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  Dernière mise à jour : 9 juillet 2010

La Fraise à Woippy
( Articles de presse )
1919 - 1929

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Mardi 3 juin 1919
Commerce des fraises.
Une question fort intéressante pour nos cultivateurs de fraises est désormais résolue.
Des wagons seront à leur disposition en gare de Woippy pour assurer le transport des produits provenant de la région de Woippy. Messieurs les maires intéressés ont reçu de l’administration, des instructions concernant les démarches à faire avec le service des chemins de fer. En outre, les débouchés sont assurés, en particulier avec Paris où la maison Ducugis prendra des livraison en gros, payables comptant aux cultivateurs de la région de Woippy.
Autorisation d'exportation vers la Sarre a été également obtenue, mais il reste bien entendu que la région parisienne devra toujours avoir la préférence. Nos Parisiens feront certainement bon accueil aux produits si goûtés de notre Lorraine retrouvée.
Le résultat si heureux que nous venons de mentionner fait le plus grand honneur à l’activité de notre président du Comice agricole, le capitaine Quinchez, administrateur de Metz-campagne, et à M. Grand, le nouveau directeur des services agricoles de la Préfecture. (LL)

Samedi 7 juin 1919
On annonce que la récolte de fraises ne sera pas mauvaise cette année, mais n'égalera pas celles d'avant guerre. La pluie de ces derniers jours a un peu fait tourner les pronostics à l'optimisme. (LM)

Jeudi 19 juin 1919
Les fraises. La récolte des fraises n'est pas aussi abondante qu'on aurait pu l'espérer ; les paniers faisant défaut, l'administration en a procuré une certaine quantité qui sont en vente à la mairie de Woippy.
La livre de fraises se vend à Metz 1 fr. 30. (LL)

Samedi 30 août 1919
Il faut créer la petite industrie en Lorraine.
Les fraises de Woippy (près Metz) ont une réputation quasi européenne. Le soleil chaud de la vallée de la Moselle et son terroir spécial donnent à ce délicieux produit du sol un goût exquis qui le fait rechercher par tous les gourmets. Ce qu'on ignore, c'est que l'emballage nécessite des soins spéciaux pour la bonne conservation des fruits. On pourrait croire que ces emballages se trouvent sur place en Lorraine. Il n'en est rien. Cette année, la direction des services agricoles de Lorraine s'est vue de faire venir de Rastadt (Allemagne) les 400 000 cageots nécessaires aux expéditions de fraises. Cette dérogation s'imposait pour donner satisfaction aux producteurs qui, sans cette mesure, auraient été dans l'impossibilité d'alimenter leurs clients de Paris et d'ailleurs. Il faut espérer que nous verrons se monter dans la région messine une usine spéciale pour la fabrication des emballages de toutes sortes. Les efforts tentés par la compagnie P.L.M. pour développer et intensifier la fabrication des emballages destinés aux primeurs et fleurs du Midi pourraient être avantageusement appliqués ici et serviraient à la mise au point rapide de la question. Un exportateur. (LM)

Jeudi 27 mai 1920
L’octroi sur les fraises.
Nous allons entrer dans la période des fraises, ce fruit succulent des environs de Metz. La récolte promet d’être abondante. Les fraisières de Woippy, en particulier, sont en pleine floraison. Dans quelques jours, le primeurs feront leur apparition sur le marché de Metz. On sait -ou on ne sait pas- que les fraises sont soumises à un droit d’octroi de 5 fr. les 100 livres. Mais il s’agit de celles qui, récoltées en grande quantité, arrivent à Metz par cargaisons. Il reste à décider si les fraises des bois sont également atteintes par cette taxe. C’est sur ce point qu’a voulu être fixé un de nos concitoyens particulièrement scrupuleux sur ses obligations de contribuable. Ayant fait avant-hier une promenade champêtre au nord de Metz, il s’arrêta, au retour, près du bureau d’octroi à la frontière de Woippy et de Devant-les-Ponts ; puis avisant le préposé, il lui demanda du ton le plus sérieux du monde si les fraises payaient de l’octroi. Sur la réponse affirmative de l’employé municipal, qui lui indiqua le tarif, il sortit un gracieux bouquet de fraises des bois qu’il avait cueillies dans le bois de Plesnois :
Alors, lui dit-il, veuillez me dire ce que j’ai à verser pour ces fraises.
L’employé un peu interloqué, finit par sourire de la plaisanterie, mais promit d’ouvrir un compte courant au touriste pour la suite de la saison. (LL)

Mercredi 2 juin 1920
Les fraises. La saison des asperges touche à sa fin, mais une autre spécialité du Pays messin a fait son apparition sur le marché : les délicieuses fraises de Woippy. Vendredi elles étaient encore à des prix inabordables, 5 francs la livre, mais le lendemain déjà les plus belles ne coûtaient plus que 3 francs et les amateurs pouvaient en trouver d’autres, moins belles pour 1 fr. 75. c’est évidemment encore cher, espérons que la « vague de baisse » ne fera pas halte devant les fraises. (LL)

Mardi 8 juin 1920
La température s'est considérablement rafraîchie depuis le début juin. Cette absence de soleil ne favorise pas la maturité des fruits de la saison, fraises et cerises, dont les prix au marché et dans les magasins restent très élevés. On demande jusqu'à 2 francs pour la livre de cerises de qualité fort médiocre. (LL)

Samedi 12 juin 1920
Chronique scientifique. Les Fraises.
Il n’est pas de fruit plus répandu et plus apprécié que la fraise. Qu’on la cueille dans les bois de France ou que ce soit la Prelle de Meaux, l’Héricart de Thury ou la fraise de Lorraine, énorme, pansue et rose, orgueil des tables somptueuses, la fraise est estimée et recherchée à des titres divers.
La fraises des bois, petite et parfumée, savoureuse et délicate, satisfait le palais des gourmets par son arôme et son parfum agreste ; l’autre compense l’absence d finesse par la pulpe abondante de sa chair.
De tout temps les fraises ont été appréciées des gourmands les plus fameux. Héliogabale les dégustait au vin ; Vitellius les accommodait spécialement au falerne ; Néron les dégustait dans les bois où on les lui cueillait sur pied.
Suétone raconte que la femme de César, Poppée, n’acceptait à sa table que des fraises présentées sur un lit de roses et il raconte aussi que cette même Poppée, pour garder intacte son impériale beauté, prenait des bains de lait d’ânesse dans lequel on avait écrasé des pulpes de fraises.
On assure que Ninon de Lenclos dut son éternelle jeunesse à son cosmétique fait de fraises écrasées dont elle enduisait son visage.
Les fraises constituent avant tout un désert délicieux et elles apportent, sous la forme la plus agréable dans leur chair savoureuse et parfumées, le médicament spécifique contre ces lamentables délabrements de santé qu’est l’anémie, contre les trois fléaux de l’humanité qui sont : les douleurs, les rhumatismes, la goutte.
De tous les fruits acidulés, les fraises sont les plus …., elles contiennent en abondance de la soude, du fer, de la chaux et, pour cette raison, se recommandent particulièrement aux anémiques. Relativement pauvres en sucre, elle peuvent être absorbées par les diabétiques. Les dyspeptiques ne les digèrent que cuites à cause de la multitude de graines qu’elles contiennent.
Les cures de fraises, 300 à 500 grammes par jour, conviennent, dit le Glüber, aux pléthoriques, aux bileux, aux malades atteints de gravelle, de goutte, de rhumatismes.
Sydenbam, qui donna son nom au laudanum, parvint à se débarrasser d’une goutte qui le tenait impitoyablement cloué sur son fauteuil, en absorbant chaque jour un kilo de fraises. Deux chimistes distingués, Berzélius et Dulmas, se guérirent de la même affection avec des fraises des Alpes, et Linné guérit avec des fraises des bois.
Ces savants attribuaient les qualités de la fraise à la lithine qu’elle contient, mais il a été reconnu que la valeur thérapeutique de la fraise était due à sa richesse en produits salicylés, bien que l’action de la lithine ne soit point négligeable.
Les personnes qui ont subi les atteintes cruelles du rhumatisme, de la goutte ou des douleurs, savent que seuls, les produits salicylés ont calmé leurs tortures.
Or la nature maternelle a mis à leur portée, avec des fraises, sous une forme ultra comestible, tous les salicylates des pharmaciens.
De plus, la fraise est riche en phosphate, et le phosphate est reconstituant par excellence, c’est la vie, c’est l’énergie.
Dans sa pulpe fondante, la fraise a emmagasiné du phosphate organique qu’elle nous livre sous une forme assimilable active.
La lithine et les acides salicylés sont des produits de synthèse que la fraise fabrique dans sa croissance, indépendamment du terrain où elle croît ; mais les phosphates, elle les empruntent au sol et aux fumures qu’on ajoute pour faciliter sa surproduction.
La fraise cultivée doit donc être préférée par ceux qui désirent des phosphates, de l’énergie condensée ; la fraise des bois par ceux qui veulent combattre les rhumatismes et la goutte. M. DESCHAMPS. (LL)

Mercredi 16 juin 1920
Les fraises sur le marché.
Un producteur de fraises nous écrit ces réflexions :
Depuis que les fraises ont fait leur apparition sur le marché, il ne se passe pas un jour de marché sans qu'il y ait des discussions entre les producteurs et les revendeurs et les agents de police. Au fait, la question est assez délicate, les revendeurs, eux, trouvent que le prix des fraises est trop élevé, les producteurs au contraire prétendent que comme la récolte des fraises est minime cette année, il ne leur est, provisoirement, pas possible de diminuer les prix. De leur coté les agents de police veulent intervenir, mais quoi qu'on en dise, il n'y a pas de loi ou d'arrêté qui puisse régler ce différend d'une manière pratique, et alors les agents se trouvent souvent bien embarrassés.
En réalité on se demande qui est chargé de fixer les prix. « La commission pour la fixation des denrées alimentaires », pourraient répondre d'aucuns ! Il serait curieux de savoir si parmi les membres faisant partie de cette commission il y en a seulement un qui puisse avoir une notion de ce que les fraises coûtent aux producteurs avant de pouvoir être vendues. Pour fixer le prix du lard ou du savon, il est facile de prendre les prix courants comme base. Mais ici seul le producteur sait si la récolte sera abondante ou non, en plus il sait combien les fraises lui coûtent par les frais que la préparation de la récolte lui ont occasionnés. Ce sont justement ceux qui veulent que la fraise soit un aliment de luxe qui trouvent qu'elle coûte trop cher. Pourtant il est logique que ceux qui veulent se payer des fraises au vin blanc ou à la crème doivent en avoir les moyens. On dira peut-être qu'il faut que les prix soient abordables pour tout le monde, en réalité pourquoi l’ouvrier serait-il obligé de s'en priver ? Cela paraît très logique, mais alors il faudrait que le paysan, lui, puisse gagner au moins autant que l'ouvrier gagne de son côté, et alors il sera facile de fixer le prix des fraises, en comptant combien les fraises ont coûté au producteur avant de les apporter sur le marché.
Pour préparer une récolte de fraises, c'est toute une famille qui travaille et non pas seulement l’homme, comme chez la plupart des ouvriers, mais aussi la femme et la fille qui peinent toute une année avant que d'être rétribuées par une récolte qui, souvent, comme c’est le cas cette année, n'est pas aussi favorable qu’on pourrait l’espérer. Pendant toute l'année, il faut vivre et toujours dans la crainte que la gelée ou la grêle ne détruisent la récolte. Après avoir pioché pendant toute une année, la veille de la récolte il faut pailler les fraises, et avec une voiture de fumier, à 50 francs la voiture, il n'est pas possible de pailler un grand bout de terrain. C`est plusieurs centaines de francs qu'il faut pour pailler une récolte. Quand les fraises sont mûres, il reste un des plus durs travaux à effectuer ; on s’imagine volontiers que c'est un passe-temps agréable de cueillir des fraises, ceux qui le font par métier de 5 heures du matin à 9 heures du soir, sans arrêt, savent ce que c'est pénible de rester baissé en plein soleil toute une journée, non pas pendant 8 heures, mais rendant 16 heures, comme le disait près de moi ce matin un producteur de Plappeville à un mercanti qui prétendait que les paysans allaient faire fortune avec leurs fraises. Pour venir au marché, il faut faire trois, cinq et même dix kilomètres pour certains villages, payer l'octroi, 5 centimes par kilo (et recevoir une quittance boche), en plus la place du marché, tout cela avant d'avoir encaissé un centime. Les fraises vendues, avant que de pouvoir être payé il faut porter chez le revendeur qui lui ne les touchera que pour les vendre avec 30, 40 et même 50 centimes de bénéfice et rien ne l’empêchera de lire le journal en attendant les clients.
Aujourd’hui, la plupart des ouvriers gagnent vingt francs par jour (il va un peu fort le producteur ! Note du typo), ce qui fait plus de 6 000 francs par an. Or, par comparaison, pour deux personnes d’une famille qui préparent une récolte de fraises cela ferait 12 000 francs. Pour cette somme, à 1 franc seulement la livre, il faudrait 12 000 livres de fraises. Quels sont les producteurs qui récoltent cette quantité ? S’il devait s’en trouver, ceux-là certainement travaillent à plus de deux personnes et sont de plus obligés de prendre du personnel pour faire le travail.
Il est vrai aussi que, quand nous, producteurs, allons chez l’épicier ou le boucher, aux provisions, il ne faudrait pas que nous nous avisions d’avoir la prétention de faire baisser les prix ; nous nous ferions vivement mettre dehors.
En ville, on entend souvent dire : Oui, les paysans ne sont pas aussi bêtes qu’on veut bien le dire, mais au contraire, ils s’y entendent pour vendre cher. Certes, ils ne sont pas aussi bêtes que l’on pourrait croire et s’ils voulaient s’entendre un peu mieux, il y a beaucoup de chances que l’on n’essayerait plus de les exploiter ! Que l’on fasse la guerre aux intermédiaires et aux mercantis qui, eux, s’entendent à merveille pour faire de gros bénéfices, sans être beaucoup contrariés par la police et surtout travailler 16 heures par jour. Un producteur. (LL)

Mercredi 23 juin 1920
L'exportation des fraises en Allemagne.
Le Comité consultatif informe les producteurs et exportateurs que l’importation en Allemagne de fruits frais, secs et séchés, soumise jusqu’à présent à des restrictions, vient d’être rendue libre à l’exception de celle des fruits des pays méridionaux (Südfrüchte) des pêches, des pommes fines, poires fines (feines Tafelobst).
En vue d’éviter aux exportateurs lorrains le payement des droits de douane allemande (prélevés, comme on le sait, en or), le Comité rappelle que grâce aux dispositions des articles 68 et 268 du traité de Versailles, il délivre aux intéressés des certificats d’origine conférant aux envois l’entrée en franchise douanière. Ces certificats seront délivrés dans la limite des contingents attribués au Comité par le Commissariat général de la République. (LL)


Jeudi 19 mai 1921
Du pays de fraises.
Les fraises. D’un collaborateur.
« Il ne faut jamais pleurer avant d’être battu », dit un vieux proverbe. On peut le répéter encore cette fois. Que de fois, avant que la pluie tombât, avons-mous entendu les planteurs de fraises se plaindre et dire : « Il n’y aura pas de fraises cette année ! de mémoire d’hommes on n’a vu les fraisiers si vilains à cette époque ! etc, etc. » Or, il se trouve qu’aujourd’hui les plantations de fraises sont magnifiques : ce n’est que fleurs ! et ces fleurs ont très bonne mine et paraissent très vigoureuses. On peut assurer qu’elles donneront de très beaux et très bons fruits. Malgré cela les gens ne sont pas encore contents ; ils prétendent que leurs fraisiers ont un ennemi nouveau : un insecte qui coupe les fleurs, et qui fait par là de grands ravages. Amateurs de fraises, ne vous désolez pourtant pas à l’avance ! Malgré ce que les gens disent, vous verrez bientôt apparaître sur le marché des quantités de paniers de ce fruit qui fait vos délices ! Pour peu qu’il pleuve encore, la récolte des fraises sera non seulement bonne, mais même très bonne. On pourrait faire aux planteurs de fraises le même reproche qu’aux vignerons : celui de rechercher la quantité au détriment de la qualité. On néglige trop aujourd’hui les bonnes espèces pour ne cultiver que ce que j’appellerai les grosses races. Ainsi la « Laxion noble », qui donne un fruit si savoureux, si sucré, est de plus en plus négligée par nos planteurs. Ils lui préfèrent la « tomate », un très gros fruit qui n’a ni parfum, ni saveur. C’était bon du temps des Boches où on n’appréciait que ce qui était gros : les grosses fraise, les grosses poires, le grosses pommes ; il fallait du « kolossal » jusque dans la mangeaille. Mais ce temps-là devrait être passé ; on devrait plutôt faire attention à la finesse d’un fruit qu’à son volume. Nos planteurs disent que la culture de la fraise tomate est bien plus rémunératrice que celle de la « Laxion noble ». remarquez pourtant que la Laxion est une fraise printanière et que ce sont toujours le première fraises qui se vendent le plus cher ; par conséquent il doit y avoir du profit à la cultiver. La tomate, c’est possible, remplit plus vite les paniers, mais elle ne vient qu’en second lieu et par conséquent se vend beaucoup moins cher. En tout cas, si j’avais un conseil à donner aux gourmets, je leur dirais ce qu’on leur a si souvent répété pour le vin : « N’achetez pas ce qui vient des grosses espèces ! réservez toutes vos préférences pour ce qui vient des petites, dussiez-vous payer un peu plus cher ! » (LL)

