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Mardi 14 novembre 1950 :
Le convoyeur-postal de l'omnibus Thionville-Metz, M. Armand Briot, abattu à coups de revolver.


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Mardi 14 novembre 1950 (Le Républicain Lorrain)

Hier soir, vers 20 h. 15, une attaque à main armée a été perpétrée dans l'omnibus Thionville-Metz à proximité de la gare de Maizières. Le facteur-convoyeur Armand Briot, âgé de 44 ans, père de 3 enfants et domicilié, 17, rue de la Marne à Metz-Sablon, a été abattu dans la wagon postal d'une balle de revolver au cœur par un individu masqué qui a réussi à s'enfuir après avoir fouillé les sacs postaux. On ignore encore le montant du vol.
La découverte du crime
Le train 343 avait quitté la gare de Maizières-lès-Metz où le facteur avait apporté au convoyeur Briot les sacs postaux. Un compartiment avait été réservé à l'extrémité d'un wagon de voyageurs spécialement pour la poste. Quelques minutes plus tard, l'omnibus 343 Thionville-Metz arrivait en gare de Woippy. Le facteur de la gare, M. Muller, se rendit auprès du compartiment-poste pour donner à son collègue les sacs postaux du jour. Il fut stupéfait de découvrir le compartiment vide et sur le plancher des lettres éparpillées. Il alerta immédiatement la gare de Maizières qui lui confirma qu'au départ de cette ville, le convoyeur Briot était à son poste. On émit alors plusieurs hypothèses tandis que la direction des P.T.T., de la S.N.C.F. et la gendarmerie étaient alertées. Le commissaire central de Metz, M. Jacob, envoya même à Woippy et à Maizières la voiture-radio. Les recherches furent entreprises dans les deux sens, notamment avec une locomotive spéciale munie de puissants projecteurs.
Les gendarmes de Maizières, sous la direction du chef Schiltz, coopérèrent à ces recherches.

Un cadavre sur le ballast
A quelque 200 mètres de la gare de Maizières, vers Woippy, on devait faire une macabre découverte : entre les deux voies montante et descendante, couché sur le ventre, les vêtements plus ou moins abîmés par sa chute, se trouvait le corps du convoyeur Armand Briot. Le Dr Job, appelé sur les lieux, devait constater quelques instants plus tard que le malheureux postier avait été tué d'une balle en plein cœur et qu'en tombant du train, il s'était fracturé les deux jambes. On devait retrouver sur lui son portefeuille intact avec toutes les pièces qui permirent une identification rapide. Tandis que ces recherches s'effectuaient, le train de Thionville, après avoir subi un retard d'un quart d'heure en gare de Woippy, poursuivit son chemin vers Metz où il aurait dû arriver à 20 h. 26. Immédiatement le wagon du crime fut décroché et mis sur une voie de garage afin de permettre les investigations de la police et de la gendarmerie. Les sacs postaux qu'il contenait encore, furent transportés à la poste pour un inventaire détaillé qui se poursuivait encore à l'heure où nous mettions sous presse.

A la recherche de l'agresseur
Dès qu'il eut connaissance de cet acte de gangstérisme, le capitaine Beaujard, commandant la section de gendarmerie de Metz, fit établir des barrages sur les routes des environs tandis que M. le commissaire Jacob organisait des contrôles rigoureux aux entrées de la ville. Un élément important fut recueilli en gare de Woippy, des témoins ont remarqué à l'arrivée du train un inconnu qui s'enfuyait du wagon-postal. Cet homrne portait un foulard et un masque. Son signalement reste malgré tout assez incomplet.


Une affaire identique
Il est curieux de remarquer que quelques années avant la guerre, une affaire à peu près semblable avait eu pour théâtre la région thionvilloise. Des bandits avaient attaqué le wagon postal, mais il n'y avait pas eu de victime. 

Dans le wagon tragique se trouvaient non loin du compartiment-poste d'autres voyageurs, qui déclarèrent par la suite avoir entendu un coup de feu peu après Maizières-lès-Metz. Mais ils n'y avaient pas prêté plus d'attention. De toute façon, il apparaît clairement que le bandit savait que souvent le postier convoyait d'importantes sommes d'argent, dépassant parfois plusieurs dizaines de millions. Il serait monté à contre-voie au départ du train, de Maizières, tandis que le postier était vraisemblablement en train de trier ses sacs. Il l'aurait abattu alors d'une balle de revolver et, ouvrant la portière, l'aurait jeté sur la voie. Il lui restait encore une dizaine de minutes pour faire son choix dans les sacs.

Des sacs postaux disparus ?
Il est très probable qu'il en a jetés sur la voie où des complices les attendaient. L'exécution du vol et du crime laisse entendre, en effet, qu'on ne se trouve pas en présence d'un profane et d'un apprenti, mais d'un professionnel, sans doute même d'une bande.
Il est assez curieux de noter qu'un employé de la S.N.C.F. de Maizières, au passage à niveau près de la gare, entendit nettement le coup de feu et au même moment une voiture démarrait sur le chemin bordant la voie ferrée non loin de l'endroit où fut retrouvé le corps du convoyeur.
Cette piste est particulièrement intéressante, mais elle n'est que du domaine des hypothèses, et la seule pièce à conviction réside dans la douille, retrouvée dans le compartiment postal.
l'inventaire des sacs postaux retrouvés s'effectuera cette nuit. On a remarqué que certains d'entre eux étaient déplombés et, selon la direction des P.T.T., il n'en manquerait aucun. Mais les opérations ne sont pas terminées et il n'est pas impossible que l'on apprenne ce matin la disparition de valeurs que, comme nous le disions plus haut, le postier avait l'habitude de convoyer.

