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René PAQUET (1845 - 1927 )
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Deux biographies de René Paquet et son décès en 1927

Source : Les Cahiers Lorrains. Mars 1922, page 38.

SOCIETE D’HISTOIRE NATURELLE
Extrait du procès-verbal de la séance du février 1922.

Cette séance a été consacrée en grande partie à une visite sommaire des musées d'histoire naturelle de la ville. Après quoi, le secrétaire fit un rapport dont nous extrayons ce qui suit :
« Depuis notre dernière séance, a paru dans l'« Officiel » une liste de nominations au titre d'Officier d'Académie ; dans le nombre figure l'un des nôtres.
« Assurément, nous ne voyons pas ce membre à nos séances ; pourtant c'est un vétéran de la Société, puisqu'il a été admis en 1875 ; avocat près la Cour de Paris, il habitait alors la rue de Vaugirard, et, dès 1871, il devenait membre à vie.
« M. René Paquet d'Hauteroche est issu d'une famille qui devint messine par son séjour parmi nous. M. Claude-Joseph-Henri Paquet, son père, était capitaine de frégate en retraite, officier de la Légion d'Honneur ; né le 12 juillet 1799 à Charleville, il y alla prendre sa retraite, et c'est là, que sa femme, née Julie-Anne-Marguerite Boussard d'Hauteroche, donna le jour, le 29 septembre 1845, à notre collègue futur. Peu de temps après, la famille venait s'installer à Metz et aux environs. - M.René Paquet fit ses études de droit et se fit inscrire au barreau de Paris. Il pratiquait encore lorsqu'il devint membre de la Société ; mais bientôt il revint au pays mosellan, où il passa une partie de l'année. Déjà, il s'est fait remarquer par sa passion ornithologique. »
Il a publié, en effet, à Paris :
En 1871 : « Le Chasseur d’Alouettes au miroir et au fusil », brochure in-12 avec planches, dont il y eut deux tirages de 3 000 exemplaires chacun ;
En 1873 : « Monographie du Chardonneret », 46 p. in-8° avec 1 planche ;
En 1874 : « Ornithologie parisienne », 1 vol. in-18, de 68 p. ;
En 1875 : « Monographie du Cini », in-8°, de 59 p. et 2 pl. ;
En 1876 : « L’Ornithologie au Salon de peinture de 1876 », in-8, de 49 p.
« Rentré au pays messin, il lui consacre son temps et ses observations ; il publie :
En 1878 : « Chants populaires messins recueillis dans le Val de Metz, en 1877 », 1 vol. in-12, de 84 p. ; et « Histoire du Village de Woippy », 1 vol. in-8° de II et 350 p., avec gravures ;
En 1880 : « Recherches historiques sur la Grande Thury, près Metz », 1 vol. in-8° de II et 189 p., avec gravures ;
En 1882 : deux brochures sur « La Chasse au Filet » ; puis une œuvre historique très importante : « Dictionnaire biographique de l’ancien département de la Moselle », 1 vol. de grand format de 623 p., paru en 1887, sous le pseudonyme de Nérée Quépat.
« Le naturaliste reparaît en 1899, avec son « Ornithologie du Val de Metz », catalogue des oiseaux sédentaires et de passage qui vivent à l’état sauvage sur le territoire de Woippy et autres localités voisines, 1 vol. petit in-8° de VII et 175 p. »
« Depuis lors, M. Paquet menait une vie de recherches dans les archives et les Bibliothèques de Metz et de Paris ; il travaillait à l’œuvre capitale de sa vie, à un ouvrage comprenant deux très forts volumes in-4°, tout imprimés, mais qui attendent encore une table onomastique fort longue et compliquée, que le laborieux vieillard tient à dresser lui-même. Il s’agit de la bibliographie et de la publication partielle de toutes les pièce imprimées et manuscrites qui intéressent la période de la Révolution au Pays messin.
« Après cette énumération, vous comprendrez, Messieurs, que la Société d’Histoire Naturelle de la Moselle ait accueilli M. Paquet d’Hauteroche, que l’Académie de Metz l’ait nommé associé-libre, en 1885, et membre honoraire, en 1899, et enfin que le Gouvernement français ait tenu à honorer notre trop modeste collègue. »
A cet exposé, le secrétaire ajoute des détails sur l’étendue de l’érudition, la méthode de travail, l’affabilité de notre confrère.
Il est d’un abord facile, aimable et courtois, ayant volontiers le mot pour rire… ; « pas fier », comme disent les gens de la campagne… Avec cela, généreux et libéral. Suivent quelques anecdotes, que le secrétaire puise dans ses souvenirs personnels et qui achèvent le portrait sympathique du nouveau décoré, à qui la Société adresse ses félicitations.
Le Secrétaire : E. FLEUR.