Samedi 11 juin 1921
De la campagne.
Les fraises. D’un collaborateur.
« Le commerce des fraises va son train. Il pourrait l’aller encore longtemps si, dans notre pays de Metz, le ciel n’était pas d’airain, et d’un airain surchauffé. A la fraise, il faudrait un peu d’eau tous les jours, et ce qu’elle a à la place de l’eau, ces ont des chaleurs torrides qui brûlent la fleur, dessèchent les racines et « tournent » le fruit déjà mûr. S’il ne tombe pas bientôt quelques bonnes ondées, la cueillette sera vite finie, et la récolte de cette année aura été plus que médiocre, si on la compare à celle de l’an dernier.
La fraise qui a actuellement la préférence des producteurs et des consommateurs est la fraise-tomate. Qu’elle l’ait chez les producteurs, c’est très compréhensible, car de toutes les fraises, la tomate est la plus marchande : c’est un fruit énorme, qui a très belle apparence et qui remplit vite les paniers. Mais que cette fraise rencontre les mêmes sympathies chez les consommateurs, c’est inconcevable, car elle est loin, très loin d’avoir le même goût, le même parfum que les autres. C’est toujours la même erreur : on se figure que ce qui est gros doit être meilleur que ce qui est petit ! Là, comme dans d’autres cas plus graves, on se laisse tromper par les apparences.
Le prix des fraises à la campagne varie entre 1fr. et 1fr.50. On n’en peut guère trouver meilleur marché. Comme prix, ce n’est pas mal, surtout si on se rappelle qu’une année -il y a de cela quelque dix ans- où le temps avait été très pluvieux, elles se vendaient de 3 à 5 pfennigs la livre.
Amateurs de ce fruit si délicieux, ça vous fait venir l’eau à la bouche d’entendre cela ; hélas ! il vous faudra encore attendre longtemps avant de revoir ces prix-là ! » (LL)

Samedi 13 mai 1922
Au pays des fraises. (Corr. Part.). – La sécheresse persistante de l’an passé, après avoir grandement nui à la récolte des fraises, dont la plupart séchèrent avant d’avoir mûri, avait mis en péril quantité de plants. Le fraisier est en effet une plante dont les racines ne s’enfoncent jamais bien profondément en terre, et qui pour cette raison souffre rapidement du manque d’eau. Après une arrière-saison également très sèche survint un hiver rude, dont les froids prolongés ont achevé d’enlever aux malheureux fraisiers le peu de vie qui leur restait. Les cultivateurs de fraises espéraient toutefois que le retour des beaux jours, survenant après les abondantes pluies des mois derniers, parviendrait à ranimer la plus grande partie des plantes. Hélas, il n’en est rien, et il leur faut bien se rendre à l’évidence : à part les jeunes plantes, qui ont résisté, les trois quarts des fraisiers sont morts et bien morts. A une époque où les champs de fraisiers devraient montrer un ensemble de bouquets de boutons et même de fleurs, on remarque de longs vides dans les rangs, et par ci par là des plantes éparses, qui ont survécu. Si la récolte 1922 atteint le quart de la production normale, il ne faudra pas se plaindre, et forcément la fraise se maintiendra chère cette année. (LL)

Samedi 20 mai 1922
Du pays de Fêves
Les fraises. (Corr. part.) - L'autre jour, le Lorrain avait une correspondance de Woippy qui parlait des fraises, nous avons bien aussi notre petit mot à dire en toute simplicité !
Chacun sait que la culture de la fraise s'est répandue et se répand toujours plus dans les localités des environs de Metz. Là où, il y a quelque trente ans, vous voyiez des vignes, vous n'apercevez plus aujourd'hui que des champs de fraises. Autrefois, il y avait à Fêves un magnifique vignoble, aujourd'hui, ce vignoble n'existe plus. Le vin de Fêves jadis avait sa réputation ; c'était un petit vin couleur pelure d'oignon, avec un bouquet de framboise ; c'était tout ce qu'on pouvait trouver de plus délicat ; rien qu'à y penser, l'eau vous vient encore à la bouche. Aujourd'hui, ce bon petit vin de Fêves n'est plus qu'une légende, il n'existe plus !
Par contre, s'il n'y a plus de vin à Fêves, il y a des fraises. Ça change un peu l'aspect du pays, les champs de fraises ne donnent pas à nos coteaux le même cachet que le vignoble. Ça change aussi les occupations des gens, car il y a une fameuse différence entre cultiver la vigne et cultiver la fraise.
La culture de la vigne est, dirais-je, une culture supérieure, une culture qui exige du vigneron beaucoup plus de savoir-faire et de jugement que la culture de la fraise. En effet, ce n'est pas seulement la récolte de l'année qui doit être l'objet des soins du vigneron, mais encore celle des années suivantes. Pour cela il faut des soins plus intelligents et plus judicieux que pour la culture de la Fraise.
La culture de la vigne demande aussi des soins beaucoup plus assidus. C'est toute l'année que le vigneron doit s'occuper de sa vigne ; s'il a quelques moments de répit un peu avant et un peu après la vendange, ces moments sont très courts. Quand il fait la vendange, il y a des mois que la cueillette des fraises est finie.
La culture de la vigne exige encore des soins beaucoup plus délicats que la culture de la fraise. Tantôt il faut provigner, tantôt il faut soufrer, sulfater, il faut pour le moins un labourage et deux raclages ; il faut avoir constamment l'œil en éveil et voir si rien n'est en péril. La fraise demande des soins beaucoup moins délicats que ceux-là.
Nombreux sont les ennemis de la vigne, tellement nombreux que le vigneron s'est découragé et a fini par l'arracher. Beaucoup moins nombreux sont les ennemis de la fraise. Sans doute, elle gèle parfois l'hiver, ainsi que cette année, mais la vigne gèle aussi parfois ; sans doute encore, on signale différents insectes qui font une guerre acharnée aux boutons et aux fleurs de la fraise, mais qu'est-ce que cela en comparaison de toutes les maladies cryptogamiques qui font la guerre au raisin !
La culture de la vigne surtout est moins rémunératrice que la culture de la fraise, et c'est bien la grande raison pour laquelle nos vignerons n'en ont plus voulu. Pourtant n'est-ce pas bien plus distingué d'avoir à vendre un beau petit vin qu'un panier de fraises ? N'est-ce pas bien plus noble, en pays réputé bon vignoble jusqu'aujourd'hui, d'avoir à offrir à ses amis un bon clairet de son propre cru que de n'avoir à leur offrir qu'un très vulgaire pinard ? Je conseillerais donc à mes compatriotes de Fêves de ne pas trop multiplier leurs champs de fraises, mais de songer aussi à reconstituer leur vignoble.
Qu'ils replantent des vignes petit à petit ! Qu'ils achètent pour cela des plants greffés, je suis sûr que quand on saura qu'à Fêves on peut encore trouver le bon petit vin de jadis, les amateurs y courront, et que finalement la culture de la vigne redeviendra beaucoup plus lucrative que la culture de la fraise. (LL)

Lundi 12 juin 1922
Petites recettes pratiques
Contre les maladies des fraisiers
L'humidité des années pluvieuses donne aux fraisiers la rouille caractérisée par de petits trous qui apparaissent sur les feuilles qui se flétrissent et tombent. Ramasser toutes les feuilles à l'Automne et les brûler; au printemps suivant, sulfater les fraisiers tous les quinze jours, tant qu'ils ne portent pas de fruits mûrs.
La sécheresse provoque la grise, due à un petit insecte. Les feuilles sont jaunâtres en dessus, recouverte en dessous d’une toile grisâtre. Arroser fréquemment: bassiner au besoin avec de l’eau contenant 1 kilogramme de savon noir et 2 litres de nicotine pour 100 litres d’eau.
Les fruits sont quelquefois mangés par le mille-pieds ou iule du fraisier. On dispose sur la planche de petits tas de feuilles de laitue, les mille-pieds s’y réfugient, on les détruit le matin.
Au printemps, les fraisiers portent quelquefois de petits amas d'écume semblable à de la salive, cette bave est sécrétée par une larve, l’aphrophore écumeux, il suffit d’enlever cette écume dont la fonction dont la fonction consiste à empêcher la larve de se dessécher au soleil. (LL)

Vendredi 3 août 1923
ENVIRONS DE METZ
Etat de la campagne. La cueillette des fraise est terminée depuis longtemps ; elle fut cette année excessivement abondante. Elle dura aussi plus longtemps que de coutume. Le temps fort et humide qu'il a fait pendant tout le mois de juin a maintenu les fraisiers dans un état de grande vigueur et a été une des principales causes de l'abondance de la récolte. La cueillette n'a cessé que quand les grandes chaleurs sont arrivées. Malgré leur abondance, les fraises se sont vendues à un prix très rémunérateur. Les producteurs qui ont apporté les leurs à Metz, les ont presque toutes vendues au-dessus de 1 fr.; au début, ils les ont même vendues 2 fr. et 2,50 fr. Dans les localités où on ne fait guère que le gros, elles se sont presque toujours maintenues à 0,80 fr. La recette faite par la vente de ces baies si recherchées a été magnifique. Dans certains villages où la culture de la fraise n'est qu'un accessoire, il est certainement entré plus de 150 000 fr. Que dire des localités où cette culture est une spécialité?
De la vente des fraises, cette année, on peut tirer les leçons suivantes :
1° Ne plantez plus Mme Moutot (la fraise tomate). C'est une grosse fraise et une belle fraise, mais sans saveur. Du temps des Allemands, où on aimait tout ce qui est « Kolossal », elle était très recherchée ; le client français, qui est bien plus fin, n'en veut plus. Quand les paysans arrivaient au marché avec leurs paniers, beaucoup de clients leur demandaient : « Sont-ce des tomates? » Si c'était « oui », ils s'en allaient.
2° Ne plantez pas trop de fraises tardives. Au début de la saison, les fraises se vendent toujours mieux qu'à la fin. De plus, si vous plantez trop de fraises tardives, vous risquez d'être pris par la sécheresse et les grandes chaleurs, qui sont la mort des fraises. Tâchez d'apporter vos produits le plus tôt possible sur le marché, vous les vendrez toujours bien.
Bientôt commencera la récolte des mirabelles ; elle aussi promet d'être très belle. En effet, les mirabelles abondent cette année dans à peu près tous les environs de Metz. La pluie qui est tombée ces jours-ci leur a fait beaucoup de bien. Elles ont tellement grossi que les branches plient et qu'il faut leur donner des tuteurs pour qu'elles ne cassent point. Dans une dizaine de jours la récolte commencera. Les autres fruits à noyau (maranges, hollerosses, quetsches, etc.), sont aussi très abondants. Pour les fruits à pépins, il y a lieu de distinguer entre poires et pommes. Les poiriers ont peu de fruits, les pommiers, au contraire, en ont tout plein.
Il y a un gros point noir pour les villages situés sur les coteaux des environs de Metz : c'est la vigne. Cette année elle ne donnera presque rien. Le mois de juin lui a été fatal. Les gelées d'avril et de mai avaient encore laissé pas mal de raisins, mais le froid de juin a occasionné un arrêt presque complet de sève : le manque de nourriture a rendu le raisin chétif et malingre ; beaucoup sont tombés ; il y en a qui tombent encore tous les jours. Pour ceux qui ont voulu fleurir pendant le froid, comme c'est le cas pour les hybrides, il est arrivé ce qui devait arriver, c’est-à-dire qu’ils ont coulé. Les vignerons estiment que si ça va bien, ils pourront tout de même faire un quart on un cinquième de récolte. Pour le quart d'heure, les vignes sont bien vertes ; on signale l'apparition de l'oïdium ; on dit que dans certaines vignes tous les raisins sont déjà gris.
Pauvre vigneron, il n'a tout de même pas de chance ! (LL)

Samedi 15 septembre 1923
Soignez vos fraisiers en septembre.
On sait l'importance de plus en plus grande que prend la culture du fraisier en Lorraine, et notamment dans les environs de Metz.
Beaucoup de cultivateurs croient que quand la récolte est faite, le fraisier ne réclame plus que des soins de propreté pour le bon aspect de la plantation. C'est une erreur, car si l'on veut que les plantes donnent encore une bonne récolte l'année suivante, elles doivent recevoir les meilleurs soins, non pas seulement de propreté, mais aussi et surtout d'engrais, de labour et d'arrosement. On doit faire en sorte que les plantes reprennent une bonne végétation et développent de nombreuses belles et larges feuilles ; elles fourniront à la souche une riche provision de sève élaborée pour les premiers besoins de la végétation future, et la mettront à même de donner de nombreuses tiges florales.
Que faut-il faire pour qu'il en soit ainsi ?
D'abord, supprimer soigneusement tous les coulants à mesure qu'ils apparaissent, car le "stolonage" est la multiplication naturelle des fraisiers, et les plantes y dépensent leur principale force quand on laisse agir la nature. Il faut aussi donner plusieurs arrosements à l'engrais liquide, sinon les remplacer par des engrais chimiques ou du fumier bien décomposé qu'on enfuit légèrement en terre. On a soin également de toujours tenir la terre meuble par des binages et de ne jamais laisser trop souffrir les plantes par une sécheresse prolongée.
En procédant comme nous venons de le dire plus haut, les fraisiers vont se remettre en végétation, se couvrir de belles feuilles et la récolte de l'année suivante est assurée. (LL)

Vendredi 28 décembre 1923
LES TRANSPORTS DE FRUITS DU PAYS MESSIN
Donnant suite à une suggestion d'un groupe de négociants de fruits en gros, la Chambre de commerce de Metz avait pris l'initiative de convoquer une réunion dans laquelle les intéressés, c'est-à-dire les producteurs, les commerçants et l'administration des chemins de fer pourraient examiner les mesures à prendre en vue de la prochaine campagne de fraises qui intéresse une grande partie du pays messin. Cette réunion a eu lieu le 20 décembre, à la Chambre de commerce. Parmi les assistants, on remarquait en particulier : MM. de Bertier, sénateur de la Moselle, Grand, directeur des services de l'Agriculture de la Moselle, Jouin, président du Comice agricole de Metz, les maires des communes de la région de Woippy, des négociants en fruits et primeurs en gros de la région de Metz, le Bouder, inspecteur divisionnaire aux services commerciaux des chemins de fer d'Alsace et de Lorraine, un représentant de la Chambre de commerce, etc.
M. le Bouder a exposé qu'à l'exemple des réseaux du P.L.M. et du P. O., qui se sont efforcés de développer, par les initiatives les plus diverses, les débouchés agricoles de leur région, les Chemins de fer d'Alsace et de Lorraine avaient entrepris une étude d'ensemble sur les débouchés de la production fruitière de la Lorraine et de l'Alsace.
Cette enquête a montré qu'en raison de la richesse et de la variété de la production, la situation actuelle était pleine de promesses, à la condition d'en tirer le rendement maximum, en augmentant le nombre de débouchés. Le réseau d'Alsace et de Lorraine comptait organiser, à ce point de vue, au printemps 1924 une mission à Londres pour que nos producteurs puissent se rendre compte des ressources que ce marché mondial est susceptible d'offrir à nos régions.
Mais il n'est pas moins nécessaire également de mettre fin à des errements fâcheux susceptibles de compromettre l'essor de nos débouchés, errements dont M. de Bouder avait déjà eu l'occasion de s'entretenir avec les cultivateurs des fraises de la région de Woippy, et auxquels la présente réunion devait chercher un remède.
Il s'agit de la question des emballages.
L'on peut dire que dans tout le reste de la France la question des emballages a été étudiée de très près et résolue de la manière la plus satisfaisante. Le producteur a fini par reconnaître l'intérêt que présentait pour fui un emballage judicieusement choisi, offrant de bonnes garanties pendant le transport, présentant la marchandise sous une forme attrayante et pratique sur le marché étranger, où l'on est très exigeant à ce sujet, évitant enfin le minimum d'intermédiaires entre le producteur et le marché consommateur, puisqu'une marchandise bien emballée et triée au départ n'a pas besoin de supporter ces opérations en cours de route. La vulgarisation de bons emballages a incontestablement eu pour résultat des prix de vente beaucoup plus rémunérateurs pour le producteur.
Il n'en est pas de même, en général, dans les trois départements recouvrés, où le producteur utilise des emballages des plus sommaires ne se prêtant pas plus à un bon arrimage dans le wagon qu'à une manutention pratique dans les marchés, et à une bonne présentation de la marchandise à l'acheteur.
Les fraises, par exemple, sont transportées dans de simples paniers découverts. Elles ne peuvent faire, dans ces conditions, que des parcours peu importants et atteindre seulement les marchés régionaux. Elles sont incapables de prendre la place qui leur reviendrait sur les grands marchés comme ceux de Paris ou de Londres, où l'on exige des emballages d'une manutention commode et d'une présentation attrayante.
Ce mode de procéder a en même temps les plus grands inconvénients pour le chemin de fer. Alors qu'avec un bon emballage on peut réaliser facilement des chargements de 5000 kilos dans un wagon, les paniers actuellement employés ne permettent de charger que 800 à 1200 kilos, d'où un gaspillage de matériel roulant au détriment de l'intérêt général. Le réseau d'Alsace et de Lorraine a pratiqué jusqu'à présent la plus large tolérance dans l'application des nouveaux tarifs qui, à juste titre, exigent des emballages appropriés, mais il est bien évident que ces errements ne peuvent indéfiniment se prolonger, aussi bien dans l'intérêt des producteurs que des transporteurs. Il conviendrait que pour la prochaine campagne, l'on adopte des emballages méritant véritablement ce nom.
M. le Bouder a complété son excellent exposé en présentant un certain nombre de types d'emballages couramment employés au départ des différents centres français de production pour les transports de fraises où ils donnent d'excellents résultats, avec indication de leur prix de revient. La liste des principaux fabricants sera envoyée à la Chambre de commerce de Metz, qui la tiendra à la disposition des intéressés.
Un échange de vues très intéressant a eu lieu entre les producteurs et commerçants.
Les producteurs de la région de Metz ont été vivement intéressés par ces explications et se sont déclarés tout disposés à examiner les suggestions qui venaient de leur être présentées. Une autre réunion aura lieu à la Chambre de commerce de Metz dans les premiers jours de janvier pour mettre au point la question.
Au cours de la conférence, il a été parlé de la rapidité des transports qui intervient à un haut point dans la recherche et dans la conservation des débouchés des denrées périssables, surtout pour les débouchés relativement éloignés. M. le Bouder a donné l'assurance que cette question était suivie avec le plus grand soin. Nous avons appris ultérieurement que les Chemins de fer d'Alsace et de Lorraine envisageaient et avaient proposé aux réseaux de l'Est et du Nord la création d'un train direct de voyageurs Strasbourg-Calais-Boulogne et vice-versa via Metz, Thionville, Charleville, Lille, accessible également aux transports de grande vitesse et notamment des denrées périssables, qui donnera à nos centres lorrains, pour atteindre les ports du Nord et d'Angleterre, par toutes voies françaises, des facilités analogues à celles qu'ils ont actuellement par la route de Luxembourg-Ostende. On ne peut que souhaiter voir se réaliser le plus tôt possible une mesure aussi favorable à la nouvelle orientation économique de nos régions. En attendant, il faut savoir gré à l'administration des Chemins de fer d'Alsace et de Lorraine, et en particulier aussi à M. le Bouder, des efforts entrepris pour favoriser la vente des fraises du Pays messin. (LL) (même article dans le Télégramme de l’Est du Samedi 29 décembre 1923)