La victime
La malheureuse victime de cet acte criminel, M. Jean-Armand Briot, était né le 6 février 1906. Il habitait 17, rue de la Marne, à Metz-Sablon. Marié et père de 3 enfants en bas âge, il était depuis de longues années employé aux P.T.T. et fut toujours bien considéré de ses chefs. Le corps a été trànsporté, dans la soirée, par l'ambulance de l'U.C.P.M.I., à la morgue de l'hôpital de Marange-Silvange.
Ce nouveau crime, particulièrement abject, puisque la victime en est un simple employé, mort à son poste pour défendre les valeurs et le courrier qui lui avaient été confiés, doit trouver une solution qu'on espère rapide

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Mardi 14 novembre 1950 (Le Lorrain)

Nouveau drame à l'actif d'un ou plusieurs gangsters armés : un convoyeur postal du train 343 (omnibus Thionville-Metz) a été retrouvé hier sur la voie, à 600 mètres environ de la gare de Maizières-lès-Metz, le cœur troué d'une balle tirée à bout portant.
Ce train arrive à Metz chaque jour à 20 h. 26.
Où l'on constate la disparition du convoyeur
Le facteur de Woippy, dernière station avant Metz s'aperçut, le premier, de la disparition de M. Armand Briot, 44 ans, domicile rue de la Marne, au Sablon.
Sur les banquettes du compartiment réservé à la poste, dans le wagon 14.450 C. 10 TYF, les sacs postaux gisaient ça et là, certains avaient été fouillés.
M. Briot avait disparu.
M. Muller, le facteur de Woippy, prit alors la responsabilité de convoyer le train et dès l'arrivée de celui-ci en gare de Metz s'empressa de donner l'alarme.

Le crime ne fait aucun doute
Le wagon mis sur une voie de garage fut inventorié ainsi que les sacs postaux.
De cet inventaire grossier fait cette nuit même sur le quai, il semble que rien n'ait disparu en cours de route.
La visite se poursuivra ce matin. Dans le compartiment en question, séparé de ceux réservés aux voyageurs, on a retrouvé une douille vide. Le crime ne fait donc aucun doute. Le bandit n'en voulait-il qu'à la vie de M. Briot ? L'enquête qui sera vraisemblablement confiée à la PJ l'établira certainement. Mais comment ce gangster a-t-il pu arriver jusqu'au convoyeur qui, comme c'est la règle, doit demeurer enfermé dans son compartiment et n'ouvrir à quiconque.
Il faut donc supposer que le meurtrier a, le train étant en marche, utilisé l'un des marchepieds, et ouvert la portière pour tirer sur le malheureux au service des PTT depuis 25 ans.

Le convoyeur gisait sur le ballast le cœur troué d'une balle
Dès qu'il eut connaissance de ce drame, le commissaire de permanence, M. Ferton, se rendit aussitôt à la gare et partit ensuite sur les lieux où la victime avait été découverte. Les gendarmes de Maizières se trouvaient déjà sur place, aux côtés de l'infortuné convoyeur, qui, jeté par la portière gisait sur le ballast le cœur troué d'une balle.
Pourtant aucune trace de sang n'était visible dans le compartiment.

« Un bras se tendait vers la portière... »
Le commissaire Ferton a entendu un voyageur qui regagnait Metz par le même train et qui lui a fourni de très utiles indications.
« Peu après la gare de Maizières que le convoi avait
quitté à l'heure normale, c'est-à-dire à 20 h., dit-il, je perçus trois bruits successifs provenant du wagon suivant dans lequel se trouvait le compartiment postal. Je crus à un bruit de coups de feu qui pouvait être aussi bien celui d'une portière claquant contre la paroi du wagon.
Je regardais tout d'abord par la portière de droite et ne vis rien d'anormal. Regardant ensuite par celle de gauche, j'aperçus la portière de compartiment du convoyeur ouverte. Et alors je vis un bras qui semblait être celui d'une personne accroupie et qui essayait de ramener la portière en vue de la refermer.
Je vis également dépasser la tête d'un homme. Par prudence j'éteignis alors la lumière de mon compartiment et surveilla ce qui se passait. La main de l'inconnu s'efforçait toujours, mais en vain, de ramener la portière.
A l'entrée de la gare de Woippy, l'homme en question sauta du train qui ralentissait et traversa rapidement les voies pour prendre la direction de la route de Metz-Thionville. » Et le témoin de préciser que les bruits perçus se produisirent à peu près à deux cents mètres après la sortie de la gare de Maizières ».

L'homme masqué n’a pas pris les 2 millions
Autre précision de ce témoin : L'inconnu qui sauta du train paraissait être âgé d'une trentaine d'années et portait sur le visage un foulard gris noir.
Précisons que les services des P.T.T. n'ont constaté aucune disparition de valeurs. Seules quelques lettres déchirées furent retrouvées sur le ballast et également dans le compartiment tragique. Il est à noter que l'un des sacs postaux renfermait environ deux millions et demi de francs.

Le commissaire Lacombe mène l'enquête
En dernière heure nous apprenons que le commissaire Lacombe a été chargé par le parquet de conduite l'enquête. Le célèbre policier a déjà appris que la douille était du calibre de 9 mm et qu'une autre balle s'était perdue dans le plafond du compartiment.
Deux balles au moins ont donc été tirées sur M. Briot.
D'autre part un voyageur s'est présenté au commissariat pour affirmer avoir vu sauter, peu avant l'arrêt du train à Woippy, un individu qui se perdit rapidement dans la nuit. Ce voyageur n'a pu fournir aucun signalement susceptible d'orienter l'enquête. M. Briot était père de trois enfants.

Mercredi 15 novembre 1950 (Le Lorrain)


Ci-contre : En haut, à gauche : Les recherches effectuées aux abords de la gare de Woippy n'ont donné aucun résultat, et les enquêteurs qui suivent du regard les allées et venues de l'inspecteur CAMPS dans un champ recouvert d'une herbe haute, tiennent un conseil de guerre sur le pont du ruisseau.