Décès de René PAQUET

Mercredi 4 Mai 1927 (Journal « Le Lorrain »)
René Paquet d'Hauteroche s'est éteint à Paris samedi dernier, 30 avril, dans sa 82e année.
Fils de M. Claude Joseph Henri Paquet, capitaine de frégate en retraite, officier de la Légion d'honneur, et de Madame Julie Anne Marguerite Boussard d'Hauteroche, il était né à Charleville, dans les Ardennes, le 29 septembre 1845, mais dès son plus jeune âge, il était devenu messin.
Licencié en droit, avocat à la Cour de Paris, M. R. Paquet s'est laissé, jeune encore, captiver par les enchantements du Val de Metz et il s'y est consacré, on peut vraiment le dire, de toute son âme. Les ouvrages qu'il a écrit sur la faune locale, sur la chasse, surtout son histoire de Woippy, sont là pour le prouver.
Lorsque, le 16 janvier dernier, nous présentions à l'Académie de Metz une notice sur la « Bibliographie analytique de l'Histoire de Metz pendant la Révolution », récemment parue, nous avons énuméré les nombreux travaux publiés par M. Paquet et nous n'hésitons pas à redire que par son importance, sa méthode rigoureusement scientifique et la richesse de sa documentation, l'œuvre historique de notre regretté concitoyen le place sur le même plan que les Praillon, les Philippe de Vigneulles, les Bénédictins, auteurs de l'Histoire de Metz et, enfin Auguste Prost.
Les chercheurs de notre histoire locale rendront compte, dans l'avenir mieux que nous ne saurions le dire aujourd'hui, de l'importance de l'œuvre historique qui leur est léguée par M. Paquet d'Hauteroche.
L'ami vénéré que nous pleurons aujourd'hui, a écrit son œuvre d'histoire messine dans son domaine familial, modestement appelé : « Le Rucher », à Woippy.
Nous avons dit déjà, et nous croyons devoir le redire aujourd'hui : Dans ce Rucher, une abeille laborieuse a accumulé ses richesses historiques en butinant un peu partout avec ardeur, et le bourdonnement de ses ailes a toujours chanté, ici, la chanson française. Cette chanson a eu le don de ne point choquer les maîtres étrangers de ce pays pendant près d'un demi-siècle. On ne dérange point une abeille dans sa ruche : on se borne à l'admirer.
Personne n'était mieux placé que ses concitoyens de Woippy pour apprécier et admirer l'homme excellent qui vient de disparaître.
Une grande partie du vaste domaine de M. Paquet était louée, par parcelles aux habitants du village, depuis de longues années déjà et, malgré la hausse de tous les prix, ceux de la location de ses terres restaient toujours les mêmes.
Dans l'église paroissiale, pour laquelle il s'est toujours montré généreux, il tenait à occuper une place obscure. Et à la sortie de la grand-messe, sur la petite place de l'église, c'était régulièrement une distribution de bonbons et de chocolat, tous les dimanches, tous les petits enfants étaient là... Les enfants de Woippy ne verront plus désormais, leur vieil ami qui les aimait et les gâtait.
Nous voyions, hier, dans ce village, une vénérable personne dont la sœur fut, durant plus de 30 ans, au service de M. Paquet et mourut après la guerre. Nous lui avons demandé de nous dire ce qu'était M. Paquet, et elle nous a répondu : « Ah! Monsieur. Il était tout bon ».
Peu de jours avant la chute qui devait lui être fatale, M. Paquet s'est vu attribuer le Prix Prost par l'Académie des inscriptions et belles lettres, pour sa Bibliographie analytique dont il a été parlé plus haut : ce fut là la dernière joie de sa vie.
Roger CLEMENT

Source : Le Pays lorrain, Juillet 1927, n° 7. Pages 337 - 340.