Mercredi 28 mai 1824
On va cueillir la fraise…
Le temps n’est pas encore tout à fait venu de savourer les fruits qui ont fait la réputation de Woippy. Mais il reviendra, le temps des fraises – et en attendant, nous avons vu hier matin passer dans la rue des Clercs une voiture chargée d’une montagne de paniers à fraises qui atteignait les fenêtres des premiers étages. (LL)

Mardi 24 juin 1924
Les fraises. Si le temps ne se met pas à la pluie, la campagne des fraises touchera à sa fin dans la huitaine. Déjà les fruits sont moins gros que la semaine dernière. Que nos ménagères qui n'ont pas encore fait leurs achats pour la préparation de la confiture se le disent. Le prix en gros a été hier de 85 centimes pris aux champs. On ne peut se faire une idée des quantités de fraises achetées pour le compte des « pauvres » Allemands d'outre-Rhin. Le transport des wagons de fraises nécessite un service spécial de la part des chemins de fer. (LL)

Samedi 28 juin 1924
Les fruits. Nous sommes entrés dans la période des fruits : la récolte des fraises sera bientôt terminée, celles des cerises bat son plein. Ces dernières sont très abondantes cette année, on en a rarement vu autant. Malgré cela, leur prix reste assez élevé : pour en avoir de belles, il faut mettre plus d’un franc la livre. Où est le temps où elles de vendaient cinq pfennigs ? Où est le temps plus ancien encore où, à la campagne, pour un peu de ferraille ou de vieux chiffons, ou de vieilles savates, vous en aviez presque autant que vous vouliez ? Ces temps-là, on les a vus, mais on ne les reverra plus.
Les autres fruits à noyau, tels que prunes, sont beaucoup moins abondants. En général, il n’y a pas beaucoup de mirabelles dans les environs de Metz. On dit qu’il y a des régions où elles abondent, mais ce n’est pas par ici. Du reste, il est rare que les mirabelles donnent une récolte abondante deux années de suite.
Les fruits à pépins n’ont pas répondu aux espérances qu’ils avaient données à la floraison. On se souvient que les poiriers surtout ont fleuri d’une façon merveilleuse ; les espaliers étaient magnifiques à voir : rien que des fleurs. La très grande partie de ces fleurs a tombé, de sorte que les vieux arbres surtout, qui avaient le mieux fleuri, ont en réalité peu de fruits. Pourtant on peut dire qu’il y aura encore pas mal de poires cette année. Il n’y aura, par contre, pas beaucoup de pommes. Il y a des pommiers qui ont pourtant assez bien fleuri, mais en général ils n’ont pas conservé leurs fleurs. Dans certaines contrées, le pommiers qui sont le long des routes paraissent bien chargés. Là où on a pris la peine de les écheniller, il y aura une belle récolte ; là où on ne s’est pas donné ce mal, il n’y aura pas grand chose.
Somme toute, il y aura des fruits cette année, mais pas en très grande abondance. (LL)

Mercredi 29 avril 1925
Les expéditions de fruits du Pays messin vers le département du Nord.
... M. Le Bouder a ensuite pris la parole et a exposé rapidement le but recherché, qui est la création de débouchés nouveaux pour les fraises de Woippy et en général pour tous les fruits récoltés en abondance en Alsace et en Lorraine. En citant quelques chiffres, M. Le Bouder a démontré l'importance des cultures fruitières dans nos régions. La Moselle, à elle seule, compte en effet près de deux millions d'arbres fruitiers, soit 40% de la totalité des trois départements désannexés. Les cultures de fraises du département couvrent 550 hectares.
On a abordé ensuite la question de l'acheminement rapide des fruits et après un travail de quelques instants, les représentants des trois réseaux de chemin de fer intéressés sont tombés d'accord pour annoncer qu'ils allaient mettre immédiatement à l'étude le projet d'un nouveau train qui circulerait entre Metz et Boulogne... (LL)

Samedi 6 juin 1925
On nous écrit de Jouy-aux-Arches :
Ce fruit, aussi délicieux que de bon rapport va commencer à mûrir. Comme ailleurs, on prévoit une bonne récolte ici.
Tandis qu'à Ars et Ancy la fraise est à peine cultivée, Jouy et Vaux, puis Novéant et Corny même, ont essayé cette culture, d'autant plus intéressante qu'elle apporte un gain appréciable dès la mi-juin.
C'est en 1910 qu'apparurent à Jouy les premières plantations. Ici comme ailleurs, l'exemple fut "contagieux", et maintenant on peut compter plus de dix anciens vignerons possédant de 20 à 30 ares de fraisières en plein rapport. La Laxton, si appréciée à Woippy, est rare ici ; la Sir Harry, si recherchée par les marchands, dépassera prochainement la Tomate (Madame Moutot), moins facilement transportable.
Malgré l'abondance de ce fruit, on escompte une bonne campagne cette année. Car deux circonstances conditionneront favorablement la vente. A Jouy, comme ailleurs, les fruits suivant la fraise : cerises, mirabelles, quetsches, pêches et poires, voire pommes, sont rares. Donc, les fabriques de conserves seront obligées de se rattraper sur la fraise.
D'autre part, la Sarre restera le grand consommateur et acheteur, d'autant plus que le mark, vu la baisse de franc, a une puissance d'achat supérieure à celle de 1924. On dit aussi que la fraise entrera sans droit outre-Rhin et que même de Belgique arriveront certaines commandes.
La cueillette en grand de la fraise, qui commencera vers mardi prochain, dure au moins trois semaines.
Voici la ligne des prix de 1924 : Au début, 2 fr. à 1 fr. 80 la livre ; après 15 jours de forte vente, la livre tombe à 0 fr. 80 et même à 0 fr. 50 (24 heures), puis, après une réaction contre les marchands, le prix remonte à 1 fr. et même 1 fr. 20.
Sans trahir de secret, on peut escompter un rapport brut de 2 500 fr. pour 20 à 25 ares en pleine force.
Déjà quatre marchands sont annoncés à Jouy, la plupart enlèvent la fraise en auto et la dirige sur Metz, mais une quantité s'en va aussi déjà vers Nancy.
Lorsque, témoin attentif et indépendant, l'on observe le trafic de la fraise au point de vue de l'avantage du producteur, on est frappé par le fait suivant : Lorsqu'il y a baisse subite de prix, provoquée par l'accord des acheteurs et revendeurs, cette baisse est la résultante de l'ignorance où se trouvent nos braves gens concernant le prix officiel. Et par prix officiel nous entendons celui qui est fixé tous les jours à Woippy par le Syndicat des planteurs de fraises.
Un accord entre les principaux producteurs permettrait, grâce à une faible cotisation, de demander téléphoniquement le prix du jour à Woippy.
C'est là l'un des grands services que rend deux Syndicats agricoles de l'Union Mosellane, le Bulletin indiquant les prix des denrées et objets que nos cultivateurs ont à vendre ou à acheter. (LL)

Samedi 13 juin 1925
Nous apprenons avec plaisir que la BANQUE POPULAIRE DE METZ, dont le siège est à Metz, 8, rue Paul Déroulède, a ouvert un bureau qui fonctionnera pendant toute la saison des fraises. Ce bureau se trouve au Restaurant Henri Wagner. (LL)

Mardi 22 septembre 1925
LA CULTURE DES FRAISES AU PAYS MESSIN.

Samedi, dans une des salles de la Préfecture, sous la présidence de M. Manceron, a eu lieu une réunion provoquée par le Syndicat des producteurs de fraises. Y assistaient : MM. Jules Gouin, président du groupement des Comices ; de Bertier, sénateur ; Moncelle et Sérot, députés ; Bertrand, conseiller général de Metz-Campagne.
La question principale portait sur les difficultés qui, tous les ans, apportent aux producteurs de fraises du pays messin, des pertes et des retards dans leurs livraisons. On y étudia la question des emballages, l’expédition rapide des wagons, l’aération de ses derniers, etc.
Les compagnies des chemins de fer d’A. L. et de l’Est y étaient représentées, ainsi que le Syndicat des producteurs de fraises, ayant à sa tête M. Mangenot, maire de Woippy.
Après un échange de vues des plus intéressants, il fut décidé de porter dans huit jours la question devant le Conseil général de la Moselle, sous forme d’un vœu qui, il faut l’espérer, sera couronné de succès. (LM)

Mardi 5 janvier 1926
La réunion d'Ancy-sur-Moselle (pour vivre de la terre du Pays messin) (Extrait)
"Pour sauver la Terre et les Terriens"
... 2° La fraise. Elle a été ces dernières années d'un bon rapport, mais sa culture s'étend très rapidement même dans les grosses terres de la Seille et l'on plante aussi de l'autre côté de la frontière, en sorte que le problème du débouché se pose d'autant plus qu'à l'intérieur il ne faut pas compter trouver les prix actuellement pratiqués ; cette année, les fraises se vendaient plus chères en gros à Woippy qu'au détail à Paris, et des courtiers parisiens qui avaient amené à Woippy leur matériel d'emballage ont préféré pourtant ne pas acheter. (LL)

Mardi 9 mars 1926
Vendredi dernier aux Halles à Paris, les premières fraises ont fait leur apparition. Elles n'étaient pas à la portée de toutes les bourses : le tout petit panier coûtait 5 f. Les restaurateurs chics qui les ont achetées le revendront 15 fr. pièce ! (LL)

Samedi 24 avril 1926
L'emballage et les expéditions de fraises de Woippy.
En réponse à une démarche personnelle faite par M. le comte de Bertier, sénateur, le ministre des Travaux publics lui a adressé la lettre ci-dessous relative aux conditions d'expédition et au mode d'emballage des fraises de la région de Woippy.
Cette réponse ne manquera certainement pas d'intéresser bon nombre de nos lecteurs:
Paris le 18 avril 1926.
Monsieur le Sénateur et cher Collègue
Comme suite à ma dépêche du 25 novembre 1925, relative au vœu que vous avez bien voulu me signaler, émis par le Conseil Général de la Moselle, au sujet des conditions d'expédition et du mode d'emballage des fraises de la région de Woippy, j'ai l'honneur de vous faire connaître qu'à mon instigation et en raison de l'approche de la cueillette prochaine, le réseau d'Alsace et de Lorraine consentira encore, pour l'année 1926, à accepter les envois dont il s'agit, comme les années précédentes et aux mêmes conditions, pour tout le trafic intérieur de ce réseau, ainsi que pour le trafic international n'empruntant que des parcours d'AL.
Pour les années suivantes, les expéditions de la région de Woippy devront se pourvoir d'emballages permettant l'empilage, comme cela se pratique sans le moindre inconvénient sur les autres grands réseaux. Il est entendu d'ailleurs que pour les expéditions de fraises effectuées aux conditions du tarif GV 303 (exportations), les expéditeurs ont la faculté de remettre leurs envois en wagons des réseaux, aménagés aux frais et par les soins des expéditeurs, avec étagères et caches démontables.
Veuillez agréer, M. le Sénateur, etc...
Le Ministre de Travaux Publics. Signé De Monzié. (LM)

Jeudi 13 et Vendredi 14 mai 1926
Les gelées de lundi matin ont compromis les récoltes... (LL)

Samedi 29 mai 1926
Les fraises.
La cueillette des fraises a commencé. La récolte ne sera pas des meilleures, la floraison ayant souffert des gelées, mais surtout des pluies torrentielles des 16 et 17 mai. Tout n'est cependant pas perdu. Les producteurs désirent voir venir maintenant le bon soleil pour faire mûrir ce qui reste, et les Sarrois! pour acheter, alors on se tirerait encore d'affaire. Pour les premiers jours de la récolte, le rendement a été faible, mais le prix plutôt fort ; les paniers ont été enlevés à 5 fr. et 5 fr. 50 la livre.
On se demande ce qu'il restera pour les Messins. (LL)

Dimanche 30 mai 1926
La Banque Nationale de Crédit ( succursale de Metz) ouvrira, comme l'an dernier, un bureau à Woippy, pendant la saison des fraises du 1er juin au 15 juillet.
Ce bureau sera installé chez Madame Kieffer, 21, rue de l'Eglise. Toutes opérations de banque, changes et titres. (LM)

Vendredi 4 juin 1926
Les fraises de pays.
La récolte des fraises - et d'abord la maturation de ces fruits - est fort contrariée par les temps froids qui sévissent actuellement. Ce qui explique les prix offerts par des intermédiaires à la production: quatre francs la livre à Novéant, par exemple.
La situation, même dans le midi, où l'on produit la fraise, n'est d'ailleurs pas plus brillante. Notre confrère "L'Express du Midi" publiait hier l'information suivante : La récolte des fraises en Gironde est très inférieure à celle des années précédentes. On estime que la production 1926 ne dépassera pas la moitié d'une année normale. (LL)