En haut, à droite : Le compartiment tragique du wagon de 3ème classe qui se trouvait en queue du convoi.
Ci-dessus : « C'est ici que le meurtrier a enjambé les câbles d'aiguillages », indique, de son bras tendu, M. MAYAM, le voyageur, et principal témoin.
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Nous avons signalé, dans nos dernières éditions d'hier, le drame qui s'est joué, lundi soir, dans le wagon postal de l'omnibus Thionville-Metz.
Un convoyeur des PTT, M. Armand Briot, 44 ans, père de 3 enfants, domicilié 17, rue la Marne, à Metz-Sablon, a été attaqué, entre Maizières-lès-Metz et Woippy, par un individu qui le supprima de deux coups de revolver et jeta le corps par la portière.
On a retrouvé le cadavre à 500 mètres de la gare de Maizières. Le vol est le mobile du crime. Le meurtrier, qu’on recherche activement, a réussi à s'enfuir, alors que le train stoppait à Woippy, gare où le facteur, M. Muller, s'aperçut de la disparition du convoyeur.
C'est le commissaire Lacombe, de la police judiciaire, qui est chargé de l'enquête.
METZ. - J'ai vu, hier matin, le commissaire Lacombe, nerveux, arpenter de long en large le bureau surchauffé de la gendarmerie de Maizières-lès-Metz. « Je décline toute responsabilité », disait-il.
Ce n'était certes pas la difficulté de sa tâche qui dictait au commissaire des paroles aussi désabusées. Ce fin limier a réussi à percer le mystère qui entourait des affaires autrement énigmatiques. Mais, à tous les coups il disposait au départ d'un indice, si faible fut-il, relevé au cours des premières et élémentaires constatations.
Or, dans la présente affaire, rien de tel, hélas !
Tout d'abord, à l'arrivée de la P.J. sur les lieux du crime, le compartiment du wagon 14.450 C. 10 T.Y.F., avait été vidé de son contenu (les sacs postaux) et nettoyé comme s'il se fut agi d'un wagon ordinaire. On comprend la hâte de certains services, désireux de savoir si le vol avait été le mobile du crime. Mais, tout de même...
Autre faute encore, celle de ne pas avoir attendu l'arrivée des enquêteurs pour enlever le corps de M. Briot retrouvé entre deux voies, à 300 mètres environ de Maizières-lès-Metz. Si bien que lorsque le commissaire Lacombe, ainsi que les inspecteurs Caye, Camps, Guetienne, Frentz et Kilhofer se trouvèrent sur place, ils durent se borner à regarder des voies de chemin de fer et se contenter des explications qu'on voulut bien leur fournir : le mort reposait, allongé sur le ventre, la tête en direction de Metz et sa montre, brisée dans la chute, marquait 20 h. 10 .
Le commissaire apprit enfin que le train omnibus 343 Thionville-Metz quitte Maizières à 20 h. 08 et touche Woippy à 20 h. 16. Le meurtrier disposait donc de huit minutes pour pénétrer dans le compartiment du convoyeur, tuer et voler.
Mais, en ce qui concerne le tueur, pas le moindre indice, sinon le témoignage d'un voyageur qui dit avoir perçu le bruit de trois détonations et vu un homme se perdre dans la nuit en gare de Woippy.

Deux balles ont traversé le corps
Le commissaire Lacombe a décidé, mardi malin, après avoir longuement réfléchi sur les conditions dans lesquelles le drame avait pu se dérouler, de se renseigner d'abord sur les résultats de l'autopsie, pratiquée dans un local du petit cimetière de Maizières, par le docteur Schuster.
« Deux balles ont atteint M. Briot, dit le médecin légiste : toutes deux ont traversé le corps de part en part. La première, entrée par le côté droit du ventre, est sortie par le bras gauche. L'autre, tirée presque à bout portant, dans la région du cœur est sortie par le bras droit. »
A noter que la trajectoire des deux projectiles est dirigée de bas en haut, ce qui laisse supposer que le criminel a tiré depuis le marchepied du wagon, dès qu'il eut ouvert la portière du compartiment-poste.
Une balle, qui a traversé le toit du wagon, confirme, d'ailleurs, cette hypothèse. Mais une autre balle, retrouvée sur le ballast, à un mètre à peine du corps de M. Briot, détruit jusqu'aux plus habiles déductions. C'est donc à zéro que démarre cette enquête.

Un voyageur se trouvait dans le dernier compartiment du wagon tragique. Ce monsieur est prié de se faire connaître au plus tôt à la police judiciaire, caserne Riberpray, à Metz. Son témoignage pourrait être très important pour la suiote de l'enquête.

Hypothèses
Quelques points ont pu cependant être précisés de façon presque certaine. Le meurtrier avait préparé son agression. Il savait qu'il disposait de huit minutes au plus, Maizières-Woippy étant le plus long trajet séparant deux stations de la ligne Thionville-Metz.
Il savait aussi - mais on se demande encore par quelle indiscrétion - qu’un sac postal contenant d'importants versements des contribuables de la région était dans le train. Un gendarme de la brigade de Maizières avait escorté
l'employé du Trésor jusqu'à l'omnibus 343. M. Briot prit livraison du précieux colis. L'employé des P.T.T. était donc à son poste à 20 h. 06.
Comment l'audacieux inconnu parvint-il jusqu'à M. Briot ? Sans doute en utilisant le marchepied.
Quant à la scène de l'agression, on l'imagine facilement. Le criminel, qui doit être d'une extraordinaire souplesse, prend place sur le marchepied, ouvre la portière et tire. M. Briot n'est que blessé. Il y a une courte lutte. Un second coup de revolver l'atteint alors mortellement et son corps, poussé par l'homme, roule sur le ballast. Vite, le criminel cherche le sac en provenance de Maizières, mais il a perdu un temps précieux à essayer de refermer la portière et déjà le convoi ralentit. Woippy approche. Il déchire quelques lettres et saute, sans rien emporter, pour disparaître finalement dans l'obscurité complice.
Il a tué un brave employé, au service des P.T.T. depuis vingt-cinq ans et hautement considéré, mais n'a pu réaliser entièrement son dessein : voler le contenu d'un sac postal.