Un érudit messin : René PAQUET
(André GAIN)

Si l'on sort de Metz par la route de Lorry et que l'on tourne à droite pour prendre le chemin de Woippy, on longe bientôt, avant d'arriver à ce village, les murs assez délabrés d'un parc un peu sauvage que les brèches permettent d'entrevoir. Puis l'on atteint une porte de bois verdâtre et vétuste qui donne accès à l'intérieur et conduit à la maison du maître de céans. C'est le Rucher, robuste maison des champs, propriété d'un maire de Metz au début du siècle dernier, et où M. Paquet d'Hauteroche jusqu'à sa mort récente, a passé de longues années. C'est un homme aimable et accueillant, un érudit de valeur, un savant à l'ancienne mode qui vient de disparaître. J'entends qu'il s'asseyait devant des piles de livres, qu'il avait un chien, peut-être un chat, un poêle de faïence et une couronne de cheveux blancs. Tous ceux qui, comme moi, ont commencé leurs études dans un album d'images d'Epinal n'ignorent pas en effet que tels sont bien les attributs de la science.
Pourtant M. Paquet, loin d'avoir toujours vécu confiné dans son cabinet, avait jadis débuté par la chasse et l'ornithologie. Jeune encore il avait fait preuve d'une précoce expérience en publiant, il y a cinquante-six ans, des conseils aux chasseurs d'alouettes. Puis l'oiseleur s'était fait naturaliste en donnant une monographie du chardonneret, et une autre du ciné, qui est le nom noble du serin vert auquel son origine portugaise confère quelques prétentions. Ensuite était venue une « ornithologie parisienne ou catalogue des oiseaux sédentaires et de passage qui vivent à l'état sauvage dans l'enceinte de la ville de Paris », volume que j'avoue n'avoir jamais ouvert, mais dont le titre a un petit air vieillot et babillard qui n'est pas sans charme. Un travail analogue avait suivi, consacré aux oiseaux de Val de Metz. Toutes ces œuvres, M. René Paquet les avait signées d'un pseudonyme un peu singulier, l'anagramme de son nom et de son prénom féminisé, Nérée Quépat. Décrivant les oiseaux, l'auteur de ces savants travaux, les avait naturellement collectionnés. Sa galerie était même si considérable qu'elle surpassait en richesse, disait-il, la collection déjà fort riche du musée d'histoire naturelle de Metz, auquel il avait l'intention de la léguer. Je n'en parle que par ouï-dire, car à l'époque où je l'ai connu, M. Paquet avait depuis longtemps délaissé l'ornithologie et clos sa galerie. Le rouge-gorge, le rouge-noir, le rouge-queue et, pour parler le langage du Directoire, « l'oiseau haï de l'hymen qu'il outrage », ne voyaient plus le jour qu'à travers les volets tirés, dans une aile du Rûcher. De ses exploits cynégétiques, le chasseur n'avait conservé que l'habitude de faire chaque jour un carton dans son parc.
Comment M. Paquet a-t il passé de l'ornithologie à l'érudition ? C'est, je pense, par une pente et une transition toutes naturelles, car l'une et l'autre ne sont point sans analogie. Elles présentent en matière de recherche et de classement des difficultés égales et des joies de même ordre. C'est ainsi que si l'historien ne peut user d'appeaux pour attirer les documents, il ne risque point, en général, de voir ceux-ci s'envoler à son approche. Au surplus une collection de pièces rares, voire de manuscrits précieux, est moins encombrante qu'une exposition d'oiseaux. Ce n'est point pourtant par la bibliographie, qui est comme la vitrine de l'histoire, que M. Paquet débuta. Au passé de Woippy, à celui de la Grande-Thury, il consacra deux études importantes, précises et documentées qui l'orientèrent vers l'histoire locale. J'imagine aussi que les longues années de l'occupation allemande lui conseillèrent la retraite et le portèrent à renoncer peu à peu aux longues excursions du naturaliste. Il partageait son temps entre Metz, Woippy et Paris, ses trois séjours de prédilection, pour l'un desquels il se déclarait incapable d'avoir une préférence. Ainsi l'invasion n'interrompit point ses travaux, et des Allemands il ne parlait jamais. Des vieillards que j'ai connus, il est le seul qui ait assez vécu pour renouer, par-dessus les quarante-sept années, la chaîne des temps : la captivité des provinces perdues n'était, dans sa longue et laborieuse existence qu'une enclave, un épisode. En 1887, il publiait un dictionnaire biographique du département de la Moselle, modèle de dépouillement patient, d'une scrupuleuse exactitude. Ensuite il abordait la préparation de son chef-d'œuvre, sa monumentale bibliographie de l'histoire de Metz pendant la Révolution ; il l'a lentement et prudemment composé en vingt-cinq ou trente ans, bien qu'il n'en avoue que vingt en sa préface. La guerre trouva M. Paquet penché sur les cartons des Archives nationales. Il s'y plonge jusqu'au jour où il pu retrouver le Rucher.