Mardi 15 juin 1926
La réponse des Producteurs.
Un autre son de cloche de Woippy.
Du syndicat des Producteurs de fraises :
Depuis un certain temps déjà, différents journaux de Metz et des villes voisines se sont émus des prix atteints par les denrées alimentaires en Moselle, et recherchent les causes de l'élévation de ces prix qu'ils affirment spéciaux à notre département, crurent avoir trouvé les deux grands responsables et probablement les seuls, puisqu'ils n'en désignaient pas d'autres : l'exportation en général, et plus spécialement la Sarre.
Des statistiques ont été dressées, des arguments ont été produits tendant à réduire les exportations, si ce n'est presque à fermer les frontières. Puis sont intervenus la Chambre syndicale des fabriques de conserves et confituriers de l'Est et le Syndicat des liquoristes d'Alsace et de Lorraine. Dans la campagne engagée, successivement les bataillons entrent en ligne.
Parfois les faits ont été présentés de telle façon que si le producteur n'est pas nommé, c'est souvent lui que l'on vise et même lorsqu'on ne le vise pas, c'est lui au demeurant et lui seul qui serait la victime.
Déjà le Syndicat des maraîchers de la Moselle a élevé la voix. Que l'on veuille bien à notre tour nous permettre de faire entendre la nôtre. Aussi bien nous y aura-t-on contraints. Trop d'erreurs ont été écrites ; le producteur est trop gravement menacé, peu à peu nous arrivent les doléances venant de la périphérie, nous remercions ceux qui nous les transmettent, leurs intérêts sont les nôtres et nous les prenons en main.
Que n'a-t-on pas écrit ?
Les prix pratiqués dans notre département en sont-ils le triste apanage ? Sont-ils, comme l'affirme un article en langue allemande, de 300% plus élevés que les prix correspondants à Paris ? La livre de fraises se tient-elle à 6 francs, la culture en grand de ce fruit donne-t-elle, même en bonnes années, un revenu à l'are qui puisse atteindre mille francs et davantage ? Tout cela on l'a écrit, soit à Metz, soit à Nancy.
Ces points que nous reprenons, très nettement, nous allons les réfuter, confiants que la presse, quelle qu'elle soit, qui a déjà publié ou inséré des articles sur la question, voudra bien, en toute objectivité, agréer aussi notre réponse. D'avance nous l'en remercions.
Au cours de l'une de nos visites aux Halles centrales de la capitale faite le mois dernier, vers la mi-mai, nous avons pu constater - et nous demandons au Syndicat des maraîchers, sur les attributions duquel nous ne voulons pas empiéter, de nous permettre de confirmer sa récente réponse - que le cours des asperges était alors aux abords de 3 F. 50 la livre ; la portion de 6 à 8 asperges moyennes servies dans les "bouillons" modestes coûtait 2 F. à 2 F. 50 ; le 30 mai la portion d'une dizaine d'asperges coûtait de 4 à 8 F. dans les "bouillons' de catégorie supérieure. A Metz vers le 20 mai le cours des asperges variait de 3 à 3 F. 50 la livre. Nous n'avons pas choisi les dates, ce sont celles où nous avons pris nos informations.
Quant aux fraises, ce serait être gravement coupable en la circonstance que de vouloir présenter des prix de début de récolte comme s'ils devaient durer toujours et alors que le cours au centre de production de Woippy et qui fut de 3 F. 50 la livre le 28 mai, premier jour de récolte, alors qu'il n'y avait presque rien, devenait 3 F. les 3 et 4 juin, pour tomber à 2 F. à partir du 9 juin.
S'il est des intermédiaires qui abusent, nous ne saurions être tenus responsables. De toute façon, "les primeurs" ne sont pas à la portée de toutes les bourses en aucun pays, en aucune région. Mais disons que les cours aux Halles centrales le 28 mai variaient de 900 à 1200 F. les 100 kg selon la qualité.
Sur les asperges comme sur les fraises, nous le demandons : où donc est la hausse de 300% sur Paris ?
Nous ajoutons que nous étant renseignés sur place il y a 3 semaines, aux portes de la Tourraine, en Berry et en Anjou, nous avons pu constater que certains prix, en particulier celui des asperges (la fraise ne produisait pas encore en Moselle), n'étaient en rien inférieurs, parfois même supérieurs à ceux de Paris ou de Metz. Et cependant, nous étions en plein centre du pays dans "le jardin de la France" et loin de la Sarre !
Des chiffres pourraient être cités pour le lait et aboutissant aux mêmes conclusions.
Dans ces conditions, qui trompe-t-on ? A quel mobile obéit-on ? Nous objectera-t-on que l'on fut induit en erreur ?
En toute loyauté alors, une mise au point s'impose. Nous l'attendons.
Ceux qui en portent la responsabilité, songent-ils à celle qu'ils encourent devant le pays en lançant inconsidérément des nouvelles alarmistes dénuées de tout fondement et qui ne peuvent que surexciter les masses inexactement renseignées ? Au profit de qui ? Dans quel but ?
Que de tristesse ! Et faut-il encore accumuler les preuves ? Mais pour nous dérider un instant, n'oublions pas le rendement de 1 000 F. à l'are et qui serait même parfois dépassé !! Ou plutôt, passons et laissons cette histoire comme nous laissons la fameuse sardine de Marseille boucher l'entre de son port. Juste ciel ! Que vont devenir les canards d'Amérique, si de Nancy, allégrement déployant ses ailes, s'en envole de tel. Et disons pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, qu'une administration de l'Etat ayant eu à exproprier pour utilité publique en 1923 différents producteurs de fraises, d'excellents terrains situés en bordure de route, à proximité du centre de Woippy, et récemment plantés de fraisiers en plein rapport, leur donna pour indemnité de résiliation de 6 années de récolte restant à faire sur leur bail, une somme une fois payée de 1 200 à 1 300 F. par lot de 16 ares complantés de fraisiers.
Et lorsqu'on a insisté sur les ventes hors frontières, la présence de la douane, celle des banques, ah ! que de déductions inexactes ont dû se presser dans l'esprit de beaucoup. Hélas !
Se doutait-on alors que tandis que Paris nous demandait avec insistance - la lettre est entre nos mains - de la fraise dont le cours était alors de 900 à 1 200 francs les 100 kg, prix dans lequel l'exportateur ou la Sarre n'était pour rien, se doutait-on que nous ne pourrions expédier en raison des exigences des réseaux de chemins de fer qui n'acceptaient nos envois que soumis à des conditions d'emballage se traduisant par une dépense annuelle de plusieurs centaines de mille francs ? C'est la question des cageots, nous aurons à y revenir.
Et si les banques sont sur place au centre de production, c'est qu'elles l'ont choisi comme le centre de commerce pour y faciliter les transactions, justifier des garanties qu'offrent les destinataires, réduire la circulation fiduciaire et sauvegarder l'épargne. Mais les affaires marchent-elles ? Non ! c'est le marasme !
Quant à la douane, puisqu'on en parlait, il aurait fallu ajouter qu'elle était sur place, comme elle a un représentant dans tout centre important de production, traitant des affaires en dehors du pays et qu'elle veillait au paiement d'un droit d'entrée en Allemagne, grevant actuellement la fraise de 240 F. par 100 kg ; la Hollande ne paie que la moitié de ce tarif. Il est bon que tous soient instruits de ces choses et à ceux qui s'étonnent qu'aucune barrière ne soit élevée à la sortie par le gouvernement, nous répondons que lui est au courant. Nous ne doutons pas que ses représentants à tous les échelons, les mandataires à tous les degrés du département et des départements voisins, voudront bien se souvenir des éléments que nous avons apporté présentement.
Le public appréciera.
Chacun qui réfléchira s'étonnera peut-être avec nous que les groupements qui nettement demandèrent la restriction de sortie des fruits frais aux frontières, n'aient pas cru devoir indiquer en même temps les garanties qu'ils pouvaient apporter, que pas un de ces fruits ou légumes ne franchirait, après sa mise en conserve, les limites du territoire.
Et puisque les usines basent leur demande de restriction sur la crainte de ne pouvoir s'approvisionner suffisamment en raison d'une récolte réduite par les intempéries, nous croyons pour la fraise tout au moins, qu'il en restera assez pour leurs besoins s'ils veulent la payer au prix qu'entraîne sa culture, mais pas à des conditions que rappelait pour des produits analogues un article récemment paru.
La question est beaucoup plus vaste que certains se l'imaginent et son ampleur, qui s'étend sur plus d'un département dépasse - nous l'avons établi - l'étendue du nôtre, qui n'en a pas le triste privilège.
La Moselle ne peut échapper à la situation générale du pays, elle la partage et, parfois, moins lourdement que d'autres.
Et si de cet état de choses on nous demande la cause, nous répondrons, après plus d'un économiste: le change !
La dépréciation qui en résulte pour notre unité monétaire, qui serait plus affaiblie encore si l'exportation n'existait pas, nous vaut de payer 80 francs la voiture de fumier qui, avant la guerre ne coûtait pas 10 francs. Cette dépréciation nous frappe, nous comme tous, dans les articles que nous achetons ; nos produits, comme tous les autres, se ressentent de l'ambiance générale. Les conditions atmosphériques, bien que nos frais d'exploitation restent les mêmes, viennent en outre, cette année, rendre la récolte plus délicate.
Tel, qui préconise des mesures restrictives - sans garantie d'ailleurs qu'il ne ferait pas lui-même, ce qu'il ne veut pas que fasse autrui - a-t-il bien réfléchi ?
Il est des conséquences d'un geste qui dépassent parfois toute prévision !
Le bordereau de coupons, il y a un an, le carnet de coupons, il y quelques mois, devaient être, dans l'esprit du législateur, quelque panacée faisant entrer des millions par centaines ; et voici que, à l'expérience, et pour paradoxal que cela soit, les pertes qui devaient en résulter apparurent plus vastes encore. Le bordereau comme le carnet, ce dernier le 9 juin, ont été supprimés. Si l'erreur fut reconnue, les conséquences funestes en sont incalculables et subsisteront longtemps ; enfin la loi sur l'exportation des capitaux, dont les inconvénients apparaissent immenses, est à la veille d'être rapportée.
Nous demandons respectueusement aux Pouvoirs publics et à tous ceux qui auront à connaître de notre cause, que devant l'expérience du passé, comme aussi ne pouvant méconnaître les faits que nous venons d'exposer, aucune mesure inconsidérée ne soit prise, sans avoir, de plus près encore, écouté notre voix.
Le Syndicat des Producteurs de Fraises de Woippy. (LL)

Mercredi 16 juin 1926
La réponse des Producteurs.
Un autre son de cloche de Woippy.
On nous signale quelques erreurs à redresser dans l'article paru sous ce titre dans le Lorrain d'hier.
1) L'indemnité de résiliation de 6 années de récolte restant à faire sur le bail - somme une fois payée - est de 1 200 à 1 300 F. (et non de 12 à 13 F.) par lot de 16 ares complantés de fraises.
2) Le droit d'entrée en Allemagne grève actuellement la France de 240 F. (et non 24 F.) par 100 kg.
3) La voiture de fumier se paye actuellement 80 F. ; avant la guerre, elle ne coûtait que 10 F. (et non 1 F.).
(Ces erreurs sont rectifiées dans l'article ci-avant) (LL)

Vendredi 18 juin 1926
Les fraises.
Les premières fraises épargnées par la gelée atteignent la fin de leur période de vente. En attendant la récolte de la seconde poussée, quelques jours se passeront. Hier jeudi, les fraises, qui au marché de Woippy débutaient à 2 fr. 15 environ, devaient dans le courant de la soirée atteindre un prix supérieur. Dans la matinée, des marchands venus en auto, offraient jusqu'à 2 fr. 60 à Marange.
Le Syndicat de Woippy a fort à faire pour maintenir les prix à un niveau raisonnable. Evidemment, et hélas! il est de l'intérêt de certains marchands de contrecarrer l'oeuvre du Syndicat par une offre supérieure. Ce fait regrettable se rencontre dans toutes les localités où les syndicats locaux sont à la tête du marché local. S'il y avait abondance de fraises, l'effort syndical, absolument nécessaire serait d'une bienfaisance bien plus apparente. Comme mouvement de fonds, dans les agences locales des banques de Metz, il y a une différence sensible avec 1925. (LL)

Lundi 21 juin 1926
La journée des Fraises à Woippy.
Du bon travail syndical - De la gaîté champêtre.
La journée du 20 juin 1926 sera, croyons-nous, de bon augure pour le val de Metz. D'abord, le bienvenu soleil chaud de juin mettait de la joie et des senteurs dans l'air. De vastes étendues de cultures fraisières vous arrivaient, portées par une brise matinale, des effluves embaumés du parfum des multiples variétés de plants chargés de leurs rouges fruits.
"Vous voyez tout en rouge", avait l'habitude de dire à ses paroissiens notre grand et regretté ami l'abbé Laurent.
Cette année, les producteurs de Woippy voulaient voir tout en gris ou en noir. Des paroles imprudentes avaient été lancées dans le public et dans la presse, qui avaient été interprétées comme si les "Woipppy" voulaient s'enrichir en jouant aux mercantis. Ils avaient répondu dans la presse par de solides arguments, - mais la blessure restait quelque peu ouverte encore. Un malentendu subsistait.
C'est là aussi l'écho qui retentit dans les petits discours de bienvenue, fleurant bon la fraise, que M. le Maire de Woippy et M. Marchal, délégué du Syndicat, prononcèrent devant une très belle assemblée de producteurs dans la salle de mairie. Etaient représentées toutes les communes du val de Metz, soit par leurs maires, soit par leurs présidents ou délégués syndicaux. Depuis Novéant jusqu'à Plappeville, Lorry, Marange et au-delà, tous étaient fidèles au poste. Tous furent salués par les deux orateurs indiqués qui exprimèrent le but de cette réunion : Rapprocher les producteurs et convaincre les personnalités présentes de la justesse de leurs revendications. M. le délégué en particulier souligna le triste état des récoltes après les gelées du 10 mai, le froid persistant, les ravages des insectes. Les prix de vente sont certes très raisonnables, mais il y a lieu de s'élever contre les attaques subies. C'est ce qui a déjà été fait par les producteurs eux-mêmes, soit dans la presse, soit par une démarche à la Préfecture. M. de Ladonchamps ayant parlé au nom de la délégation. Bien entendu, la question des cageots fit l'objet de la conclusion du discours de M. Marchal. Là encore, on tiendra bon.
Les parlementaires furent salués en la personne de M. Sérot, le dévoué député de Metz ; le Conseil général, en la personne de M. Bertrand, du canton de Metz-campagne, et du directeur de Lorrain.
M. de Ladonchamps prit ensuite la parole pour mettre en évidence les différents points qui avaient prêté à des malentendus, en particulier les généralisations concernant le rapport à l'hectare, les renseignements incomplets ou même faux que colportent certains journaux, même de Paris, enfin la situation vis à vis des confituriers.
Notre directeur séria, en les résumant, les conclusions à tirer de cette discussion :
1° Organiser d'avantage les Syndicats et leur donner un agent de liaison avec la presse qui ne demande pas mieux d'être bien documentée ou orientée, sachant bien que le producteur est l'enrichisseur du pays ;
2° Le public n'en veut pas tant au fait que le producteur mosellan vend ses produits en Allemagne, mais que ce soit l'intermédiaire sarrois qui s'enrichisse et enrichisse son pays par son exportation en Allemagne ;
3° Tout en envisageant dans la mesure du possible le débouché sur Paris - ce qui est très difficile - veiller cependant à ce que n'échappe pas à notre pays l'exportation vers l'Allemagne qui, de son côté, oriente déjà par Genève ses achats de fraises dans le Lyonnais.
Pour tout cela, et pour pouvoir concilier les intérêts du producteur et du consommateur, (intérêts qui doivent être conciliables dans l'unité nationale), il faut une meilleure organisation, avec forte personnalité et responsabilité.
Ici, la discussion reprit à nouveau. M. Klehr, inspecteur à l'exploitation, exposa la difficulté des transports, la question des cageots se posant pour l'intérieur, même le plus proche, avec une acuité incroyable qui pratiquement empêche le transport même sur l'Est.
M. le colonel Deville fit à son tour, en son langage pittoresque, un appel à l'organisation de tous les producteurs déjà syndiqués autour du Syndicat de Woippy. M. le Maire d'Ancy s'exprima dans le même sens, de même M. de Ladonchamps, et notre directeur demanda qu'on passât à la constitution immédiate du "Groupement des Syndicats de producteurs de fraises et de fruits du Val de Metz".
M. le député Sérot, venu, dit-il, pour écouter et s'instruire, reprend et résume les questions discutées. Il dit les efforts, souvent difficiles, pour arriver à faire harmoniser les commissions parlementaires de l'agriculture (producteurs) et les douanes (transformateurs) et développe l'idée d'une orientation bien définie de l'exportation qui ne doit pas échapper à nos producteurs.
M. le colonel Deville aborde la question des marchés de Metz, les difficultés qu'y rencontrent les producteurs-vendeurs, et ceci au détriment du consommateur. Voilà, conclut notre directeur, une belle étude à faire et des points à préciser par le groupement syndical et à présenter aux parlementaires et au maire de Metz. Avec sa belle ténacité, M. Bertrand, conseiller général, dit son inflexible volonté de revenir, à la prochaine session du Conseil général, avec son voeu, encore renforcé, sur le transport en cageots.
Il est 13 heures !! Les estomacs sont creux, la Café du Commerce a bien fait les choses, sa cuisine est succulente, le menu peint avec "couleur locale" par un artiste du crû, ...et les fraises, les fraises, en pyramides rouges, sont appétissantes, délicieuses.
L'heure des toasts venue, M. le Maire prend la parole, puis M. de Ladonchamps, pour excuser les absents et pour nous faire l'historique raccourci de la culture de la fraise à Woippy, vers 1868, et cite les vieux méritants : les frères Vion, les Sensen (Zennezenne), les Lapied, les Barrière-Braun, les Marchal, les Trinel, les Galleron, familles en partie disparues. Aux jeunes de poursuivre leur oeuvre et leur travail.
Puis avec humour, M. le colonel Deville en appelle aux faisceaux des producteurs ; M. Sechehaye y va d'un coup de clairon pour sa fanfare ; M. Bertrand parle en faveur de la contribution volontaire ; M. Sérot promet son aide et son travail aux producteurs du Val de Metz.
Finalement, le travail de la journée est condensé en deux voeux que lit notre directeur, l'un exposant les desiderata des producteurs quant aux marchés de Metz ; l'autre, aux parlementaires, concernant le renouvellement de l'accord commercial provisoire franco allemand... Et le toast se termine par l'éloge de la fraise.
On applaudit tous les orateurs. Dehors, la gaîté règne. Les jeux de quilles sont ouverts. Les balançoires, les carrousels, les orgues de barbarie, les cris des vendeurs et les appels des vendeuses de fraises pour la contribution volontaire, le soleil, les enfants qui courent et se bousculent, les vieilles au "couaroil" sur le pas de leur porte - tout est à la joie, à la vie, à l'espérance.
Vive Woippy et sa journée syndicale. Et que, la saison finie, le travail d'organisation se fasse en profondeur.
AGRICOLA.

