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Le cahier de doléances
Sainte-Agathe et Ladonchamps

Source :
Cahiers de Doléances des Communautés en 1789.
Tome II, Bailliage de Metz.
Publiés par N. DORVAUX et P. LESPRAND. Metz, 1918.
Pages 496-500.

Assemblée du 9 mars en la place communale par-devant le syndic Philippe Le Roy ; publication au prône le 8 mars par M. Husson, curé de Woippy.
15 feux. - 13 comparants. - 10 signatures. Députés : Philippe Le Boy et François Michel.

Cejourd'hui 9 mars de l'année 1789, nous, syndic et membres et habitants de la communauté de Sainte-Agathe et Ladomchamps, étant assemblés à la manière ordinaire pour former plaintes, doléances et remontrances suivant les ordres de Sa Majesté et de l'ordonnance de M. le lieutenant général au bailliage et siège présidial de Metz en date du 26 février dernier, savoir :
Art. 1. Comment pourrait-on de la part des pauvres habitants de campagne aider à l'État, tant laboureurs fermiers, que manœuvres journaliers, lesquels sont ruinés par les payements des deniers royaux et travaux des routes ? Un laboureur fermier ne peut qu'avec grandes peines payer son propriétaire ; ses récoltes ne sont pas assez abondantes pour pouvoir suffire aux payements des deniers royaux et travaux des routes. L'excès d'un propriétaire qui augmente chaque 3, 6 ou 9 années sa ferme, des chevaux, les outils qui leur sont si nécessaires et qui leur coûtent si cher : voilà ce qui cause leur ruine, ainsi que des fléaux tant de grêle qu'inondation d'eau, et autres accidents qui peuvent leur arriver à l'égard de maladies de chevaux ou mortalité d'iceux. Comment pourraient-ils de plus aider à l'État ?
Art. 2. Un pauvre manœuvre journalier, lequel peut gagner 8 ou 10 sols par jour, encore faut-il que les temps soient propres pour qu'il puisse être mis en œuvre, chargé de famille, les blés étant si chers, payant des sommes de deniers royaux et travaux des routes, comment pourrait[-il] de plus aider à l'État ?
Art. 3. Ce qui pourrait aider à l'État, ce serait le clergé, savoir des religieux qui possèdent tant de biens. Il faudrait pensionner ces Messieurs d'une pension modique, et leurs biens serviraient pour aider à l'État, ainsi que l'extraordinaire des abbayes, tant [de] religieux que religieuses. Quand ils ont fait vœux et profession, ont-ils déclaré qu'ils jouiraient de si grands biens terrestres, comme ils en jouissent présentement ? En outre, ces Messieurs de Saint-Vincent de Metz exploitent leurs bois eux-mêmes et les vendent comme marchands de bois, au lieu que, s'ils les faisaient exploiter par quelques autres marchands, il en reviendrait 6 deniers par livre d'exploitation à notre dite communauté au rôle de subvention.
Art. 4. Ce qui pourrait aider à l'État : il faudrait que MM. les nobles, payent à proportion des pauvres laboureurs et manœuvres. Ces derniers sont épuisés de corps et de biens pour satisfaire aux sommes que l'on leur demande pour les travaux des routes, et ce pour la promenade des seigneurs avec leurs voitures pour prendre plaisir à voir ravager et manger les graines semées par les laboureurs et autres dans les champs dans les temps de semailles et moissons ; lesquels ont droit de colombier, mais ils devraient suivre les ordonnances, renfermer leurs pigeons dans les temps prescrits par les ordonnances.
Art. 5. Ce qui ronge les pauvres peuples, ce sont les entrées des villes, qui sont des droits que l'on augmente tous les ans, ainsi que les sels et que les débitants mesurent si mal. Si toutefois les sels étaient libres en payant une petite imposition à Sa Majesté, cela ferait un grand bien au peuple ; car nous le payons plus cher que les royaumes étrangers où l'on le fait passer ; ce qui cause encore que nous payons les bois plus cher.
Art. 6. Si l'État a si besoin d'argent, que ne fait-on rendre exactement compte à MM. les receveurs des deniers royaux, lesquels en font profit durant l'espace d'un an avant d'en rendre compte ?
Art. 7. Ce qui pourrait aider à l'État, ce seraient ces nobles chapitres, ainsi que d'autres ecclésiastiques, qui possèdent des biens immenses et les plus beaux biens tant en terres qu'en rivières et forêts, des dîmes en abondance : ce devrait être ces Messieurs qui devraient aider à l'État en payant des sommes à proportion des articles 1er et 2e.
Art. 8. Si l'État a si besoin d'argent, que fait-on des sommes que les communautés donnent pour les travaux des routes ? L'on a renvoyé les cantonniers, ce qui peut valoir une somme de 50000 livres d'épargne ; l'on a renvoyé plusieurs autres sujets, ce qui devrait diminuer les sommes ; en outre, les routes ont été laissées par adjudication en nombre de portions et tâches et ne coûtent plus si cher que la première année : l'on demande à quelle époque (sic) va cet argent, voyant que les communautés en payent toujours les mêmes sommes, ce qui occasionnera beaucoup de communautés à faire refus de payer les travaux, si on ne leur donne parfaite connaissance de ces épargnes susdites. Et pourquoi tant de petites routes pour plaire à un seigneur ou à un abbé religieux, et le tout payable par les pauvres villageois ? En outre, il y a quantité de voituriers étrangers qui parcourent le pays avec des voitures chargées à l'impossible, ce qui abîme, les routes, et ne veulent jamais se détourner pour quelques voitures que ce soit ce qui occasionne bien souvent des batailles mortelles.
Art. 9. L'on voit trop d'exemptions pour les nobles, jusques à leurs domestiques qui sont exempts de tirer à la milice ; pourtant un pauvre fermier qui aurait 3, 4 domestiques à son service, [ils] ne le sont pas, et il faut payer une somme d'argent pour leur exemption. Qui est-ce qui en souffre ? C'est toujours le pauvre fermier, parce qu'il faut que ce soit lui qui en fasse les avances, et après ce fait les domestiques lèvent le pied et désertent : voilà le pauvre fermier bien satisfait. Comme bien d'autres fois sans ce sujet de milice, après que les laboureurs ont avancé soit par argent ou en habillements à leurs domestiques, ils s'en vont sans rien dire et quelquefois, après avoir passé les mauvais temps d'hiver, ils s'en retourneront chez leurs parents. Il faudrait une règle générale pour discipline à ce sujet.