Depuis le jour où il s'y était fixé, le cadre avait un peu changé. Le parc, touchait toujours en bas aux champs de fraisiers, en haut aux premières vignes, mais les maisons neuves de Devant-les-Ponts gagnaient chaque année vers le nord, comme pour rejoindre Woippy. A l'horizon, la cathédrale dominant les bâtisses nouvelles, offrait toujours son transept occidental aux rayons du couchant qui, quelques instants, chaque soir, transfiguraient les verrières en étincelant brasier. L'hôte du Rûcher, ou plutôt, comme l'a appelé M. Roger Clément, sa laborieuse abeille, se hâtait maintenant. Les derniers des quatre vingt-dix chapitres recevaient le bon à tirer. C'est que M. Paquet qui se vantait de n'avoir jamais consulté un médecin, sentait la vieillesse venir, tout d'un coup. L'exemple de son père, officier de marine du plus brillant avenir, foudroyé, par une mort subite, dans la force de l'âge, sur le pont de son vaisseau, lui faisait craindre de vivre trop peu pour mettre le point final à son œuvre. En 1921, l'impression du texte était terminée : restait la table onomastique. L'auteur refusa les ogres de concours bénévole que lui firent ses amis, et il entreprit seul, avec ses méthodes à lui, les plus sûres, mais aussi les plus lentes, cette dernière partie de sa grande œuvre. L'éditeur lui faisait attendre les dernières feuilles. M. Paquet, pour le stimuler, lui envoyait des fraises confites de Collignon. Heureux imprimeur ! Gagné par les sucreries, il apporta enfin toute la célérité nécessaire : et les deux in-quarto parurent. C'était à l'automne dernier. Il était temps.
De longue date, le maître du Rûcher avait choisi les papiers de l'édition qui serait unique, dressé la liste de distribution des exemplaires qu'il se réservait. Une idée bizarre, une fantaisie de bibliophile l'avait un moment séduit : il s'agissait d'interdire aux vingt-cinq titulaires des exemplaires sur Impérial du Japon de jamais couper les feuilles du volume qui leur serait remis. Les bénéficiaires s'y engageraient sur papier timbré. Cette clause devait faire des volumes de luxe, dans un délai très bref, une rareté insigne. Sur les conseils de ses amis, M. Paquet renonça à cette exigence... L'édition, faite entièrement à ses frais, lui avait coûté fort cher. Il réduisit son train de maison, congédia son jardinier. L'herbe cernait le Rûcher d'une épaisse couronne, les allées se devinaient à peine, le mur de clôture s'effritait et les oiseaux qu'on ne dérangeait plus bâtissaient leurs nids partout, par bravade ou par revanche. Mais l'accueil de la vieille maison était toujours aussi cordial, le vin de Scy et les biscuits de Reims, qui étaient de rigueur, attendaient le visiteur. Chaque jour, M. Paquet se rendait à Metz, où il déjeunait souvent en quelque maison amie, puis il reprenait la route de Woippy avant la nuit. Dès que le jour tombait, on n'entrait plus ; si fort qu'on pût ébranler les vantaux : la maison était sourde. Pourtant, la haute taille de M. Paquet se voûtait sous l'ample pèlerine, sa démarche un peu sautillante se faisait plus hésitante. La mort de M. Arthur Chuquet, son ancien condisciple au Lycée de Metz et son fidèle ami, l'avait beaucoup frappé. A Paris où il passait le plus fort de l'hiver, il avait pu recueillir quelques-uns des témoignages flatteurs qui saluaient son œuvre si longtemps caressée. L'Académie des Inscriptions lui décerna le prix Prost. Ce fut sa dernière joie et sa suprême fierté. A peu de jours de là, il mourait le 30 avril, victime, dit-on, d'un banal accident de la rue.
Grand travailleur et bon Français, René Paquet rappelle les infatigables et les modestes artisans de la famille bénédictine ; il a bien mérité de la petite et de la grande patrie. Ce n'était point seulement une silhouette originale, mais un bon mainteneur de l'idée française et un beau type d'érudit provincial. Aussi ceux qui l'ont connu ne pourront évoquer sans émotion son inlassable labeur, sa probité scientifique et son exquise courtoisie.

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