Les fraises.
Hier matin, sur la place de la Cathédrale, les fraises des environs de Metz se vendaient à raison de 2 F. 30 à 2 F. 40 la livre.
A 11 heures, une voiture ornée de drapeaux et dont les chevaux avaient la crinière enrubannée, est arrivée de Woippy sur la place d'Armes, amenant une centaine de paniers de fraises de choix qui devaient être vendues au profil de la contribution volontaire. De gracieuses jeunes Lorraines servaient les clients, après qu'un tambour de la Fanfare de Woippy avait annoncé par un roulement l'ouverture de la vente. Il y eut beaucoup de curieux. Nous ignorons encore le produit de cette vente originale. Mais les dames et les promeneurs endimanchés hésitèrent quelque peu à transporter à travers les rues ces paniers qui se vendaient à raison de 15 F. (Au total 1 070 F.) (LL)

Lundi 21 juin 1926
LA FETE DES FRAISES A WOIPPY.
Des milliers de personnes ont assisté à la fête, mais les producteurs avaient tenu dans la matinée une importante réunion.
Le ciel, dans lequel perçait un soleil timide, engageait les Messins et les habitants de tous les villages environnants à se rendre à Woippy, la ville des fraises. Woippy est, en effet, le centre d'une région qui, chaque année s'agrandit et gagne de nouveaux villages. La culture des fraises couvre, pour la commune de Woippy seulement, une superficie de 250 à 260 hectares, c'est-à-dire l'indéniable importance de cette production régionale.
Or, la fête des fraises à Woippy se mesure à l'importance de la culture, et nous ne fûmes pas surpris en apercevant les autos, les camions, les voitures qui circulaient à vive allure, en dépit des prescriptions municipales qui obligent tout véhicule à ne point dépasser la vitesse de 15 kilomètres à l'heure.
Mais en arrivant dans le village, automobilistes consciencieux ou chauffards casse-cou étaient bien obligés de ralentir, car la place qui s'étend de l'église à la mairie et qui se prolonge vers la poste était encombrée de forains et d'une foule compacte, joyeuse, prête à s'amuser comme nos jeunes filles et nos jeunes gens de la campagne savent le faire, c'est-à-dire sainement.
Et pour bien commencer la journée, tout Woippy, les vieux comme les jeunes, assistèrent à la grand'messe que célébra M. l'abbé Guénot, curé de la paroisse, un de ces bons curés que tout le monde aime, parce qu'il aime tout le monde.
REUNION DES PRODUCTEURS
Il était presque midi lorsque, après l'office, on se réunit devant la nouvelle mairie, qui fait honneur à la commune. M. le député Sérot avait tenu, par sa présence, à prouver l'intérêt qu'il porte, ainsi que ses collègues des deux Chambres, aux agriculteurs.
M. Mangenot, le sympathique et dévoué maire de Woippy, fondateur du Syndicat des producteurs de fraises, ouvrit la séance par une allocution de bienvenue. Il le fit au nom du Syndicat, de la municipalité et de la population toute entière. Il émit l'espoir que cette manifestation se poursuivrait durant de longues années encore et qu'elle laisserait dans l'esprit de ceux qui y participaient la meilleure impression.
* * *
M. Marchal, délégué du Syndicat des producteurs de fraises, après des remerciements, fit part du triste état des récoltes ; non seulement il y eut la gelée du 10 mai, mais encore un froid durable et la pluie incessante, et les insectes de toutes sortes. Tenant compte de tout cela, c'est à un prix raisonnable que nous livrons notre marchandise, et il faut nous grouper pour défendre nos intérêts menacés.
Puis M. Marchal rend compte du voyage d'études que fit en Angleterre M. de Ladonchamps, et des questions très intéressantes qui en ont découlé. En terminant, il demande à tous de s'unir au cri de : "Vive le Syndicat de Woippy".
* * *
M. de Ladonchamps, producteur lui-même, était bien placé pour procéder à l'étude des différents points qui faisaient l'objet de cette réunion. Il les développa avec aisance et dans un style très clair.
Tout d'abord, il tint à préciser par un exemple : On a écrit dans un journal de Metz qu'une brave femme avait montré un petit champ de trois à quatre ares et avait déclaré y avoir récolté l'année dernière pour 2 000 francs de fraises. Mais ce prix, s'il est réel, ne peut être donné comme exemple, il ne faut jamais généraliser et l'on ne peut comparer ce petit jardin bien soigné, bien cultivé, avec des hectares plantés en fraisiers et le rapport de ces hectares.
Un journal de Paris a dit que le département de la Moselle était le département où la vie était la plus chère de toute la France. Or, ceci est absolument faux ; le lait, par exemple, vaut 1fr. rendu à domicile à Metz ; à Paris, il vaut 15 à 20 centimes de plus. Il en est de même pour d'autres denrées.
Semblables affirmations erronées font le plus grand mal à notre département, et M. de Ladonchamps rend hommage au travail du Syndicat d'initiative de Metz, qui, par tous les moyens, attire du monde et favorise le commerce.
En ce qui concerne plus spécialement les producteurs de fraises, l'orateur fait savoir qu'une réfutation a été faite dans la presse au sujet d'erreurs parues dans des articles de journaux. La fraise, dit-il, augmente comme tout parce que les prix de revient ont augmenté. Comme M. Marchal, il demande aux producteurs de s'unir.
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M. l'abbé Ritz, conseiller général, après avoir déclaré qu'il était producteur, puisque comme chacun le sait, il a une vache, et fait partie du conseil d'administration de la coopérative laitière, dit aussi qu'il est journaliste.
Vous ne renseignez pas suffisamment la presse, dit-il aux producteurs, d'où une mauvaise interprétation ou des on-dit qui sont susceptibles de vous causer une mauvaise presse. Le public bien renseigné n'est pas contre l'exportation, mais il s'élève contre les intermédiaires sarrois. Soutenir qu'il faut arrêter l'exportation serait méconnaître l'esprit de nos agriculteurs, qui connaissent fort bien leur intérêt. Ils vous répondront à cela : "On arrêtera la production". Ils savent ce qu'un are de terrain doit rapporter, ils n'en cultiveront pas deux pour un même bénéfice.
Envisagez carrément l'exportation vers l'Allemagne, leur dit M. l'abbé Ritz, nous sommes patriotes, mais la guerre est finie et les affaires sont les affaires. Si vous n'exportez pas vos fraises vers le débouché qui s'offre à vous, ce sont celles du Lyonnais et du Vaucluse qui vont déjà en Suisse et iront en Allemagne.
Et en terminant, le conseiller général suggère au Syndicat d'imiter la coopérative laitière et de créer une "masse de manoeuvre" qui lui servira à faire la propagande pour écouler et faire connaître ses produits.
* * *
M. Claire, inspecteur au service commercial de la Compagnie des chemins de fer d'A.-L. répondant à une question qui lui a été posée au sujet des cageots, reconnaît que le règlement est formel. On ne peut expédier les fraises dans les autres départements français que si les paniers sont eux-même placés dans des cageots fermés. Et c'est ainsi que cette année les producteurs de la Moselle, qui ont trouvé cette prétention arbitraire, n'ont pas livré de fraises au chemin de fer à destination des autres départements, même pas pour Liverdun, fait-on remarquer.
D'ailleurs, précise M. Claire, le point de vue de la compagnie est bien connu, le système par cageots économise du temps et de la main-d'œuvre. Pour Paris, ce système évite le vol, car le transport de paniers aux halles n'est d'aucune garantie ; voler un cageot est beaucoup plus difficile. En ce qui concerne le transport, la Compagnie est prête à créer des trains directs sur Paris, comme elle le fait pour Berlin, à raison de 7 wagons au moins par jour; ainsi le train partant à 6 heures du soir pourrait arriver à 3 heures du matin à Paris, et la marchandise pourrait être, dans la même matinée, vendue aux halles.
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M. le colonel Deville, maire de Plappeville et président de l'Association des maires de Metz-Campagne, demande au Syndicat de Woippy s'il ne pourrait envisager la création d'un groupement de syndicats de producteurs de fraises et de fruits pour renforcer cette union que l'on a demandé et qui est indispensable pour l'intérêt de tous.
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M. Sérot, député de la Moselle, se déclare très sensible à l'invitation du Syndicat ; il est venu, dit-il, pour s'instruire, et non pour parler. Il se déclare d'accord avec ce qui a été dit jusqu'ici. Le sympathique député de la Moselle conseille aux producteurs de fraises de faire connaître leurs doléances, afin que soient dissipés certains malentendus et que le public soit mieux informé, ainsi d'ailleurs que ceux qui ont à régler certaines questions les concernant.
La commission des douanes, par exemple, a entendu les explications des industriels et des fabricants de conserves, mais les producteurs ne sont pas parvenus jusqu'à elle. Qui n'entend qu'un son est mal informé, estime avec juste raison M. Sérot, et dans beaucoup de cas la solution amiable n'est pas trouvée parce que certains arguments n'ont pu être exposés.
Le député de la Moselle est d'accord sur la nécessité de l'exportation vers l'Allemagne. En ce qui concerne la question des transports vers l'intérieur de la France, il se range à l'avis de M. Bertrand, conseiller général, qui est contre les cageots, et dit qu'à la résistance cordiale, mais très ferme des chemins de fer, les intéressés opposeront une résistance cordiale, mais très ferme aussi.
* * *
M. le colonel Deville parle ensuite de la situation désavantageuse qui est faite aux producteurs de fruits sur le marché de Metz. On oblige ceux-ci à ne vendre les pommes et les poires d'une même espèce que par minimum de dix kilos et de trois kilos pour les fraises, et que d'autres part les producteurs doivent avoir déblayé le terrain pour 9 heures.
Certains producteurs font savoir que devant ces exigences, ils ne viennent plus sur le marché de Metz, d'où vente plus restreinte et prix plus élevés.
M. Bertrand parle à nouveau des cageots et demande que les envois par paniers puissent s'effectuer comme jadis.
En fin de séance, les syndicats susceptibles d'adhérer au groupement se font inscrire.
LE BANQUET
Il est plus de 13 heures lorsque, quittant la salle de la mairie, les producteurs, les délégués des syndicats de producteurs, les maires de communes voisines, les conseillers généraux, la presse et les invités, parmi lesquels M. le docteur Chevalot, se rendent dans la grande salle du Café du Commerce, que tient Mme veuve Humbert. Un déjeuner exquis y fut servi par un personnel charmant et les mets furent arrosés de vins généreux du pays.
Au champagne, plusieurs discours furent prononcés et, après de nouveaux remerciements de M. Mangenot, la parole fut donnée à M. de Ladonchamps.
Après avoir présenté les excuses de plusieurs personnalités et remercié M. Sérot et les invités, M. de Ladonchamps fait l'historique de la culture des fraises dans la région messine. Elle remonterait à 1868 et aurait été lancée par les frères Vion et continuée par les familles Zengen (Zennezenne), Lapied, Barrière-Brône (Braun), Marchal, Trinel, Galleron, et bien d'autres encore. A tous ces anciens, il rend hommage.
L'orateur, qui s'exprime dans un langage littéraire, parle ensuite du syndicalisme, dont les producteurs doivent s'imprégner. Il est partisan de l'idée du groupement dont la fondation est décidée.
* * *
M. le colonel Deville, toujours spirituel, entretient à nouveau les producteurs de la question des marchés. M. Bertrand ajoute quelques précisions à ce qu'il a dit précédemment, et enfin la parole est à M. le député Sérot, qui explique l'esprit d'équité qu'il désirerait voir régner lorsqu'il s'agit de régler des questions importantes, et fait appel à l'esprit particulièrement éclairé de nos agriculteurs.
QUESTIONS DIVERSES
On règle ensuite la question du groupement des syndicats de producteurs de fraises et de fruits du département. La présidence en est confiée à M. de Ladonchamps, qui connaît admirablement la question.
On fait savoir ensuite que la vente de fraises sur le marché de Metz, devant la Cathédrale, vente au profit du franc, a rapporté 1 070 F. Une vente semblable eut lieu dans la soirée à Woippy.
* * *
Lorsque nous quittons Woippy pour rentrer à Metz, la fête bat son plein, la fanfare l'"Union" fait le bonheur des amateurs de musique, tandis que les manèges, avec leurs orchestres discordants, font la joie des bambins. Les marchands de sucreries feront une bonne journée. En un mot, tout le monde sera content.
Dans la soirée, les bals battront leur plein et gaiement les couples tourbillonneront sans souci des heures et des fatigues du lendemain. (LM)

Mardi 22 juin 1926
Après la journée des fraises.
Par une amusante coïncidence, ce même dimanche 20 juin, où Woippy fêtait la fraise; avec le succès qu'on a vu, une semblable cérémonie se déroulait aux portes de Paris, à Bièvre, qui est la-bas un centre réputé de production de fraises.
Bien entendu, la journée a fini par un cortège où des boeufs ont promené sur un char précédé de fanfare une reine des fraises. Ce qui est à retenir, c'est que fanfare et chanteurs avaient ressuscité pour la circonstance une vieille chanson française des inoffensifs cafés-concerts de 1880 :
"Ah ! qu'il fait donc bon !
Qu'il fait donc bon
Cueillir la fraise !"
Ce refrain d'une musique facile et accessible aux clairons - on le retrouve dans des refrains régimentaires et notamment dans la marche du 110° RI, où servent tant de nos jeunes gens - pourrait dans l'avenir rehausser également la fête de Woippy. (LL)

Vendredi 25 juin 1926
Baisse des fraises.
La baisse des fraises est très sensible. Elles se vendaient aujourd'hui 1 F. 50 la livre, prix assez modique, en comparaison de la dépréciation de notre monnaie. La récolte n'étant pas très brillante cette année, les ménagères qui désirent faire des confitures feront bien de ne pas trop tarder à faire leurs provisions.
Un producteur. (LL)

Pour le relèvement de franc.
Lors de la fête des fraises, organisée dimanche dernier, la commission locale de propagande en faveur de la contribution, a fait vendre, le matin, sur la place d'Armes, à Metz, l'après-midi, à la mairie de Woippy, des fraises, généreusement offertes par un bon nombre de producteurs, à titre de contribution volontaire. Le produit de cette vente s'élève à 2 489 F. qui seront versés à la Caisse d'amortissement. Nous remercions sincèrement tous ceux qui ont su s'imposer un petit sacrifice pour le salut du franc, ainsi que les personnes qui ont bien voulu se charger de recueillir les fraises et de les vendre. Un merci tout spécial à la manufacture de paniers et d'emballages en copeaux, de Woippy, qui a mis gratuitement à notre disposition 800 paniers d'emballage. Nous avons la ferme conviction que cette démonstration patriotique se renouvellera pendant la saison et que tous ceux qui auront été empêchés de donner la première fois, n'hésiteront pas à répondre à un deuxième appel. Une liste des donateurs est dressée à la mairie et sera publiée plus tard. Nous sommes persuadés que tous les bons Français se feront un devoir de profiter de la souscription, ouverte en permanence à la mairie, et que chacun s'efforcera, selon ses moyens, d'assurer le succès de cette oeuvre nationale. Nous apprenons que dans le même but, nos dévoués maîtres et maîtresses organisent dans leurs classes, une collecte, pour laquelle nous leur souhaitons bonne réussite.
Le Maire, Président de la commission locale de propagande. (LL)

Vendredi 25 juin 1926
LA QUESTION DES FRAISES - UNE BAISSE DES PRIX A WOIPPY.
Mercredi, une grande quantité de fraises est restée invendue à Bâle. Dix-huit wagons n'ont pas trouvé preneur.
Les fraises ont été vendues au détail à raison de 1 F. 20 à 1 F. 40 le panier de 6 livres (francs suisses). La Suisse regorge de fraises de provenance mosellane et lyonnaise.
Quant à l'Allemagne, elle ne peut acheter en raison de la concurrence hollandaise et de sa propre production.
En France, étant donné la production des autres régions plus favorisées par la température, il est impossible à la Moselle de placer ses fraises à l'intérieur à des prix plus élevés que ceux qui sont payés par les autres centres français.
Au cours des journées de mercredi et de jeudi, la lutte a été chaude entre les marchands et les producteurs. Si les premiers veulent des prix raisonnables, c'est-à-dire permettant le placement d'une partie de la récolte, aussitôt des discussions interminables s'élèvent, et parfois des violentes paroles sont échangées.
Le maire de Woippy a défendu à l'appariteur d'annoncer que les fraises seraient enlevées par les marchands en gros à 300 F. les 100 kilos. A-t-il le droit d'user de son autorité ? Car s'il est lui-même producteur de fraises, il ne doit pas oublier qu'il est avant tout le premier magistrat de la commune, et de ce fait ne doit favoriser personne au détriment de certains.
Une fabrique de conserves de la région voulant lutter contre la concurrence de l'intérieur : Midi, Lyonnais, Bretagne, a offert provisoirement la somme de 250 F. les 100 kilos de fraises, estimant ne pouvoir augmenter ce prix d'un centime. Ce prix semble rémunérateur pour le producteur qui, cependant hésite à livrer. (LM)

On nous écrit d'autre part :
La baisse des fraises est très sensible. Elles se vendaient hier 1F. 50 la livre, prix assez modique, en comparaison de la dépréciation de notre monnaie. La récolte n'étant pas très brillante cette année, les ménagères qui désirent faire des conserves feront bien de na pas trop tarder à faire leur provisions. Un producteur.

