau du Cercle d'études, avec le cérémonial consacré, M. de Marmier épingle la croix sur la poitrine de M. Fabert, auquel il donne l'accolade.
C'est sa propre croix gagnée en guerre, cette croix « qui a vécu la vie du front, celle des martyrs, celle des morts » que, rééditant le geste cher au petit caporal, M. de Marmier offrit à M. Fabert ; joli geste, que nous soulignons. Le ban est fermé, ce pendant que les drapeaux s'inclinent devant le nouveau chevalier, auquel, en second hommage, M. de Marmier offre, au nom de l'Union des Syndicats agricoles, une œuvre superbe de Maxime Real del Sarte, « Jeanne d'Arc au bûcher de Rouen », la sainte de la patrie, le plus beau symbole de la France.
La « Marseillaise » retentit, ce pendant que sur ses joues tannées par le soleil des larmes ruissellent des yeux de M. Fabert, de bonnes larmes de joie, qui effacent toutes les larmes amères de l'existence.

UN TRIBUT D’HOMMAGES

M. Mangenot, maire de Woippy, félicité celui qui honore si bien la commune ; il rappelle que M. Fabert est d’une lignée de travailleurs probes, tenaces, incarnant bien la vieille race française. Il boit à M. Fabert et à la France.
C'est l'agriculture mosellane qui est à l'honneur, dit M. Maillot, président de la Coopérative Laitière, qui, collaborant étroitement avec le nouveau chevalier, sait quel travail celui-ci a fourni et ce que lui doit sa commune, sa province et la patrie toute entière.

TOAST DU GÉNÉRAL HIRSCHAUER

Le général Hirschauer rappelle que la croix est faite pour « tous ceux qui ont rendu service à la patrie », non seulement les soldats, mais ceux qui dans tous les domaines se sont dévoués pour la France. Nul donc ne l'a plus mérité que M. Fabert, auquel le général lève son verre en associant dans cet hommage toute la famille, tous les collaborateurs du décoré.

M. VAUTRIN

Puis M. Vautrin, heureux de voir en notre ville toute l’élite de l’agriculture de la Moselle, exprime chaleureusement la part que prend Metz à cette fête de famille. Il félicite en M. Fabert tous les agriculteurs présents à cette belle fête.

L’ABBÉ KELLER

L’abbé Keller à l’habitude de parler du haut de la chaire ; c’est pourquoi il monta à la tribune pour son allocution.
Fête de famille que celle de ce jour, dit-il, famille agricole, dont le père est aujourd'hui à l'honneur ; fête d'union agricole aussi ; l'aumônier dit même « de la paysannerie mosellane », si représentative de la paysannerie française, dont le décoré est bien le prototype.
Et, en un beau sermon d'actualité, c'est le mot, M. l'Archiprêtre de Vigy montre qu'il n'y a plus de barrière, de différence entre ceux de la campagne et ceux de la ville, et cette union, ce nivellement gardera au lieu de la faire perdre, l’amour du sol natal.

M. ROBINEAU

M. Robineau, président de la Coopérative de l’Yonne, apporte le salut des agriculteurs de « l’intérieur » et se déclare très ému de cette touchante manifestation, à laquelle ne pouvaient manquer les agriculteurs de la vieille France qui sont venus, en sa personne, saluer cette synthèse du paysan ; il évoque « La Terre Lorraine » et les « poèmes en prose » de M. Fabert ; il le montre apôtre du groupement et termine en demandant aux parlementaires le vote urgent du statut des coopératives, qui protégera légalement cette union.

M. DE WENDEL

M. Guy de Wendel dit humoristiquement que « quelques soient les sentiments religieux, on n’aime pas entendre deux sermons de suite ». Il parle, selon la parole de Tardieu, du devoir d'organiser la profession agricole. Le Parlement ne faillira pas à la tâche dont il comprend toute l'importance en cette époque d'individualisme outrancier. Le distingué sénateur de la Moselle, qui promet aux agriculteurs l'appui le plus dévoué du Parlement, est très applaudi, car on sait qu'il ne s’engage jamais sans être sûr de tenir, et n'est pas partisan des vaines paroles.
Aujourd'hui l'union nationale, demain l'union internationale, tel est le programme d'une paix organisée et féconde.

M. ARMAND

L'ère des toasts est close par M. Armand, chef de Cabinet, qui, au nom de M. le Préfet et du gouvernement de la République, ajoute les hommages officiels à tous ceux exprimés en ce jour à M. Fabert, dont la France connaît tous les mérites qu'a retracés un grand blessé de guerre, M. de Marmier.
M. Fabert a été un de ceux qui surent soutenir les efforts assidus, les organiser, les coordonner et c'est là œuvre pie et pour la Moselle et pour la France ; aussi tous les représentants autorisés de l'agriculture ont-ils voulu être à ses côtés en ce beau jour.