Le public messin qui suit le déroulement des recherches à déjà avancé deux noms d'individus qui auraient pu être les auteurs du forfait :
F., le jeune dévoyé qui attaqua la Banque Michel à la mitaillette, et Joseph M., peu recommandable individu recherché actuellement dans la région de Auboué, Moyeuvre, Thionville, pour vols et agressions nocturnes.
Cette double supposition ne trouve aucun écho près des enquêteurs.

« Halte, ou je tire »
Vers midi trente, mardi, les enquêteurs, auxquels s'étaient joints MM. Poirot, substitut du procureur ; Stemper, juge d'instruction, et le greffier, M. Hergat, ont longuement fouillé les environs de la gare de Woippy, dans l'espoir d'y découvrir un indice susceptible d'orienter les recherches. Mais en vain.
La déposition du seul témoin, M. Jean-Charles Mayam, domicilié 18, Rempart Saint-Thiébault, à Metz, et qui, chaque jour, va travailler à Thionville, a été de la plus précieuse utilité.
Se trouvant dans le dernier compartiment du wagon accroché à celui du postier, M. Mayam avait perçu le bruit de trois détonations. S'étant penché à la portière, il vit une main qui essayait de refermer la portière du compartiment-poste. A l'arrivée à Woippy, il aperçut nettement un homme de taille moyenne, en veston sombre, coiffé d'une sorte de passe-montagne kaki, un foulard noué sur le visage, qui s'enfuyait peu avant l'arrêt du train. « Halte, ou je tire ! » cria même M. Mayam. Mais l'homme bondissant par-dessus les câbles de commande des aiguillages (nombreux a cet endroit) avait disparu derrière le poste de Woippy. « J'ai bien senti vibrer les câbles, déclare l'ouvrier de service à ce poste, M. Louis Stempfel, mais il pleuvait et faisait noir (sic). Je n'ai rien vu. C'est seulement après que j'ai compris. » Là encore, depuis la voie et jusqu'à la route nationale, distante de 600 mètres, aucune trace n'a pu être relevée.

Le commissaire a pris le train
On admettait, mardi soir, que le meurtrier se trouvait dans le train au départ de Thionville. Il dut repérer le compartiment (jamais le même) dans lequel les facteurs portaient leur courrier. Le commissaire Lacombe, voulant apprécier le temps dont disposa le meurtrier pour fouiller les sacs, a pris le train hier soir, à Maizières, à 20 h. 05. Il a constaté, chronomètre en main, que deux minutes après le départ, Briot devait être tué. Il resta donc un peu plus de quatre minutes au voleur pour opérer.
Mais, chose étonnante, à part quelques lettres en vrac déchirées, aucun sac n'a été ouvert. Le mystère reste impénétrable.
Un premier suspect sera convoqué ce matin. Son emploi du temps sera aussitôt vérifié.

Roger BERTHIER.

Jeudi 16 novembre 1950 (Le Lorrain)

METZ. - « C'est bien compliqué ! cette affaire », m'a dit le commissaire Lacombe, qui une fois encore a profondément regretté qu'on n'ait pas laissé le wagon tragique dans son état « d'arrivée » au lieu d'en vider les sacs postaux et de faire procéder à son nettoyage immédiat avant les constatations du parquet.
« Dans une affaire, le fil conducteur peut prendre sa source dans l'indice le plus infime, mais là, rien !
« Le lieu du crime ? Je ne l'ai pas vu !
« Le corps sur la voie ? Il avait été enlevé avant mon arrivée ! Alors ? »
Et le commissaire de P. J. a fait mille suppositions, absolument logiques.
« Supposez qu'on ait remarqué un peu de sable dans le compartiment. On aurait pu chercher un terrassier ou un manœuvre d'une entreprise ! Supposez qu'on ait retrouvé une trace, une empreinte, ou déceler une odeur quelconque, combien notre tâche eut alors été facilitée ! Maintenant il nous faut chercher et implorer une chance qui vienne couronner nos incessants efforts ! »

LE MEURTRE vu au chronomètre
20 h. 08 : L'omnibus 343 part de Maizières. Un train de marchandises, qui monte sur Thionville, s'arrête en gare. L'agresseur, sans être vu, bondit sur le marchepied.
20 h. 10 : Le train passe à l'endroit où le corps de M. Briot a été retrouvé. Le meurtre est donc commis.
20 h. 13 : Le train passe devant le poste de Belle-Vue. L'employé, M. Hesse, remarque que le compartiment-poste est éclairé. Le compartiment voisin est en veilleuse.
20 h. 16 : Le convoi stoppe en gare de Woippy. Un voyageur, M. Mayam, aperçoit un individu qui s'enfuit dans la nuit. Le compartiment voisin de la poste est alors éclairé.

Trois coups, mais deux balles
Et toute la matinée d'hier s'est passée en discussions, chaque inspecteur apportant une idée personnelle qui, confrontée avec celles déjà exprimées a permis de reconstituer approximativement la scène tragique.
L'omnibus 343 quittait Maizières, lorsque l'agresseur ouvrit la portière du compartiment-poste qui donnait sur la voie.
Briot, intrigué, se dirigea vers cette porte. Quel était donc ce voyageur tardif qui allait manquer son train ? Il fallait l'aider à se hisser à l'intérieur. Mais une première balle (tirée de bas en haut) atteignit le convoyeur au ventre. Une seconde troua le cœur du trop affable postier qui, vraisemblablement, dans son
déséquilibre, tomba de lui-même sur le ballast sans que le meurtrier l'y ait poussé.
Alors seulement, l'inconnu pénétra dans le compartiment et referma bruyamment la portière qui claqua.
« Il m'a semblé entendre trois coups ! » avait déclaré le voyageur-témoin, M. Mayam. Cette explication se trouve du coup confirmée : deux balles et une portière qui claque. C'est le compte.