Samedi 3 juillet 1926
LES FRAISES - La réalité des ventes.
Bien que le "Lorrain" n'ait pas eu à insérer l'article récemment paru le 25 juin dans un journal de Metz, et mettant en cause les producteurs de fraises, ceux-ci lui seraient reconnaissants de vouloir bien porter les faits suivants à la connaissance de ses lecteurs.
Il est exact qu'un arrivage de fraises de Woippy s'est difficilement vendu à Bâle il y a deux semaines ; cependant pour être impartial, il aurait fallu en donner le motif. Nous ne croyons pas être dans l'erreur en disant que cette mévente exceptionnelle résulta d'envois que firent les marchands en beaucoup plus grande importance qu'ils n'en avaient reçu la commande ; dans ces conditions l'embouteillage du marché était fatal, nous ajoutons qu'il était évitable.
Il n'est pas exact, à en juger par Bâle, que l'on prit en exemple, que la Suisse "regorge" de fraises de provenance mosellane et lyonnaise ; disons que les arrivages sont abondants, mais pas en excès jusqu'à présent et ils trouvent facilement preneurs.
Les cours de vente en gros de la fraise de Woippy par les marchands suisses sur le marché de Bâle ont été en moyenne du 22 au 28 juin de 0 F. 90 et 1 F. suisse par kilo, le 17 juin un wagon de fraises de Lyon a été vendu entièrement à raison de 0 F. 98 par kilo en monnaie suisse, le 23 juin une maison de Bâle ayant organisé une grande journée de la fraise, vendit à elle seule plus de 25 000 kilos, le 28 juin la fraise de Woippy arrivait superbe de conservation sur le marché de Bâle et était enlevée au fur et à mesure que l'amenaient les camions.
Nous avons d'autres précisions.
Nous parlons sans paroles violentes ; si nous savions dans quelles circonstances auraient été prononcées celles que l'on nous attribue, nous rechercherions quelles attitudes vis-à-vis du producteur les déterminèrent.
Nous retenons la constatation faite dans l'article du 25 juin que "l'Allemagne ne peut acheter". Puisqu'il en est ainsi, nous espérons que plus personne ne dira que la Germanie fait monter les prix par des achats massifs, comme il doit être entendu aussi que les Sarrois ne peuvent, dans ces conditions, réexpédier outre-Rhin la fraise achetée en Moselle.
Nous constatons que l'embouteillage d'il y a 15 jours, est singulièrement probant pour établir qu'une seule catégorie de marchands ne peut assurer le commerce d'exportation, nous pensons donc que plus personne ne demandera que celui-ci soit confié à un seul groupe à l'exclusion d'autres, nous espérons que toute facilité sera donne à ces derniers pour se mettre en règle avec la loi, comme sont prêts à le faire ceux auxquels il pourrait encore manquer quelques papiers.
L'article du 25 juin mentionnait enfin que pour lutter contre la concurrence de l'intérieur, une fabrique de conserves de la région avait offert d'acheter alors les 100 kilos de fraises à raison de 250 F. et estimait ne pouvoir augmenter d'un centime ce prix auquel le producteur ne se décidait pas à livrer.
Nous avons eu l'occasion de voir le 28 juin une expédition de fraises de Lyon faite à une fabrique de conserves du département et qui pensait sans doute pouvoir se fournir ainsi à de meilleures conditions qu'à Woippy ; l'envoi était fait dans des conditions absolument "réglementaires" : panier muni de papier qui le recouvrait, le tout soigneusement placé en d'authentiques "cageots".
Hélas! le chargement arriva dans un tel état d'altération qu'il n'était plus utilisable.
Nous déplorons sincèrement cet arrivage malheureux et prévenons ceux qui voudraient renouveler la tentative que ce n'est pas là la première expérience qui échoua. L'achat de la fraise de Woippy à son cours actuel eût été certainement beaucoup plus économique.
Terminons.
Nous souhaitons que cette réponse vienne clôre pour 1926 et à l'avenir la série d'attaques massives et de lourdes manoeuvres dirigées contre les producteurs de fraises et qu'ils sont lassés maintenant de voir se reproduire presque chaque année et sous des formes différentes lorsque la récolte bat son plein.
Nous avons la polémique commerciale en profonde aversion, elle énerve inutilement l'opinion publique, elle atteint rarement le but que se propose celui qui la déclenche et ne sert jamais sa cause.
Nous ajoutons que quiconque est sûr de soi et veut réellement l'intérêt de la collectivité pour laquelle nous devons travailler les uns et les autres, n'a pas à craindre de se faire connaître et d'agit à découvert.
Si telle est aussi l'opinion de l'auteur de l'article du 25 juin, si notre réponse ne l'a pas convaincu, nous l'invitons présentement à prendre rendez-vous sans retard avec le président de notre groupement et notre vice-président.
Que chacun puisse travailler en paix ! C'est notre voeu.
Que chacun reçoive selon ses peines et selon ses oeuvres ! Nous ne demandons pas autre chose. Nous y veillerons.
Le Syndicat des producteurs de fraises de Woippy. (LL)

Mercredi 7 juillet 1926
La vente des fraises et autres fruits à Metz par les producteurs.
On nous communique :
"D'après le compte rendu sur la fête des fraises à Woippy, des producteurs ou leur porte-parole auraient déclaré que devant la situation désa-vantageuse qui leur est faite sur le marché de Metz concernant les quantités minima mises en vente, ils s'abstiendraient de fréquenter le marché de Metz.
Peut-être certains producteurs ne sont-ils pas encore au courant des améliorations que l'administration envisage d'introduire. C'est ainsi que, en accord avec les représentants des producteurs, les quantités minima à vendre sur le marché place de la Cathédrale, seront réduites de 12 à 10 kg (pommes, poires, prunes, etc.), de 4 1/2 à 3 kg (fraises, cerises, raisins, etc.), et à 2 kg pour framboises, groseilles et pêches de pays.
Si toutefois la vente en gros ne peut se faire par les producteurs, ceux-ci auraient alors toute facilité de vendre leur production en petits paniers au marché mixte sur la place Saint-Etienne où les producteurs pourraient aussi y apporter des légumes. Ce marché qui se tiendrait de 9 à 11 heures serait donc à l'avantage tant des petits producteurs que des consommateurs. Jamais l'administration n'a envisagé la fermeture des marchés à partir de 9 heures. Et elle a toujours tenu le plus grand compte de leurs desiderata quand ils étaient exposés de façon compréhensible et conciliable avec les intérêts légitimes des contribuables messins et des consommateurs en général.
Les producteurs pourraient donc vendre en gros (limite de poids réduite) jusqu'à la fermeture du marché sur la place de la Cathédrale et quitter celui-ci pour vendre en de plus petites quantités sur la place Saint-Etienne de 9 à 11 heures. (LM)

Samedi 10 juillet 1926
La fin des fraises.
La récolte est à sa fin, d'autant plus que la marchandise devenait difficilement transportable, elle ne tente plus le commerce éloigné. Les prix sont de 80 à 75 cts à la production. La petite groseille laisse quelques beaux bénéfices. Revenons une fois de plus à notre conseil : ne pas se contenter d'une seule source de produits. (LL)

Mardi 17 mai 1927
* D'un pays où l'on cultive les fraises.
Je ne sais si ce que je vais dire s’applique à toutes le localités où l’on cultive la fraise d’une façon intense ; je dis simplement ce qui se passe chez nous et ce que j’ai constaté moi-même. Il est possible, je le souhaite, qu’il y ait d’autres pays plus favorisés que le mien.
Voici ce qu’on trouve chez nous : Beaucoup de champs de fraises sont ravagés par les vers blancs. On sait que ces insectes malfaisants sont très friands de la racine du fraisier ; or, en certaines contrées de notre ban, ces vers pullulent. Vous voyez les pieds des fraisiers qui se dessèchent les uns après les autres. Vous regardez la toquée, et vous trouvez le coupable. Vous rencontrez des plantations de fraises où au moins la moitié des plants ont la racine ainsi rongée. La mal est d’autant plus grave qu’on ne sait comment le combattre. Il y a des années, et, comme je l’ai dit, des contrées où le mal est plus grave que dans d’autres : cela dépend de la manière dont ces vers se sont propagés. Vous comprenez que les propriétaires de ces plantations sont bien désolés.
Nous nous plaignons aussi que beaucoup de fleurs de fraises n’ont rien donné. Il y a des champs qui ont magnifiquement fleuri et qui ne donnent presque rien. C’est comme pour les autres : vous trouvez des mirabelliers qui ont eu une floraison splendide et sur lesquels on ne voit pas de fruits. Nous l’attribuons à ce que, au moment de la floraison, il y a eu un ou deux jours de trop grande chaleur : la fleur a grillé. Le mirabellier, pour fleurir, ne demande pas trop de soleil : un temps plutôt un peu froid et humide, convient mieux à la fleur. On pourrait dire la même chose du poirier : beaucoup ont magnifiquement fleuri et ont cependant très peu de poires. Qu’on sache bien, du reste, que ce ne sont pas les années où les arbres fleurissent le mieux, qui donnent le plus de fruits. Cela se comprend : l’arbre s’épuise par une floraison trop abondante et n’a plus assez de sève pour permettre aux fruits de se nouer.
Cette année, par contre, les cerisiers qui ont rarement si bien fleuri, tiendront le record de la production. Cela veut-il dire que les cerises seront pour rien ? Non, aujourd’hui, plus que jamais, il faut compter avec la main-d’œuvre nécessaire à la cueillette. (LL)

* Des fruits ? Pas tant que ça !
Oui, la floraison fruitière s’est admirablement effectuée cette année ; oui, à part quelques coups de gel tardif dans les régions de Boulay et de Creutzwald, saints de glace et lune rousse ont été assez bons apôtres ; oui, les orages auraient pu faire plus de mal qu’ils n’en ont fait… Et pourtant !
Pourtant, le sort en est à peu près jeté aujourd’hui : l’année 1927 sera loin de tenir en fruits les promesses qu’elle avait données en fleurs.
La faute en est aux insectes, c’est-à-dire aux hommes – les premiers croissant et multipliant de façon exemplaire et bonne en soi, les seconds négligeant de plus en plus de parer à une surpopulation qui menace leur pain quotidien de la manière la plus directe, et que n’a pas prévue Malthus. Car l’homme semble ne plus se défendre devant l’insecte ; au contraire, c’est à ses meilleurs auxiliaires qu’il réserve ses plus durs coups : aujourd’hui encore, je puis citer un magasin de notre bonne ville dont l’étalage s’orne impunément des corps empaillés de plusieurs dizaines d’oiseaux utiles.
A plusieurs reprises, les années précédentes, nous avons dénoncé le mauvais état d’entretien des arbre fruitiers plantés en bordure des routes et qu’on pouvait qualifier de « conservatoires à vermines ». A la fin de l’hiver passé, un sérieux effort a été fait par les services compétents, qui ont fait pratiquer en plusieurs endroits du département des grattages de troncs qui auront certainement donné de très bons résultats, sans remplacer pourtant la pose de bandes à glu en temps opportun. Les conférences des spécialistes n’ont pourtant pas fait défaut, et M. Navel, pour son compte, les a multipliées.
Mais on peut répéter, sans scrupule d’être injuste, que, tant du côté de l’Etat que du côté des particuliers, le nécessaire, le strict nécessaire, est loin d’être fait pour sauvegarder la production fruitière. Un exemple encore : l’insolite éclosion de papillons qui se produisit durant l’automne dernier à la faveur d’une splendide arrière-saison, a eu pour conséquence, grâce à l’interminable durée même de cette arrière-saison si belle, la multiplication de millions de bestioles nouvelles qui, non combattues en temps utile, viennent d’éclore à leur tour, et que nous voyons à table.
Ah ! Cela n’est pas beau à voir ! Combien d’arbres fruitiers qui, il y a une quinzaine de jours, donnaient les plus belles espérances, ne montrent plus que des ramures dépouillées de leur feuillage et de leurs fruits ! Mirabelles et quetsches voient leur récolte très très compromise, et les cerises elles-mêmes sont bien attaquées. C’est désolant à plus d’un titre, en un temps où beaucoup d’habitants du Pays Messin se prenaient à rêver d’un avenir assuré par la culture fruitière. Il faut prendre garde que les gens se lassent d’accumuler déceptions sur déceptions, et que l’anéantissement des espérances d’une belle récolte est de nature à les détacher encore plus de la terre.
Pendant qu’il en est encore temps, et pour conclure, faisons écho au cri d’alarme que poussait ces jours-ci un de nos correspondants. Il s’agit de crier haro sur les hannetons.
Les hannetons sont cette année exceptionnellement nombreux. Le promeneur qui s'aventure au crépuscule est frappé du nombre extraordinaire de hannetons dont les vols se croisent au-dessus de sa tête. Ceci, c'est le côté pittoresque de l'affaire.
Or, sait-on de quoi les larves du hanneton - ces redoutables « vers blancs » qui s'occupent pendant trois ans à couper des racines - font leur nourriture de prédilection ?
De la racine du fraisier. A l'état parfait, les hannetons se nourrissent de préférence des jeunes feuilles des chênes, et l'on sait s'ils trouvent dans les bois de Lorraine ce qu'il leur faut à ce sujet. Quant aux fraisiers, nul n'ignore qu'ils sont devenus, au Pays Messin, les héritiers directs de la vigne.
Dans quinze jours, et sans doute moins, les hannetons femelles vont commencer leur ponte. Si, dès cette année, la lutte n'est pas menée à fond contre ces indésirables - on savait bien la mener, sous Napoléon III, en mettant en campagne les enfants des écoles - on peut dire que la culture fraisière en Moselle subira dans les années à venir des dommages incalculables, dont les conséquences sociales sont difficiles à prévoir.
O. … si l'on veut remarquer que pour beaucoup, la culture du fraisier est un … qui conditionne leur fidélité à la terre. A.B. (LL)

Vendredi 20 mai 1927
Les ennemis des fraisiers et des arbres fruitiers.
Un correspondant mentionne avec raison les dégâts faits aux fraisiers par ce qu’il appelle le ver blanc. Il aurait dû préciser, afin que l’on puisse efficacement combattre ce vieil ennemi de nos cultures car il est connu depuis longtemps : c’et tout simplement la larve du hanneton qui, jusqu’ici s’attaquait volontiers aux pommes de terre. N’ai-je pas, il y a trois jours, surpris un de ces coléoptères se jetant la tête baissée su un plant de fraises et creusant la terre pour y déposer ses œufs. Ceux-ci, au bout de quatre à six semaines, donnent naissance aux larves qui s’attaquent immédiatement aux racines des plantes, passent au ou deux hivers en terre, se muent en chrysalides au mois d’août pour devenir de parfaite hannetons au mois de novembre. Au mois de mai suivant, ils sortent de terre quand ils sentent que la table leur est largement servie sur les arbres. Secouer ceux-ci de bon matin et tuer tous les hannetons qui tombent est un moyen de s’en débarrasser. Je l’ai fait vendredi dernier et bon nombre de ces bestioles vinrent mordre la poussière.
Mais sur nos coteaux que d’arbres abandonnés, pruniers, quetschiers, mirabelliers, qui ne portent jamais de fruits parce qu’ils restent sans soins, et sans culture ! Couverts de mousse, moitié desséchés, ils ne sont plus que des nids à vermine et l’on devrait obliger les propriétaires à les arracher. Comment comprendre ces paysans qui, dans tel ou tel champ, travaillent comme des nègres pour avoir des fruits et, un peu plus loin, dans tel autre champ font tout le mal possible à ces mêmes fruits en négligeant totalement les arbres et en favorisant la vermine ?
Heureusement qu’il y a les hiboux, les chauves-souris, les étourneaux qui sont de grandes destructeurs de hannetons ! Oui, mais ces bêtes utiles on les extermine aussi bien que les innocentes couleuvres et les orvets plutôt que les hannetons.
Que dire maintenant des chenilles ! Ce qu’il y en a cette année ! Les derniers jours de la semaine passée il faisait frais et les chenilles engourdies tombaient par dizaine quand, d’un coup sec, on secouait les différentes branches d’un espalier. Autre constatation parallèle : on ne voit presque plus de ces oiseaux, grands mangeurs de chenilles : bouvreuils, chardonnerets, mésanges, pinsons, rouge-gorges, rouge-queues, etc. Depuis deux ans ces derniers ont même complètement disparu. Leur grand ennemi, c’est le chat, lorsqu’ils ne peuvent pas mettre leurs nids en sûreté. Et où les mettre ? Les murs des bâtiments d’aujourd’hui, même à la campagne, n’ont aucun égard pour eux. Autrefois, je me rappelle cela du temps de ma jeunesse, rouge-gorges et rouge-queue nichaient de préférence dans les anfractuosités, dans les trous des murs et les maçons avaient soin de leur en ménager quelques-uns du côté des jardins. Allons, maçons et propriétaires, un peu d’égard pour les petits oiseaux. Quant aux gamins dénicheurs d’oiseaux utiles, qu’un soit pour eux impitoyables.
Voici, pour finir, une expérience faite sur un espalier - pommier chancreux. Voyant, au mois de juin, une sorte de jus noir suinter d’un de ces chancres, je fouillais avec le canif et réussis à découvrir l’auteur de ces méfaits : un ver de couleur rose qui, invisible, dévore l’écorce et la sève. Le tuer, nettoyer la plaie et le chancre disparaîtra. J. P. S. (LL)