LES REMERCIEMENTS DE M. FABERT

Après la « Marche Lorraine », brillamment enlevée par l'Union de Woippy, salué par une manifestation « monstre » de sympathie, M. Fabert, la voix empreinte d'une émotion que vainement il cherche à cacher, ayant à ses côtés la fidèle compagne des bonnes et des mauvaises heures, prend la parole annoncée à l’assemblée par son parrain qui, en quelques mots du cœur, montre la haute part des « femmes des agriculteurs ».
« Mes chers amis, dit M. Fabert, cette croix, tous les paysans de la Moselle l’ont mérité autant si ce n’est mieux que moi ; après moi, elle ira à notre drapeau, car c'est en votre nom à tous que je remercie le grand latin Geay, qui nous comprend et nous gouverne si bien, la ville de Metz, dont nous sommes les hôtes, les parlementaires qui ont appuyé la décoration d'un « paysan de la Moselle ».
À nous de ne pas laisser tomber l'outil, de persévérer, d'aller plus loin. »
Modestement, M. Fabert poursuit : « Ce que j'ai fait, un autre l'aurait fait, car « nos vieux » nous avaient montré le chemin. La France est la terre du blé, la France a le plus beau cheptel, il n'est pas à nous, il est à la patrie douce, accueillante et prospère.
C’est nous qui, il y a 150 ans, avons fait la grande révolution ; que les autres pays se révoltent encore, nous, notre révolution est faite ; restons paysans unis avec nos Fanchons et nos Colettes, nos femmes et nos filles… »

APOTHÉOSE

À ces mots, un mignon bébé blond, la petite fille du légionnaire, lui apporte une gerbe ; il l’élève en ses bras, c’est la poétique et saine conclusion de cette journée émouvante.

Samedi 4 juillet 1931 (Le Messin)
WOIPPY. – M. Alfred Mangenot, officier du Mérite agricole, vient de se démettre de ses fonctions de maire de la localité. Son départ est fort regretté par la population rurale.
Des élections municipales complémentaires auront lieu le dimanche 19 juillet, en vue de remplacer M. Mangenot, démissionnaire, ainsi que M. Bellinger.
Joseph Fabert, chevalier de la Légion d'honneur, premier adjoint, remplira entre temps les fonctions de maire.

Mardi 7 juillet 1931 (LM)
Générosité. – M. Joseph Fabert, sympathiquement connu de toute la population, à qui le gouvernement a décerné si justement, il y a quelques mois, la Légion d’honneur, a adressé au trésorier de la section des Anciens Combattants une somme de 100 francs, destinée à être versée à leur caisse de secours mutuels. Tous les anciens combattants de Woippy remercient bien sincèrement le généreux donateur.



Mardi 22 novembre 1970 (Républicain Lorrain)
Toute la vie et le charme de la « TERRE LORRAINE » dans un recueil de chroniques de M. Joseph FABERT
Tous les vétérans de l'agriculture mosellane se souviennent de M. Joseph FABERT et des chroniques qu'il publiait dans un bulletin bimensuel lancé en 1926 par l’Union mosellane des syndicats agricoles et qui portait le titre de « TERRE LORRAINE ».
M. Joseph Fabert était alors le président de cet organisme qui précéda la F.D.S.E.A., ainsi que de la Coopérative laitière de Bénestroff. Il fut également administrateur de la caisse régionale de Crédit agricole, président du Syndicat agricole et d'élevage de Woippy où il exploitait la ferme de Ladonchamps, administrateur-fondateur du Syndicat des producteurs de fraises et, en 1945, membre du Comité de libération de la ville de Metz.
Agé maintenant de 92 ans, il vit retiré chez son gendre et sa fille, M. et Mme Louis Maire, 37, rue de la Marne, à Metz.
M. V. Lançon, ingénieur agronome, qui était le responsable de la « Terre Lorraine », a eu l'heureuse idée de regrouper dans un recueil une partie des chroniques qui furent publiées il y a trente à cinquante ans et qui n'ont rien perdu de leur charme et de leur actualité paysanne.
D'ailleurs, si la vie urbaine évolue à pas de géants, si l'économie agricole comme l'économie industrielle connaissent des crises sporadiques, chacun sait ou devrait savoir que la nature reste immuable dans ses mutations saisonnières, dans sa vie intime, dans son évolution biologique et qu'elle parle toujours le même langage à ceux qui l'aiment.
Jugeons-en par ces extraits d'une chronique de novembre, écrite il y a quarante ans :
« Les jardinier ramassent soigneusement tous les fumiers possibles au prix de luxe : ils sont obligés de payer pour un chariot les sommes que d'autres emploient à orner leur dame. Ajoutez à cela le prix des arrosages au tarif de l'eau de la bonne ville de Metz ! Il y a des chances qu'on geigne encore longtemps sur le prix des salades, du chou-fleur et des poireaux !
... Un bon temps d'arrière saison permet aux traînards d'achever leurs semailles dans de bonnes conditions, et ces jours derniers sont tombées les dernières feuilles qui tapissent le sol de la forêt… L’homme de la terre qui, lui, ne chôme jamais, a été voir au bois ou à la forêt ce qu'il coupera cet hiver, et comment il prendra son chantier. Car, bientôt, l'écho des bois retentira des coups de hache et de la cognée qui, l'hiver, remplaceront le chœur des oiseaux. »
À ces petits « billets » de la « Terre Lorraine », M. V. Lançon ajouta dans le recueil deux chroniques consacrées à la vie d'une ferme ou d'une famille, de 1939 à 1944, sous l’occupation allemande. L'une concerne la ferme de Colombey et l'autre, celle de Charly-Oradour. Elles font suite au panorama des années de paix.
Ce recueil, à tirage restreint, est malheureusement édité hors commerce, et à l'initiative des caisses de Crédit agricole et de Mutualité sociale agricole, pour rappeler aux jeunes la vie et les éprennes de leurs anciens.