Pourquoi entre Maizières et Woippy ?
A cette question, le commissaire donne deux réponses. D'abord, Maizières-Woippy est, comme nous l'avons dit hier, le trajet le plus long séparant deux stations de la ligne Thionville-Metz. D'autre part, ce parcours est le seul qui ne soit pas bordé de maisons habitées, et la route nationale s'y écarte de la voie ferrée.
Il est admis que l'agresseur était au courant des usages de la S.N.C.F. Ou il a longuement et à dessein étudié les différentes manœuvres des facteurs dans les gares, ou il est un usager du 343, qu'il emprunte chaque soir pour rentrer à Metz. Est-ce à dire que le meurtrier, dès le lendemain du crime avait repris sa place habituelle dans l'omnibus ?

Le convoyeur qui remplace M. Briot est M. Helstroffer, l'agent qui se trouvait dans le Metz-Paris, dont le déraillement près de Lérouville coûta la vie à plusieurs jeunes gens des usines De Wendel.

Utile reconstitution
Les enquêteurs ont emprunté ce train hier soir. Ils se sont mêlés aux voyageurs, dans chacun des wagons.
L'inspecteur Camps a même procédé à un semblant de reconstitution. Prenant le train à contre-voie à Maizières, il a tiré deux coups de revolver qui ont été nettement perçus par le commissaire Lacombe qui occupait la banquette du témoin Mayam.
Chacun s'est ensuite rendu Compte qu'en six minutes, l'assassin avait le temps matériel d'ouvrir de nombreux sacs postaux.
Le vol ne semble donc pas être le mobile du crime. Ce que confirme le fait que, seules, quelques lettres ont été déchirées.
Mais alors, on s'en rend compte, la tâche des enquêteurs n'en est que plus compliquée.

Roger BERTHIER.


M. STEMPFEL, l'ouvrier de service au poste D de Woippy, a été interrogé à nouveau :
« J'ai nettement perçu les vibrations des fils de commande des aiguillages. Mais je n'ai rien vu,
il faisait trop noir ! »
A 20 h. 20, à l'arrivée du train à Woippy, le facteur MULLER a été questionné par le commissaire LACOMBE et l'inspecteur GUETIENNE. Son témoignage a été d'une grande importance. (Est-Photos.)

Vendredi 17 novembre 1950 (Le Lorrain)

METZ. - L'affaire se présente désormais d'une manière fort schématique. Il importe de rappeler la composition du train tragique, l'omnibus Thionville-Metz de lundi soir.
Seule, la queue du convoi nous intéresse. Appelons, si vous le voulez bien, de l'arrière à l'avant, le fourgon F, le premier wagon de voyageurs A, le second B, le troisième C, le quatrième D. Suivi des porteurs V. O., chargés des diables à sacs postaux, le convoyeur Briot, le soir du drame, remonte les wagons, à la recherche du compartiment qu'il peut choisir lui-même, à charge pour lui d'apposer la petite étiquette dont il est porteur, sur les vitres.
Il passe à côté de F, A, B, C, semblant très précautionneux dans son choix, pour une raison dont personne n'a connaissance. Arrivé à hauteur de D, il paraît vouloir monter dans le compartiment arrière, puis se ravise et, faisant un geste de dénégation avec la main, redescend la rame, toujours suivi des porteurs. Il repasse devant C, B, et monte finalement dans le compartiment avant du wagon A.
On sait que M. Mayam, ancien douanier, très observateur par une sorte de déformation professionnelle, est dans le compartiment arrière, c’est-à-dire tout près, et ces allées et venues qui se passent sous ses yeux à un moment où il n’a rien à faire de particulier, l'intéressent et l'occupent.

Le premier signalement
C'est encore lui qui précise qu'un voyageur, habillé d'un costume bleu foncé, porteur d'un petit paquet paraissant enveloppe dans un linge blanc, a suivi quelques instants après le même parcours que la future victime : F, A, B, C. Arrivé en face de D, à l'endroit même où s'est arrêté Briot, il hésite et retourne.
Interpellé par un voyageur du wagon C - compartiment a côté des W.C., vers l'arrière - il lui adresse la parole quelques instants, dans une langue qui n'a pas pu être exactement définie par le témoin, mais qui, précise-t-il, n'est ni du français, ni de l'allemand, ni de l'arabe. Finalement, l'homme au paquet blanc grimpe dans le wagon C, de l'autre côté des lavabos, où montent quelques instants avant le départ deux voyageurs arabes.
Le voyageur qui avait interpellé l'homme au paquet blanc était vêtu d'une gabardine beige et coiffé d'un béret.
Signalons que l'homme qui descendit à contre-voie à Woippy - donc l'assassin présumé - était vêtu d'un costume sombre. On peut admettre que s'il s'est
masqué, c'est parce qu'il s'est senti, dès le départ, observé par M. Mayam. L'individu en bleu qui, reproduisant curieusement sur le quai de la gare de Thionville, les gestes exacts du convoyeur, est devenu le vrai suspect no 1.

Vingt au maximum
Or, dans ce fameux train ouvrier du soir, presque tous les voyageurs sont des habitués. Il importe donc de les rechercher et de les retrouver. Ils sont au maximum chaque soir - et ce soir-là comme tous les autres soirs - une vingtaine.
Lors du crime de Blambiederstroff, il importait de retrouver les usagers de la route. Il importe ici de retrouver les usagers du rail.
En demandant à tous les occupants du train de lundi soir de se faire connaître d'urgence, par visite, ou en cas d'impossibilité, par lettre, à la P.J. de Metz, caserne Riberpray. Les enquêteurs ont la ferme conviction qu'ils opéreront une dernière sélection. Quant à ceux qui ne se présenteront pas, il faudra s'acharner à les découvrir : l'assassin sera parmi eux.
Une certitude absolue en tout cas : c'est que l'assassin a pris le train à Thionville. C'est un point acquis. Comme il est presque certain également qu'il avait un complice, se contentant d'ailleurs du rôle de guetteur.