Mercredi 15 juin 1927
Les producteurs de fraises à l'honneur
Sur l'initiative de son très actif président M. Henry de Ladonchamps, le Syndicat des Producteurs de Fraises de Woippy et du Val de Metz avait envoyé à l'Exposition agricole de Nancy quatre sortes de fraises précoces de Woippy. Il va sans dire que les fruits magnifiques ont été admirés du public, et le jury a décerné au Syndicat de Woippy une médaille de vermeil avec un diplôme d'honneur. (LL)

Vendredi 17 juin 1927
Les fraisiéristes se fâchent
Un vif mécontentement se fait jour parmi les fraisiéristes des localités sises au sud de Metz. Ces braves gens déclarent insupportable le régime de la douche écossaise à laquelle les soumettent les ramasseurs de fruits. Depuis plusieurs jours déjà, et d'une façon tout à fait arbitraire, on assiste à d'étonnantes fluctuations des cours, dont le consommateur lorrain ne doit attendre, du reste, aucun bénéfice. Il y a même plus fort : on a vu à plusieurs reprises les ramasseurs qui se sont probablement concertés au préalable, quémander les fruits sans engagement de prix.
Voici comment on opère : le tambour de ville est nanti d'une annonce qu'il publie à travers le village et aux termes de laquelle « M. X. achète les fraises au plus haut cours dans la grange de M. Y. »
Bien entendu, les fraisiéristes, qui doivent vivre, cueillent leurs fruits mûrs et les portent, mais par ce fait même, ils attestent qu’ils ont « mis les pouces » et sont prêts à accepter le prix qui leur sera fait, quel qu’il soit. Des ramasseurs sans conscience - il y en a ! - font ainsi de remarquables bénéfices.
Or, l’époque devrait être favorable à une vente fort satisfaisante pour le producteur lorrain, puisque, si la fraise commence à « donner » en abondance, nous sommes arrivés au moment où elle a cessé de produire dans la région provençale. Voici à ce sujet une dépêche d’Avignon :
« La campagne des fraises est virtuellement terminée dans la région vauclusienne.
Le personnel féminin, spécialement recruté dans les Alpes, l’Ardèche et la Lozère, pour procéder à la cueillette de ces fruits savoureux, a commencé à prendre le chemin du retour.
La saison des fraises a, cette année, été généralement déficitaire, comparativement à celle de 1926, par suite de maladies des plantes et de l’excès de l’humidité. »
Les déboires actuels des fraisiéristes mosellans sont d’ailleurs imputables purement et simplement au défaut d’organisation. Les intéressés l’ont, du reste, si bien compris qu’ont voit se multiplier les réunions préparatoires à la fondation de syndicats. Mercredi soir, une telle réunion s’est tenue au restaurant Génot, à Novéant-sur-Moselle, qui est devenu cette année un des grands centres de culture de la fraise. On s’est mis d’accord sur le principe : mais pour que les organisations syndicales puissent rendre leur plein effet, il faut non seulement qu’elles englobent tous les cultivateurs de fraises d’une localité, mais encore qu’elles groupent tous les villages où l’on s’adonne à la culture des fraises. Ce n’est qu’à cette condition que le producteur tiendra en mains le marché, qui jusqu’à présent lui échappe au bénéfice de l’intermédiaire.
Il serait aussi à souhaiter qu’une sorte de marché-soupape soit institué à Metz, et dans lequel les producteurs assureraient plusieurs fois par semaine aux ménagères des fraises destinées aux confitures, à des prix qui seraient avantageux aux deux parties. Metz a, c’est le cas de le dire, une puissance d’absorption que les fraisiéristes semblent oublier devant la fascination de la Sarre. (LL)

Samedi 18 juin 1927
DERNIERES NOUVELLES LOCALES (en première page)
La grève des fraisiéristes.
Nos lecteurs trouveront en 2ème page un aperçu détaillé sur la situation du marché des fraises.
Hier soir, à 23 heures, s'est terminée une entrevue des producteurs de Woippy avec les représentants et intermédiaires des grosses maisons. Les producteurs ont exigé 1 fr. 25 la livre au preneur, sinon on ne cueillerait pas.
Les commissionnaires n'ont pu donner de réponse ferme, prétextant qu'ils veulent se mettre en rapport avec leurs firmes. Ce matin, entre 10 et 11 heures, la réponse doit arriver.
A moins que, une fois de plus, on ne traîne les choses en longueur et qu'on ne renouvelle le triste manège qui consiste à laisser ignorer aux gens le prix jusque pendant la cueillette, et même après.
C'est ce que ne veulent plus tolérer les producteurs.

Les Fraisiéristes de fâchent.
La grève des bras croisés. Tous les villages solidaires.
Les événements ont marché, depuis la simple manifestation dont le Lorrain, hier, se faisait l'écho.
Hier matin, réunis dès 5 h. 30 à Woippy, les fraisiéristes de la « capitale de la fraise » ont proclamé la grève et, par leurs soins, des émissaires ont parcouru la région avec le mot d'ordre : « Pas de cueillette, pas de fraises. »
A l'exception de trois ou quatre « renards », comme il s'en trouve toujours lorsqu'il s'agit de faire preuve de solidarité et d'unanimité, les fraisiéristes ont tenu parole. L'oisiveté n'y a rien gagné, puisque quelques quarts d'heure plus tard, on pouvait voir ces braves gens occupés, qui à butter ses pommes de terre, qui à parfaire se fenaison. Tout au plus quelque « couaroil » de ménagères gardait-il de l'animation au village, commentant la situation et rappelant qu'il y a une trentaine d'années, sous l'impulsion du regretté curé Laurent qui devait laisser un si grand souvenir comme archiprêtre de Gorze, les intermédiaires avaient déjà été mis au pas, au prix d'une grève de trois jours.
Car enfin, ces gens-là qui s'en font accroire en répétant et en se répétant que les cultivateurs ne gagneraient rien sans eux, oublient trop volontiers qu'eux non plus ne gagneraient rien sans les cultivateurs. Et l'on cite des exemples révoltants de suroffres par rapport aux prix du syndicat, puis au contraire des manques de parole : le marchand, en possession des fruits, ergotant sur les prix qu'il avait offerts pour les avoir par les soins d'un ramasseur. Les fraisiéristes « tiquent » surtout sur la discipline et l'entente de ces marchands, qui leur fait soupçonner l'existence d'une organisation plus ou moins occulte dont, à bon droit, ils redoutent tout pour l'avenir.
Ils en donnent comme preuve que leur syndicat, ayant voulu, l'an passé, s'assurer le précieux débouché du marché de Bâle, vit bientôt ce marché submergé sous les fruits qu'y amenaient lesdits marchands prêts à subir des pertes pour ruiner l'initiative syndicale.
Que va-t-il advenir de cette grève originale ? L'enjeu est gros, car il s'agit du gagne-pain des fraisiéristes, qui ne veulent pas se résoudre à défricher les terres, planter et fumer les fraisiers - on sait ce qu'il en coûte - cueillir la fraise, pour le seul profit des intermédiaires. Mais Woippy n'est plus seul en cause comme il y a trente ans ; les fraisiéristes du Pays Messin vont-ils savoir se solidariser cette fois ? Alors qu'on a vu, avant-hier soir, des fraisiéristes d'alentour amener en gare de Woippy une dizaine de voitures chargées de fraises qu'ils se flattaient d'y vendre à meilleur prix, mais qu'ils n'hésitèrent pas à lâcher à quinze sous la livre.
Une visite dans nos villages producteurs de fraises nous permet d'ajouter aux données ci-dessus les détails suivants :
Une des raisons de la crise, et apparemment la plus visible, a été le gros orage de samedi soir et la pluie de dimanche. Par ces jours de mauvais temps, la cueillette était impossible et la fraise, trempée, se trouvait en de mauvaises conditions.
Mais lundi, l'affluence des marchands était considérable, à Woippy surtout. Les prix qui, lundi, étaient encore de 2 fr. 40 la livre, passèrent à 2 fr. 10 mardi et jeudi on a vendu même à 1 fr. 25.
Pourquoi : Les mauvaises conditions de transport de la fraise ont été certainement exagérées par les gros ramasseurs, et d'un malaise passager on a fait l'occasion d'un chantage à la baisse.
En outre, il y aurait peut-être encore une raison de spéculation qui entre en jeu. La floraison a été magnifique, mais, à la suite d'un coup de froid, - comme les mirabelles du reste, - la production de la fraise tardive ne répond pas à la floraison. Or, il se peut très bien que les gros marchands, venus dans le pays à la floraison, aient passé des marchés avec leurs preneurs sur la base d'une grosse récolte. Y a-t-il eu des marchés fermés ? Dans ce cas, on comprend que les gros acheteurs, qui ont spéculé sur la forte récolte, ne vont pas offrir les prix qu'exigerait la récolte moyenne.
Voilà quelques renseignements recueillis sur place. En attendant, Woippy a déclaré la grève, et on n'a pas cueilli hier. Saulny, Lorry, Fèves, Semécourt, Norroy, Marange, Moulins, Rozérieulles, Scy, Jussy, Novéant sont à peu près dans les mêmes conditions. Ces villages semblent vouloir se déclarer solidaires des producteurs de Woippy. Le cri de guerre : « Nous ne cueillons pas », paraît envahir tout le pays producteur.
Malheureusement aussi le découragement. Des paroles de dégoût et de colère sont prononcées. Les uns ont même dit : « Nous arracherons la fraise ».
La solution.
Ce ne sont là, évidemment, que des paroles et des moments de crise. Or, il appartient aux fraisiéristes eux-même de mettre fin à cette crise qui, malgré leur syndicat, et vingt-cinq syndicats, se renouvellera tous les ans.
Le syndicat n'est qu'un mot s'il n'a pas de moyens d'action. Certes, la fraise est un objet désirable et désiré, mais... on peut s'en passer, à la rigueur. Et puis, l'extension même de la culture fraisière a rendu plus difficile le maintien solide du lien syndical. L'abbé Laurent a fait l'œuvre nécessaire en fondant à l'époque le syndicat des producteurs : aujourd'hui, cette époque est dépassée, il faut autre chose.
Il faut l'usine. L'usine qui vienne appuyer l'œuvre du syndicat, qui vienne, aux jours de crise, absorber le trop-plein du premier choix, puis utiliser sur place le fruit de second choix, la queue de récolte, les laissés pour compte, par le moyen de la distillation liquoriste et surtout de la confiture.
L'usine, l'industrie fournira seule l'élément stabilisateur capable de limiter au minimum les vicissitudes infligées aux fraisiéristes, soit par les intermédiaires forts des qualités « périssables » de la fraise, soit par les intempéries qui diminuent la rapidité de la cueillette et les qualités de la fraise.
Le syndicat sans l'usine, - autant cracher en l'air.
On tient le coup un jour, deux jours. Et après ? Après, l'un ou l'autre cède, des rancœurs s'établissent, la production diminue, la terre est abandonnée.
Les paysans producteurs de lait l'ont compris. Leur syndicat, qui a compté 800 membres en un rien de temps, leur a claqué dans la main. Ils ont dû créer l'usine, l'usine coopérative. Le lait, matière périssable par excellence, n'attendit pas. Trois usines, aujourd'hui, pasteurisent 50 000 litres de lait. Pour faire hausser le prix du lait ? Non pas. Mais pour assurer au producteur un prix rémunérateur et pour permettre au paysan de rester sur la terre en gagnant mieux sa vie avec une vache ou deux.
Que les gens du Val de Metz le veuillent, et leur crise n'existera plus l'an qui vient. Le Crédit agricole leur avancera les fonds correspondant à leur nombre et à leur solidarité : Et demain, dans ces villages travailleurs, la fraise industrielle permettra aux producteurs de voir arriver avec joie et sans crainte l'époque de la cueillette.
Ces idées ont déjà été développées devant les fraisiéristes de Woippy, l'an dernier, par deux ou trois enragés coopérateurs agricoles. Ils avaient écouté en se promettent d'agir. Voilà une campagne perdue. Qu'ils se mettent à l'œuvre pour la campagne prochaine.
Un homme se dévoue beaucoup, à Woippy, pour l'organisation des fraisiéristes : Le sympathique M. de Ladonchamps. Qu'il achève le geste qu'il a si bien commencé. Il sera suivi. Agricola. (LL)

Dimanche 19 juin 1927
La grève des Fraisiéristes
La grève des fraisiéristes, que le Lorrain a suivie avec tout l'intérêt que mérite une affaire aussi sérieuse, touchant à la prospérité du Pays Messin, a pris fin dès hier dans les conditions qu'on lira plus loin. Elle a pris fin à l'avantage des courageux et probes travailleurs de la terre, en dépit des manoeuvres de division habilement conçues et poursuivies contre leurs intérêts, des bobards tendancieux et notes à la presse lancés à cet effet.
C'est ainsi que dans les centres de production éloignés de Woippy, et dans le plus important d'entre-eux, Novéant, le bruit avait été répandu dès vendredi soir que « les Woippy » avaient repris la cueillette, satisfaits d'avoir obtenu quinze sous de la livre, et qu'ils ne s'étaient mis en grève que parce que les marchands ne leur en avaient plus offert que dix sous...
On prend sur le vif la manoeuvre tentée : désolidariser les divers centres de culture, et amener les moins bien organisés à céder sur les points essentiels défendus par le Syndicat de Woippy. Dans les années qui vont suivre, si les fraisiéristes n'y prennent garde, on les dressera les uns contre les autres, de village à village - et ils seront mangés, tout comme leurs fraises. Diviser pour régner, telle est la formule appliquée par certains grossistes peu consciencieux.
Les prix qui ont continué d'être demandés à Metz hier au consommateur par les détaillants montrent surabondamment quelle marge existe entre les prix à la consommation - que ne majorent en somme qu'une ou deux petites opérations de transport et de manutention - et les prix payés au producteur qui doit amortir le prix de ses terres, payer son fumier, son replant et ses peines.
A Metz, hier, les prix demandés pour la fraise Madame Moutot - la « tomate » traditionnelle - variaient de 2 fr. à 2 fr. 50 la livre.
* * *
Ainsi que le Lorrain le faisait prévoir, des pourparlers ont eu lieu, dès hier matin, entre les ramasseurs et les producteurs à Woippy. Après bien des tergiversations, les producteurs tombèrent d'accord avec cinq ou six grossistes que les fraises seraient vendues 1 fr. 25 la livre. D'autres ramasseurs n'ont pas voulu s'entendre et ont tout de même pu charger des wagons à ... on ne sait quel prix.
Bref, à partir de 10 heures du matin, on a travaillé, cueilli à toute vapeur. A la gare, tout le possible a été fait pour charger beaucoup de marchandises.
Dans les autres villages de fraisiers, on a à peu près suivi le marché de Woippy, mais les mêmes indécisions s'y sont présentées plus fortement peut-être.
Nous constatons, une fois de plus, que la solution d'hier n'en est pas. Le producteur ne sait pas où il en est. On vit au jour le jour, d'heure en heure. Rien de précis dans le marché. Rien de fixe, de net. Et que le consommateur remarque bien qu'il ne gagne rien à cette incohérence, les fraises qu'il mange, il les payera aussi cher que si le producteur les vendait à meilleur compte. C'est l'économie générale du marché des fraises qui est malade. Et le marché ne se redressera que quand la coopérative de producteurs aura industrialisé la production fraisière - comme le fait l'agriculture. Sinon, c'est la ruine de la culture de la fraise et l'abandon de nos belles campagnes du Val de Metz. Agricola. (LL)
* * *
Grande réunion à Woippy.
Le président du Syndicat des producteurs de fraises de Woippy prie MM. les maires et présidents des localités où la fraise est cultivée, de bien vouloir se réunir aujourd'hui dimanche à 16 heures à la mairie de Woippy. (LL)
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Dimanche 19 juin 1927
UN CONFLIT INEDIT
LA GUERRE DES FRAISES DANS LE VAL DE METZ
Woippy. Un conflit aigu vient d’éclater entre les producteurs de fraises du Val de Metz et les acheteurs en gros ainsi que leurs intermédiaires.
Un confrère donne sur ce conflit les détails suivants :
Lundi, écrit le « Lorrain », qui a fait une enquête sur place, l’affluence des marchands était considérable, à Woippy, surtout. Les prix qui, lundi, étaient encore de 2 fr. 40 l kilo, passèrent à 2 fr. 10 mardi et jeudi on a vendu même à 1 fr. 25.
Pourquoi : les mauvaises conditions de transport de la fraise ont été certainement exagérées par les gros ramasseurs, et d’un malaise passager on a fait l’occasion d’une chantage à la baisse.
En outre, il y aurait peut-être encore une raison de spéculation qui entre en jeu. La floraison a été magnifique, mais, à la suite d’un coup de froid, - comme pour les mirabelles, du reste, – la production de la fraise tardive ne répond pas à la floraison. Or, il se peut très bien que les gros marchands, venus dans le pays à la floraison, aient passé des marchés avec leurs preneurs sur la base d’une grosse récolte. Y-a-t-il eu des marchés fermes ? Dans ce cas, on comprend que les gros acheteurs, qui ont spéculé sur la forte récolte, ne vont pas offrir les prix qu’exigerait la récolte moyenne.
Voilà quelques renseignements recueillis sur place. En attendant, Woippy a déclaré la grève, et on n’a pas cueilli hier. Saulny, Lorry, Fèves, Semécourt, Norroy, Marange, Moulins, Rozérieulles, Scy, Jussy, Novéant sont à peu près dans les mêmes conditions. Ces villages semblent vouloir se déclarer solidaires des producteurs de Woippy. Le cri de guerre : « Nous ne cueillerons pas. », paraît envahir tout le pays producteur.
Malheureusement aussi, le découragement. Des paroles de dégoût et de colère sont prononcées. Les uns ont même dit : « Nous arracherons la fraises ».