Fait et arrêté par nous, syndic, membres et habitants d'icelle communauté en la place communale du dit lieu, et avons signé après lecture faite, les jour, mois et an dits d'autre part.
François Marchal ; Nicolas Minet ; Jacques Bouteille ; François Michel ; Claude Evrard ; Pierre Carrier ; J. Conselin ; Gille Valentin ; Paul Le Roy ; Grégoire Évrard ; Philippe Le Roy, syndic; Étienne Colson, greffier.
La présente a été cotée et paraphée [par] première et dernière par moi, maire de justice et membre de la municipalité. [Signé] Paul Le Roy.

Supplément au présent mémoire du jour 12 du présent mois de mars 1789.
Art. 1. L'on trouve mal à propos que l'on a mis en exercice des huissiers priseurs, pour raison que cela coûte beaucoup de frais soit à des enfants mineurs ou à un pauvre homme resté veuf ou à une pauvre femme aussi restée veuve. Autrefois les affaires se faisaient à plus léger prix ; mais en considérant comme il faut, c'est un assujettissement qui cause un effet qui est la cause que la plupart de l'un et de l'autre perdent presque le tout, parce qu'ils font leur possible pour vendre par-dessous main et ne font pas valoir, tel qu'ils le devraient, leurs biens ou celui des mineurs. Car un pauvre homme resté veuf appellera l'un de ces huissiers pour peu de chose qu'il aura à faire profit ; [il] lui coûtera les deux tiers de son pauvre ménage : ce qu'il faudrait anéantir, ce qui cause un bien à la ville de Metz, mais ce qui cause la ruine des pauvres sujets et mineurs et qui rapporte un bien léger prix à Sa Majesté.
Art. 2. Les maîtres et fermiers des forges, par le moyen d'une association qu'ils ont faite entre eux, taxent les fers comme ils le jugent à propos. Peu leur importe à quel prix sont les bois, pourvu qu'ils en trouvent : ils auront toujours le moyen de s'enrichir aux dépens des cultivateurs. Il faut que le maréchal ferrant vive, ainsi que le charron : s'ils payent cher, il faut que le laboureur indemnise tout ; quand même il en devrait arriver sa ruine, ce sera les premiers payés. Il y a 25 ans que le prix d'un bois de char était de 24 livres ; aujourd’hui il est de 54 livres, encore n'est-il pas de valeur, parce que le charron met en œuvre le bois comme il le peut avoir. Il est donc d'une pressante nécessité d'apporter un prompt remède à tant de maux qui s'accroissent de jour en jour, en réprouvant tous les abus qui se commettent dans le régime des bois et en apportant tous les soins à ce qui est plus et de plus grande nécessité aux peuples.
Art. 3. Le maître des hautes et basses œuvres de la ville de Metz enlève depuis deux ans aux habitants de la campagne de son arrondissement les cuirs des bêtes mortes. Les cultivateurs grevés de malheurs de la perte de leurs chevaux si coûteux, pour combler leurs malheurs, se voient enlever une chose qui leur est de la première nécessité pour l'entretien de leurs harnais. Le cuir blanc, qui ne coûtait avant son entreprise que 16 et 18 sols la livre, en coûte à présent 30 et 32. Il est d'une grande nécessité de supprimer cette injustice.
Fait en notre assemblée de communauté réitérée les dits jour, mois et an.
Gille Valentin ; François Marchal ; Grégoire Évrard ; Pierre Carrier ; Nicolas Minet ; François Michel, député ; Philippe Le Roy, député, syndic ; Étienne Colson, greffier.
Le supplément a été coté et paraphé par moi soussigné. Paul Le Roy.

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