Pas de crime politique
Le commissaire Lacombe se refuse absolument à imaginer l'hypothèse d’un crime politique. Il sait que les criminels, presque certainement crapuleux, étaient persuadés de trouver dans le train un gros paquet, ce gros paquet que convoitent tous les gangsters du monde, grands et petits.
Or, pour une raison indépendante de leur volonté, et indépendante également de la volonté de l'administration, le gros paquet n'était pas du voyage.
II semble de plus en plus que l'on doive également abandonner la possibilité d'une vengeance, d'un règlement de comptes - les convoyeurs sont des hommes courageux, et non des gangsters - ou d'une affaire passionnelle.
En toute chose, il faut s'en tenir d'abord à la thèse la plus classique, la plus rationnelle. Malgré le faux départ, les policiers messins espèrent aboutir rapidement avec des moyens d'investigation intelligente qu'ils emploient avec réussite en tant d'occasions.

Georges DIRAND

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Une dernière fois, dans l'émotion générale, les drapeaux des groupements de postiers s'inclinèrent devant le cercueil de M. BRIOT. (Est-Photos.)
Tous les services des P.T.T. étaient représentés hier matin aux obsèques de l'infortunée victime du devoir, M. Armand Briot, convoyeur postal décédé dans les circonstances tragiques que nous avons relatées. A leur tête venaient MM. Hay, directeur régional à Strasbourg ; Decker, directeur départemental à Metz ; Burgun, inspecteur principal ; Gisselbrecht, chef du centre de Metz-Gare.
La municipalité de Metz était repré-
sentée par M. l'adjoint Kempnich. On notait la présence des drapeaux des amicales du personnel des P.T.T. de Metz et de Thionville, ainsi que de la Mutuelle générale de la Moselle.
Une foule nombreuse et attristée était massée dans la cour de l'hôpital Bonsecours, au moment de la levée du corps. Elle se fit dans l'émotion générale et fut suivie de l'office funèbre célébré en l'église Sainte-Thérèse par M. l'abbé Martin.
La présence des personnalités citées et de cette foule apporta ainsi à la malheureuse victime et à la famille un beau témoignage de sympathie et de solidarité.
Et l'imposant cortège, précédé des drapeaux, des délégations porteuses de gerbes et de couronnes, du corbillard encadré de courriers convoyeurs gagna, sous la pluie, le cimetière de l'Est, où, devant la tombe trop tôt ouverte d'Armand Briot, MM. Gisselbrecht, le directeur Decker et Royer, président de l'Amicale, rappelèrent en termes émouvants la haute conscience professionnelle, la remarquable carrière et les qualités personnelles du regretté disparu.

Vendredi 17 novembre 1950 (Le Républicain Lorrain)

L'enquête sur le crime de Thionville-Metz a fait hier dans la journée un important pas en avant. Le commissaire Lacombe, après des investigations très minutieuses, a réussi en effet à établir que deux individus suspects dont il semble posséder un signalement détaillé, avaient pris place, lundi soir, dans l’omnibus Thionville-Metz, dans le compartiment voisin du wagon postal. Il a appris également que ces deux mystérieux voyageurs, sur lesquels pèsent les soupçons les plus graves, s'étaient intéressés, avant le départ du train, à un colis sur le contenu duquel la police garde le silence, et qui pour une raison inconnue n'avait pas été remis ce soir-là au train.
C'est pour cette raison qu'on ne parle plus maintenant de règlement de compte ou de crime passionnel, mais tout simplement du crime crapuleux dont on avait émis l'hypothèse dès les premiers jours.

Deux individus mystérieux
Par ailleurs, on est parvenu à établir qu'il ne s'agissait pas d'un seul individu, mais d'un bandit et de son complice et que tous les deux avaient pris le train en gare de Thionville. Cette constatation particulièrement intéressante laisse bien augurer de la suite de l'enquête et l'on peut penser qu'après ce démarrage, la Police Judiciaire pourra identifier très rapidement les auteurs de l'agression.
Le commissaire Lacombe et ses inspecteurs s'étaient rendus hier après-midi dans la région de Thionville, afin d'enquêter plus spécialement dans certains milieux. C'est ainsi que dans la gare de la Métropole du Fer, ils sont parvenus à recueillir d'intéressants renseignements. Ils y acquirent la certitude que les agresseurs étaient deux et qu'ils prirent le train en gare de Thionville. C'est d'ailleurs sur le quai de cette gare que le témoin, M. MAYAM, les avait vus se concerter au préalable.

Le postier a été suivi
D'autres témoins remarquèrent que les complices se séparèrent un instant ; l'un des hommes suivit le postier. Celui-ci cherchait une place, ayant le libre choix du compartiment, pour y coller l'étiquette réservée à la poste. Il monta tout d'abord dans le troisième wagon, mais le compartiment ne lui convint pas. Pendant ce temps, l'individu qui le suivait était monté également dans la voiture. Le convoyeur descendit et finalement s'installa dans le compartiment où il devait trouver la mort. Son suiveur monta dans le compartiment de queue
du wagon et eut une courte conversation avec son complice. Celui-ci, à son tour, s'installa dans le compartiment voisin.
Son coup fait (exécuté par un seul des deux hommes) l'assassin descendit en gare de Woippy comme le remarque le témoin Mayam, mais son complice resta dans le compartiment.
Un contrôle immédiat des voyageurs dès l'arrivée du train en gare de Metz, aurait été d'une très grande utilité pour la suite de l'enquête.

