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  Dernière mise à jour : 9 octobre 2018

La route de Lorry
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 La route de Lorry à travers le temps 


La naissance

Comme on le voit sur le plan ci-contre (1808), le trajet de Woippy à Lorry s'effectue par les chemins longeant les différents terrains ou parcelles plantées (à cette époque, en grande majorité en vignes).
Deux itinéraires sont possibles : soit depuis le centre du village (flèche rouge), ou, depuis Nachy (flèche bleue).

Au milieu des années 1860, à l'initiative du département, une route entre les deux villages est à l'étude.
Il est prévu que cette route débute en haut de Nachy, mais sur demande de la municipalité cette option est abandonnée, et la nouvelle route de Lorry est telle que nous la connaissons aujourd'hui.

(Voir Pierre Brasme, Woippy, village du pays messin, 1670-1870, Editions Serpenoise, 1987, p. 357-358.)

Du fond des livres, promenade en 1911

CROQUIS DE CAMPAGNE MESSINE

Pour Jules Claretie, en reconnaissance, en très respectueuse sympathie, ces lignes mélancoliques.

De Woippy à Lorry, par un torride après-midi de juillet. L'atmosphère implacable, comme embrasée, exhale des effluves lourds, dévorants et la lumière folle aveugle, calcine tout, au hasard, sans ménagements. Au sortir de Woippy, près de l'église toute coquette, quoique d’une extrême simplicité, - avec son clocher frêle, élancé, qui semble diriger vers la nue bleue, les flots bénis de l'encens, les prières des fidèles, - une charmante petite route se dessine bordée d'arbres aux ombrages qui reposent et calment. Puis, c'est la campagne embaumée, idyllique, exubérante, pleine de force, d'ardeur, de jour vivifiant : des champs de blé, de seigle que la brise ondule et couche, à perte de vue ; des bouquets de gramens vivaces, presque robustes, poussant dru, au hasard, avec leurs gracieuses tiges où se reposent les gentils petits papillons du Bon Dieu. De superbes plantations de fraisiers, de framboisiers étalent leur incomparable verdure, semblent vaporiser leurs subtils parfums griseurs. C'est là, presque la principale ressource de ce fertile coin de Lorraine avec les délicieuses mirabelles de Lorry, renommées maintenant un peu partout, excellents fruits à peau très fine, à minuscules noyaux, saturés d'un arôme pénétrant et qui fournissent une eau-de-vie d'un goût supérieur. - Et ma pensée s'égare, s'extériorise soudain, comme plus légère et débarrassée de tristesse, de miasmes empoisonneurs. Elle prend son essor au loin, vers les mers de seigle, de folles avoines où les reine-marguerites, les humbles bleuets, si simples, les ardents coquelicots jettent leur note enthousiaste et chaude, se mêlant dans un trio touchant comme un douloureux emblème. Oh ! soudain, naïve et douce sensation, je suis heureux comme un bambin auquel on montrerait un « joujou » nouveau. Ma pauvre âme s'est ensoleillée en retrouvant là les trois couleurs qui se marient en une exquise harmonie. Mais, hélas ! pour moi la charmeuse idylle s'évanouit tout à coup...

La gravure ci-dessus accompagne ce texte.
Une seconde représentant le Mont Saint-Quentin
vu depuis le Ban-Saint-Martin n'est pas reproduite.
Sur la petite route dure et blanche, un rail à voie étroite, rongé par une lèpre de rouille, s'élance comme un luisant reptile. C'est un chemin de fer reliant deux forts. - Ah ! oui, la défense sublime, l'excellente paix armée, plus trompeuse mille fois qu'une guerre en perspective.
Et maintenant, à droite de la route, partout des batteries, sortes de fortins, dépôts monstrueux de projectiles, choses meurtrières quelconque, pleins de raffinements mortels, qui étalent leurs affreuses gibbosités recouvertes de tapis d'herbe verdoyante. Il y a aussi des rails qui, s'échappant de la ligne principale, vont, passant sous les frondaisons, rejoindre les dépôts non loin du chemin. On aperçoit aussi des « Patronenhaus » (maisons de cartouches) goudronnées dont l'âcre odeur bitumineuse semble se doubler sous l'ardeur du torride soleil de juillet...
O ma pauvre et chère Lorraine, si féconde, si généreuse, si bonne pour tes habitants ! Quand on songe que des étrangers osent prétendre que c'est grâce à eux que tu te relèves. - Oui ! ce serait grâce à leur savante exploitation que la richesse de ton sol béni, maintenant connue, n'est plus immobilisée. Ils savent faire valoir les trésors de ton flanc. Mais est-ce vraiment depuis qu'ils sont là, que tu connais l'aisance et la prospérité, ma Lorraine aimée ?
Devant moi, à gauche dans le firmament immaculé, diaphane, le Saint-Quentin dresse sa bosse menaçante, son fort meurtrier garni de créneaux qui domine là-bas au loin, de l'autre côté, les horizons bleuâtres, les plaines productives de Pont-à-Mousson, les côtes touffues de Prény. Et d'innombrables corbeaux voraces, leurs troupes noires, volent avec d'assourdissants battements d'ailes, circulent, se rallient, se séparent et vont se rejoindre dans les sapinières du Saint-Quentin. Leur croassement désagréable, irritant, m'impressionne. Il trouble étrangement la profonde tranquillité estivale.
Mais voilà Lorry, le coquet petit village avec ses mignonnes et proprettes maisons de campagne de propriétaires à l'aise. Ici tout le monde est poli, plein d'aménité envers le promeneur : une affabilité sans bornes. C'est bien là cette belle, cette ancienne et vaillante souche de Lorrains honnêtes, aux cœurs pleins d'intégrité, de franchise, sans nulle arrière-pensée et qui ont gardé la foi inébranlable, les traditions ancestrales comme leurs bons frères, les rudes et graves Bretons, témoins en ce jour de Fête-Dieu, ces frais reposoirs de verdure, ces jonchées de pétales roses, ces branchages épais, ces bouquets de buis luisant tout le long des maisons neuves.
Et tout à l'heure, en buvant à petits traits un généreux verre de vieux vin de Lorry. Ici, les chimistes sans vergogne, tous les sophistiqueurs n'ont pas, heureusement encore réussi à gangrener les âmes rustiques et saines de nos braves et méritants vignerons lorrains, qui ne savent ou ne veulent pas truquer la sève pétillante de leur sol, - je repenserai, j'en suis sûr, malgré moi, en rêvassant l'âme pleine de mélancolie indicible, de regrets douloureux, l'œil en extase et comme rivé sur le couchant de pourpre et d'or, aux bleuets touchants et modestes, aux altières marguerites, aux ardents coquelicots qui là-bas dans les flots houleux de seigle et d'avoine, en mêlant leurs couleurs, semblent vouloir, en dépit des ans, garder pour toujours, un souvenir immuable et solennel.     Edgar REYLE.

Le Pays Lorrain et le Pays Messin, 1911, page 431.


En images, d'hier à aujourd'hui


Début 1900

A la fin des années 1930, vue depuis le cimetière... puis un peu plus bas.

Vers 1941, (à gauche, le mur de l'église).

En 1945, l'entrée de Woippy (Gross-Stadt-Metz)

Vers 1950
 
Ces deux bâtiments ont été démolis dans les années 1970. Le début de la rue de Briey, vue d'avion.

Depuis le haut du clocher, la route de Lorry en août 1993.

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