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Vendredi 1er février 1974 (RL)

Nécrologie
M. Joseph FABERT
Ancien président de l’Union des syndicats agricoles

On apprendra avec peine, dans les milieux agricoles du département, le décès, survenu à l'âge de 95 ans, dans un hôpital messin, de M. Joseph FABERT, ancien président de l'Union des syndicats agricoles, chevalier de la Légion d'honneur et officier du Mérite agricole.
M. Joseph Fabert était né le 16 novembre 1879, à Woippy où il exploitait la ferme de Ladonchamps, avant de se retirer chez son gendre et sa fille, M. et Mme Maire, 37, rue de la Marne, à Metz.
Premier président et un des fondateurs de l'Union mosellane des syndicats, il se dévoua sans compter à promouvoir l'application de la législation agricole française dans le département de la Moselle recouvrée après la Première Guerre Mondiale.
Les coopératives, les caisses d'assurances, le Cercle des jeunes agriculteurs attirèrent également son action efficace ; et il fut l'un des administrateurs-fondateurs de la Caisse régionale de Crédit agricole de la Moselle, le président de la Coopérative laitière de Bénestroff, du Syndicat agricole et d'élevage de Woippy, membre fondateur du Syndicat des fraisiculteurs et du Souvenir Français et adjoint au maire de Woippy.
En 1945, il fut également membre du Comité de libération de la ville de Metz.
M. Joseph Fabert était connu comme une personnalité hors série, un homme de bon sens et de raison, ainsi qu'un chef et un porte-flambeau. Il fut également un poète et chantre du terroir lorrain, et les chroniques paysannes qu'il publia durant de nombreuses années avant la guerre, dons le journal agricole « La Terre Lorraine », ont été récemment réunies dans un recueil qui reste un témoignage vivant de la vie des agriculteurs lorrains de jadis.
Durant la guerre, déchargé de son exploitation agricole, il fut un agent permanent de liaison entre les « zones », allant réconforter en maints endroits de « l'intérieur » ses compatriotes expulsés.
Mais quelques années auparavant déjà, ses mérites exceptionnels avaient été récompensés par la remise de la Légion d'honneur qui donna lieu à une cérémonie d'une ampleur extraordinaire, au cours de laquelle tous les gens de la terre, jeunes et vieux, acclamèrent celui qui avait tant œuvré pour la cause professionnelle.
M. Fabert se rendait, en effet, avec la même foi professionnelle communicative, aussi bien dans le bureau d'un ministre que chez l'un de ses collègues paysans des plus modestes.
Nous nous joignons à tous ses amis pour exprimer nos condoléances à ses enfants et à toute sa famille.

Jeudi 7 février (RL)
WOIPPY
OBSÈQUES
Une assistance nombreuse a conduit M. Joseph Fabert à sa dernière demeure.
Ancien adjoint au maire, M. Fabert s'occupait de l’exploitation agricole de la ferme de Ladonchamps.
Pendant la guerre, il faisait la liaison avec les expulsés et son livre « Terre Lorraine » raconte les péripéties de l'occupation et de ses traquenards. Chevalier de la Légion d'honneur, M. Fabert était également officier du Mérite agricole. Il était un ardent défenseur du monde rural.
Après l'absoute dite par l'équipe sacerdotale, l'inhumation se fit au cimetière de Woippy.
Nous renouvelons à toute la famille nos condoléances.

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