Que cherchaient les bandits ?
Après trois jours d'enquête, les inspecteurs de la P.J. sont aujourd'hui en mesure d'y répondre. On avait constaté que l'agresseur avait déplacé les sacs postaux et l'on avait supposé un moment qu'il cherchait la douille. Il n'en était rien.
Le bandit tentait simplement de découvrir un gros paquet contenant des valeurs très importantes qui devaient s'y trouver et qui, par un hasard particulièrement heureux, avait été retenu et fut expédié par un autre train. Dans ces conditions, l'enquête s'avère plus facile.
Tandis que la P. J. passe maintenant au crible les voyageurs qui sont montés en gare de Thionville, elle lance un appel à toutes les personnes qui se trouvaient dans le train 343, l'omnibus Thionville-Metz, le soir du crime. Elle demande en particulier aux voyageurs qui sont montés en gare de Thionville, ou dans les localités intermédiaires, de se faire connaître ou de donner leur adresse à la caserne Riberpray. Elles aideront ainsi notablement l’enquête.
Mais d’ores et déjà, on peut dire que le commissaire Lacombe a retrouvé son optimiste, ce qui laisse donc supposer que l’enquête est maintenant en bonne voie. Il suffit d’être patient et d’attendre le résultat.
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Une foule immense et émue assistait hier en l'église Sainte-Thérèse, aux obsèques de M. Armand BRIOT, la malheureuse victime de l'attaque du compartiment postal du train Thionville-Metz. 
Le corbillard était recouvert littéralement par des gerbes et des couronnes envoyées par les postiers de toutes les régions de Moselle et des départements voisins. D'autres avaient été offertes par les différents services de la Poste de Metz et ce sont des postiers-convoyeurs qui le long du char funèbre accompagnaient leur camarade.

En tête du cortège, on remarquait les drapeaux des Mutuelles des P.T.T. de Thionville et de Metz, puis d'importantes délégations des postiers, facteurs, convoyeurs ainsi que les représentants des différents services. Puis venaient M. Haye, directeur régional des P.T.T. à Strasbourg ; M. Decker, directeur départemental de Metz ; M. Bourgon, inspecteur principal ; M. Gieselbrecht, chef de centre de Metz-Lafayette ; M.Dœblé ; les représentants des syndicats des P.T.T. et les chefs des services.

Le maire de Metz était représenté par M. Kempnich, adjoint et parmi les autres personnalités présentes, on pouvait remarquer M. Pierron, commissaire divisionnaire honoraire ; M. Salmon, ancien directeur du Ravitaillement ;
M. Kluze, commandant les sapeurs-pompiers de Metz, etc.
La levée du corps fut faite à l'hôpital Bon-Secours par M. l'abbé Martin, curé de Sainte-Thérèse, qui célébra ensuite la messe.

A l'issue de celle-ci, le cortège gagna le cimetière de l'Est où devait avoir lieu l'inhumation.
Devant la tombe, plusieurs allocutions furent prononcées par M. Gieselbrecht, qui évoqua la figure du disparu, rappela son dévouement, sa simplicité, son esprit de camaraderie par ; M. Decker, directeur des P.T.T., qui au nom de l'Administration, dit un dernier adieu à M. Briot, auquel il rendit hommage. M. Decker magnifia le sacrifice de ce modeste postier tombé à son poste, victime du devoir. Puis, le président de la Mutuelle, M. Royer, adressa au nom de tous les postiers présents et absents un ultime adieu à leur camarade et s'inclina devant la douleur de la veuve.

Dans ces douloureuses circonstances, nous renouvelons à Mme Briot et à toute la famille nos sincères condoléances.

En haut : Une importante délégation des Postiers figure parmi le cortège.
En bas : Les assistants au cimetière. (Photos R.L.)

Samedi 18 novembre 1950 (Le Lorrain)

METZ. - Un grand pas est fait : le commissaire Lacombe, qui se trouvait en présence d'un problème insoluble, puisqu'il n'en connaissait même pas les données, est en possession non pas d'une présomption ou d'un simple signe, ou d'un témoignage, mais d'une preuve formelle, d'une certitude irréfutable, que bien entendu il s'est dispensé de rendre publique, puisqu'elle sera son seul argument contre l'assassin, lorsque celui-ci sera arrêté.
Cet assassin est bien l'homme en bleu, l'homme au paquet blanc, que M. Mayam a signalé dans sa déposition si précieuse, l'homme du wagon C, celui qui avait suivi le convoyeur qu'il guettait dans tous ses déplacement sur le quai de la gare de Thionville.
Le criminel, en pleine préméditation, ne se doutait pas que lui aussi était repéré et suivi depuis bien longtemps.

Tour de force policier
Établir d'une manière saisissante l'emploi du temps de l'assassin de Woippy pendant les heures précédant le crime ; déterminer l'endroit exact d'où il a pris le départ de sa criminelle entreprise ; définir son type, sa nationalité, son langage, en donner un signalement très détaillé, tel est le tour de force réalisé par la P. J. de Metz en fin de soirée d'hier, après une enquête menée de concert avec les services de Sûreté d'Hayange du commissaire Chary.

Le tram, puis le train
L'assassin, donc, a pris le tramway lundi soir, à 17 h. 20, à Hayange, à la station près de l'église. Il est tout d'abord monté dans la remorque, puis, à l'arrêt de la Centrale, comme il n'y avait pas d'éclairage, il a changé pour monter dans la motrice. Il a pris place ensuite sur la plate-forme avant. A ce moment, il était porteur de son bonnet en laine tricoté américain avec une sorte de pastille ou de bouton au sommet. Il l'a alors enlevé pour le mettre dans sa poche.
Arrivé à Thionville vers 18 h. 10, il est descendu à
l'avant-dernière station, au Colisée, puis s'est acheminé vers la gare où il a parlé, sur le quai, à l'homme à la gabardine beige dont nous avons déjà parlé hier.

L'homme à la gabardine doit parler
Ce témoin devait donc connaître l'assassin, et la P. J. lui demande de bien vouloir, à son tour, se faire connaître, de manière à supprimer toute équivoque sur son compte et à donner tous les renseignements précieux qu'il est en mesure de communiquer.

Un signalement complet
Voici le signalement précis de l'assassin pour lequel, nous l'avons déjà dit, les policiers possèdent une preuve formelle qu'ils ne veulent pas encore révéler.
Age apparent 30 ans ; taille, 1 m. 70 ; svelte ; cheveux châtains, légèrement dégarnis sur le sommet du front ; teint mat. Parle très bien le français, mais avec un accent méridional prononcé, roule les R.
Le témoin qui l'a entendu parler sur la plate-forme a, en effet, remarqué cette particularité de son langage lorsqu'il a dit, lors de l'incident de la Centrale : « Alors on change de remorque ! »
Il était vêtu d'un veston bleu foncé, d'un pantalon gris, assez taché et en mauvais état. Son accoutrement pouvait, selon certains témoins, l'identifier comme étant un travailleur du bâtiment.

Une piste qui pourrait aboutir
Bien entendu, la Police judiciaire demande à ce que les témoins éventuels qui pourraient avoir connaissance de cet individu, de bien vouloir le signaler de toute urgence.
De nombreuses pistes concernant l'assassin ont été suivies dans la soirée. L'une d'elles, en particulier, qui a mené les enquêteurs très loin de leur base actuelle, Hayange, peut très bien aboutir dans la nuit ou au début d'aujourd'hui à une arrestation.

Georges DIRAND.

Lundi 20 novembre 1950 (Le Lorrain)

METZ. - On sait avec quelle perspicacité le commissaire Lacombe et ses inspecteurs se sont attachés à résoudre le mystère entourant la mort tragique du malheureux courrier-convoyeur Armand Briot, de l'omnibus 343 Thionville-Metz. Un ticket de tramway ! Un simple ticket de tramway, dont l'existence n'avait pas été rendue publique de prime abord, découvert parmi les sacs du compartiment postal et émis à Hayange pour la destination de Thionville, avait permis aux policiers de circonscrire une partie de leurs investigations dans la région sidérurgique de la vallée de la Fentsch. Ce ticket ne pouvait qu'être tombé de la poche de l'assassin. Ainsi, l'emploi du temps de l'homme en bleu a pu être en grande partie reconstitué, tout au moins depuis Hayange. L'enquête policière devait finalement écarter tout autre mobile que celui du crime crapuleux. Le bandit et ses complices, en effet, avaient jeté leur dévolu sur un envoi d'or d'un poids de 25 kilos, composé de pièces de vingt francs et de dollars. Pressentiments de la douane ? Cette précieuse dépêche postale avait été expédiée par la banque Nationale du Luxembourg à un établissement de crédit messin, pour le compte d'un particulier de la région. Elle était parvenue à Thionville au début de l'après-midi et fut soumise au contrôle régulier de la douane qui -- est-ce pressentiment de son chef -- en retarda la réexpédition après avoir songé à la confier à l'omnibus 343. On arrive donc à la conclusion toute naturelle qu'une indiscrétion a pu être commise à Luxembourg même et parvenir ainsi à une bande aux abois d'un coup à faire. Que l'assassinat ait été perpétré par un individu originaire du Grand-Duché n'est pas à priori écarté. Un témoin n'a-t-il pas précisé que les paroles échangées sur le quai de la gare, entre l'homme en bleu et l'homme à la gabardine ne ressemblaient ni à du français, ni à de l'allemand, ni à de l'arabe. Utilisaient-ils le dialecte luxembourgeois ? Ce n'est pas impossible. La mystérieuse auto était luxembourgeoise D'autre part, on se souvient de la présence, sur le chemin de Marange à Maizières-lès-Metz, à proximité du lieu où fut découvert le cadavre de M. Briot, d'une automobile mystérieuse, identifiée par la suite comme étant d'origine luxembourgeoise et occupée par deux hommes d'Esch-sur-Alzette. Dans ces conditions, l'assassin n'a-t-il pas été conduit en voiture jusqu'à Hayange -- ceci afin, de brouiller les pistes au maximum -- à charge par lui, son crime accompli, de jeter le sac d'or sur la voie, à un lieu déterminé à l'avance ? Quoi qu'il en soit, le commissaire Lacombe a déjà pris un premier contact avec ses collègues luxembourgeois pour la suite de l'enquête, car il n'a pas juridiction chez nos voisins. Toute la journée d'hier et de celle de samedi ont été consacrées à l'audition de certaines personnes et à un grand nombre de vérifications dans la région ferrifère proche du Luxembourg. fausse alerte Signalons enfin que la sûreté nancéienne avait appréhendé hier un individu qui respectait presqu'en tous points le signalement transmis. Interrogé, l'homme a fourni un alibi péremptoire : il était en prison le jour de l'agression.

Mercredi 22 novembre 1950 (Le Lorrain)

METZ. - La sûreté luxembourgeoise, agissant en vertu d'une commission rogatoire internationale lancée par le Parquet de Metz, vient d'abandonner ses recherches sur le meurtre du postier ambulant du train Thionville-Metz.
On sait que certains indices avaient conduit le commissaire Lacombe à rechercher le meurtrier du convoyeur Briot parmi les personnes qui étaient au courant du transfert, de Luxembourg à Metz, d'un colis d'or qui devait être transporté dans le train 343 le soir même du crime et aurait pu être convoité par le meurtrier.
Cet or (qui n'était pas un lingot de 25 kilos, mais représentait une valeur équivalente en pièces monnayées) faisait l'objet d'un transfert régulier entre la Banque internationale de Luxembourg et une banque privée de Metz. Au cours de son enquête, la sûreté de ce pays a pu établir qu'aucune complicité luxembourgeoise ne pouvait être retenue en ce qui concerne d'éventuelles indiscrétions commises au sujet de ce transfert.
On croit savoir d'autre part que, le soir de l'assassinat du convoyeur, le colis se trouvait depuis trois jours à Thionville. Il semble donc vraisemblable que l'enquête reprenne du côté français à partir de ce fait nouveau, afin de rechercher les personnes au courant de la présence de cet or en gare de Thionville.

Lundi 27 novembre 1950 (Le Lorrain)


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