REUNION DES PRODUCTEURS
Le président du Syndicat des producteurs de fraises de Woippy prie Messieurs les maires et présidents de syndicats des localités où la fraise est cultivée, de vouloir bien se réunir aujourd’hui dimanche, à 16 heures, à la mairie de Woippy.

UNE LETTRE DU PRESIDENT DU SYNDICAT DES PRODUCTEURS DE FRAISES
Nous insérons bien volontiers la lettre suivante que nous adresse M. de Ladonchamps, président du Syndicat des producteurs :
Monsieur le Directeur du « Messin »,
Comme président du Syndicat des producteurs de fraises de Woippy, je tiens à vous faire part sans délai de l’impression très pénible que j’éprouve et qu’éprouveront tous les producteurs de fraises de la région, à la lecture de l’entrefilet paru dans le « Messin » d’hier, article erroné lorsqu’il dit que la récolte de fraises était « forte » cette année au pays messin et que le prix payé au cultivateur était « encore rémunérateur ».
Je souhaite que ne continue pas comme l’an passé la propagation de ces nouvelles tendancieuses contre les producteurs et ces coups d’épingle qui ne peuvent qu’impressionner dangereusement les esprits que je m’efforce d’apaiser. C’est pourquoi je me refuse à la polémique à laquelle j’aurais pu ma laisser entraîner.
J’ai la conviction que le « Messin » voudra bien me seconder dans ma tâche et, en remerciant sa direction, je la prie de croire aussi à l’assurance de mes sentiments très distingués.
H. DE LADONCHAMPS, Président du Syndicat des Producteurs de fraises de Woippy.
N. D. L. R. – Certainement, le « Messin » est prêt à seconder les efforts justes des producteurs. (LM)

Lundi 20 juin 1927
La crise du marché fraisier
Réunion des producteurs du Val de Metz.
Comme le Lorrain l’avait annoncé, les communes productrices de fraises du Val de Metz ont envoyé, hier après-midi, leurs délégués à une réunion qui s’est tenue à la mairie de Woippy. Près de vingt villages étaient représentés, beaucoup par leurs maires ou leurs adjoints.
Réunion très intéressante, comme toutes celles des producteurs, travailleurs et consciencieux : réunion surtout très symptomatique en raison de ce qu’elle fit, une fois de plus, ressortir tout ce qu’a de malsain le marché actuel de la fraise. Des exemples furent donnés, des cas furent exposés, qui dénotent une situation très précaire, très préjudiciable aux intérêts de toute la région et dont la conséquence fatale sera l’abandon de la culture fraisière et de la terre en général si une aide puissante n’est pas apportée rapidement aux producteurs. Pour cette année, il est trop tard. La crise avait été prévue l’an dernier, mais on a vécu au jour le jour, dans l’espoir que les choses s’arrangeraient d’elles-mêmes. Or, les choses ne s’arrangent jamais seules – et les producteurs de nombreux villages fraisiers seront forcés de s’en tirer vaille que vaille, sans que le consommateur voie les prix baisser sur le marché de détail, ou au moins pas dans les proportions désirables.
* * *
Mais n’anticipons pas. Le premier orateur fut M. de Ladonchamps, président du Syndicat des producteurs de fraises de Woippy. Fort de son expérience de fraisiériste et de son amitié pour ses compatriotes de la terre natale, il fit un exposé très complet de la crise actuelle, remontant aux embarras de l’an dernier déjà, apportant des exemples vécus de la situation instable du marché et des raisons, souvent peu propres, qui motivent cette situation. M. de Ladonchamps expose le rôle du Syndicat en général, de celui de Woippy en particulier, la façon dont il est combattu, la manière dont il faut le soutenir. Il jette un coup d’œil rapide sur le marché mondial de la fraise et précise ce que la Syndicat peut faire pour remédier à la crise et ce qui lui est impossible de réaliser. Comme le Lorrain le disait, le Syndicat sera impuissant s’il n’est pas soutenu par l’usine à transformation qui sera un agent fixateur des cours, et qui permettra aux producteurs syndiqués de tenir le coup en cas de crise comme celle d’aujourd’hui. M. de Ladonchamp termine, très applaudi, son exposé en demandant à M. l’abbé Ritz qui avait été invité à la réunion, d’exposer ses vues sur la situation.
De suite, notre orateur va droit au but. Des syndicats sans usine coopérative, c’était bon quand la fraise était l’apanage d’un seul village ou de deux, une sorte de monopole ; aujourd’hui, cela ne signifie plus grand chose. Faudra-t-il restreindre la production ? Non, dit l’orateur, au contraire, il faut produire, beaucoup produire. Voyez la production laitière en Moselle : grâce aux usines coopératives, le chiffre des vaches laitières a augmenté de plus de 30 000 têtes depuis 1919. C’est la richesse du paysan. Il aimera sa terre et il y restera si elle lui rapporte. Autrement…
Mais monter une usine, n’est-ce point trop de difficultés, n’est-ce pas aller au-devant d’un fiasco ? Pas du tout. L’affaire n’est certes pas un jeu, mais des hommes énergiques arrivent à leurs fins, malgré les critiques, malgré les coups de langue, malgré les crocs-en-jambe qui seront donnés. L’argent ? Le bas de laine du paysan en renferme. Le Crédit agricole en avance aux entreprises bien conçues. Les parts de coopérateurs sont à calculer sur des bases à fixer après mûr examen, de même les devoirs des coopérateurs envers l’usine coopérative. Du reste, les sommes à engager ne sont point bien considérables, le risque n’est pas grand. Tant mieux si l’usine n’a pas à travailler pendant la cueillette, ce sera le signe qu’elle aura bien rempli son rôle : elle aura toujours assez à faire pour la transformation des fraises impropres à la consommation à la main. Que la réunion ne se termine pas sans la création d’un comité provisoire avec lequel les coopérateurs de l’agriculture seront heureux de travailler.
Ces idées furent accueillies de grand cœur et un comité ayant M. de Ladonchamp à sa tête fut désigné sur place avec des représentants des principaux centres de producteurs. Tous sont décidés à réaliser leur idée au cour de l’hiver. A la saison prochaine, il faut qu’un ou deux centres de transformation soit créés.
On discuta encore quelques affaires courantes jusqu’à 19 h. ½. Le prix des fraises sera communiqué tous les jours dans tous les villages. La solidarité a été une fois de plus affirmée.
Pour ce matin, 1 fr. 20 la livre. AGRICOLA. (LL)

Mercredi 22 juin 1927
La campagne des fraises.
La récolte bat son plein. Le calme est revenu sur les villages producteurs de fraises du Pays Messin. Au moins le calme provisoire. La journée d'hier, qui fut chaude et qui semble bien devoir être la première d'une nouvelle série de jours ensoleillés, active la maturité. Il faut se hâter, mettre les bouchées doubles. L'acheteur étranger, une fois que les grosses chaleurs auront amolli le fruit, va raréfier ses commandes pour la consommation directe.
Mais déjà les confituriers locaux entrent en scène et achètent pour alimenter leurs usines. Ils ont commencé à prendre la fin des précoces et aussi le commencement des tardives. Les prix se tiennent à 1 fr.10 la livre chez le producteur. Espérons que la campagne s'achèvera, après le coup de chien de l'autre jour, dans le calme et l'entente. (LL)

Un essai de coopérative.
Ayant appris qu’Ancy avait commencé l’application de la Coopérative fruitière, nous avons été rendre visite, lundi dernier, à l’installation créée dans ce bourg intéressant de la vallée mosellane.
C’est, bien entendu, l’actif et chercheur M. Emile Guépratte qui a pris l’initiative du mouvement. Nous l’avons trouvé, affairé et heureux, dans son pressoir transformé en industrie fruitière, mettant au point les derniers aménagements de l’installation coopérative qu’il vient de monter. Une chaudière est en activité, le feu est alimenté au charbon et réglé au gré des besoins de la cuisson. Trois chaudières sont sur le point d’être achevées – elles le sont sans doute aujourd’hui – de grandes cuves sont là, en cas de besoin pour la fraise. Demain elles recevront les fruits. Un palan est adapté à une barre de fer circulaire, qui passe au-dessus des récipients, chaudières et cuves, et qui transporte facilement les bacs de cuisson ou autres charges nécessaires.
Nous sommes arrivés en même temps que le mécanicien qui devait montrer le maniement et l’utilisation de la sertisseuse, mise en marche par un petit moteur électrique. L’appareil fonctionne avec une grande simplicité et travaille très rapidement et très proprement.
Les boîtes qui doivent recevoir les fraises sortant des bacs de cuisson sont remplies : Une, deux, trois, voilà la première boîte hermétiquement close. M.Emile Guépratte en fait délicatement hommage au représentant du Lorrain.
Elle porte sur son couvercle, en repoussage, la marque de la nouvelle fabrique : « Coopérative fruitière d’Ancy-sur-Moselle, 57, rue Amiral-Guépratte ». Une étiquette autour de la boîte, et ce sera une pièce très présentable. Le temps de considérer le premier spécimen sorti de la sertisseuse, et déjà 10, 20, 50 boîtes sont là ; terminées, travail bien fini et propre.
La petite usine d’Ancy est montée sous forme de coopérative entre quelques producteurs courageux, dont M. le maire Nauroy. Elle n’accepte, bien entendu, la production que de ses membres. Et encore, elle ne désire travailler « que ce qu’il faut », c’est-à-dire qu’elle est là pour débarrasser de leurs fraises, et demain de leurs fruits, les producteurs surpris par une crise comme celle des derniers jours. Pour employer la juste expression de M. Emile Guépratte, c’est une assurance contre la crise. Tant mieux si l’assurance ne joue pas, c’est que le sinistre ne s’est pas produit.
Trois sortes de préparation de la fraise sont prévues : la pulpe, la confiture, la conserve au sirop, selon l’époque et la maturité et la qualité du fruit. Les débuts sont modestes, mais l’affaire peu coûteuse, nous paraît d’un rendement et surtout d’un effet certain.
Nous quittons M. Emile Guépratte plus rayonnant que jamais, non sans lui promettre de revenir bientôt voir en plein fonctionnement la « Coopérative fruitière d’Ancy-sur-Moselle ». AGRICOLA. (LL)

Dimanche 17 juillet 1927
Etat des cultures. Les fruits.
Sa Majesté la fraise a cédé la place à la groseille. Dernières fraises, dernières cerises.
Le prix de la cerise et de la groseille est inférieur à celui de la fraise. Si la cueillette de la fraise est plus rapide, par contre ce fruit printanier demande plus de travail préparatoire ; et puis, il ne réussit pas partout, ni partout de la même façon. Le Val de Metz, et le pays correspondant à l’ancien vignoble, restent et resteront, pour des raisons de géologie agricole et de situation commerciale, la zone des fraisiers. En certains endroits de la région le rendement brut a pu atteindre 400 fr. l’are ; ailleurs il a été moindre : 200 francs en certains villages et fraisières. Le rendement net est autre, évidemment. En tout cas, soyons heureux de voir un prix rémunérateur encourager les travailleurs du sol là où il y a quelques années (1921) le découragement était profond.
La groseille rouge a été vendue cette dernière semaine de 0 fr. 80 à 1 fr. 50 la livre à la production ; le 9 juillet elle valait 1 fr. 40 chez les revendeurs à Metz.
Les confituriers de la place ont enlevé les dernières fraises et les Sarrois continuent à enlever nos fruits, et donc nos groseilles.
Le cassis, ou groseille noire, reste d’un grand tiers plus cher que la fine groseille rouge du pays. La demande en cassis dépasse l’offre.
P. KELLER (« La terre Lorraine »). (LL)

Dimanche 20 mai 1928
A la veille de la récolte des fraises.
Producteurs et acheteurs ont tenu hier une importante réunion.
Hier matin s’est tenue à la sous-préfecture de Metz-campagne, sur l’invitation et sous la présidence de M. Geay, sous-préfet, une réunion, à laquelle ont pris part environ 60 représentants des acheteurs et des producteurs de fraises de la région, maires des principales communes intéressées et représentants du Syndicat de Woippy.
Le but de cette réunion était, ainsi que voulut bien l’exposer M. le Sous-préfet au début de la séance, de permettre aux producteurs et aux acheteurs de se réunir, afin de déterminer le moment de la journée auquel pourrait être connu le prix minimum offert par les acheteurs.
Au cours de la discussion qui se poursuivit, très courtoise, les producteurs exposèrent les inconvénients qu’ils subissaient en livrant leurs produits sans en connaître le prix.
Les acheteurs objectèrent que les prix d'achat à la production étaient conditionné, par la façon dont s'était comportée la vente du matin sur les marchés destinataires, et que les résultats de ces ventes ne leur parvenant qu'en cours de matinée, ils ne pouvaient déterminer ls prix la veille du jour d'achat, comme il leur était demandé.
Après échange de vues et compte tenu, comme le firent remarquer les représentants des acheteurs, que la récolte peut se diviser en deux périodes, l'une pendant laquelle les fraises sont destinées à ta consommation quotidienne, l'autre pendant laquelle s'approvisionnent surtout les fabriques, l'entente se fit dans les conditions suivantes :
Pendant la première partie de la récolte, le prix minimum d'achat pour la journée sera indiqué par les acheteurs pour 11 heures du matin, sauf de très rares exceptions en cas de ventes anormales, dont l'expérience du passé établit qu'elles ne se produisent qu'exceptionnellement.
Pendant la deuxième période, les cours pourront être indiqué un peu plus tôt, soit vers 8 heures du matin pour la journée.
Les producteurs déclarèrent être d'accord sur cette façon de procéder, tout en exprimant le désir et l'espoir que les cours de la deuxième période à tout le moins, puissent être connus la veille du jour de la livraison, ce désir ne semblant pas impossible à réaliser, dès l'instant où, dans le passé, les cours furent dans plus d'un cas établis pour deux ou trois jours, donc connus dans un délai plus long que celui actuellement demandé.
Le syndicat de Woippy transmettra très volontiers par téléphone, dans les différentes localités productrices, les cours minimum qui auront été déterminés comme il a été prévu ci-dessus.
L'assemblée étudia ensuite différentes questions relatives au transport et à la présentation des produits.
Concernant le transport, le service des chemins de fer s'est efforcé de donner satisfaction aux désirs qui lui ont été exprimés, et il a établi des horaires assurant les meilleures conditions possibles d'acheminement vers les différents centres de consommation. En retour, et dans le but de garantir une bonne arrivée dans les centres précités, il est indispensable que les producteurs veuillent bien organiser leurs travaux de cueillette de façon à pouvoir utiliser les trains spéciaux prévus, et cela sans occasionner aucun retard au départ. Les producteurs comprendront certainement toute l'utilité de commencer et surtout de cesser la cueillette plus tôt que les années précédentes. Afin d'arriver en temps voulu, les trains doivent partit à l'heure prescrite.
Concernant la façon de cueillir, il est incontestable que d'une façon générale, les paniers sont beaucoup trop pleins, il en résulte dans les différentes manipulations une détérioration des fruits qui ne peut qu'avoir une répercussion fâcheuse sur la tenue des cours des journées suivantes. Les producteurs sont donc invités à se conformer, dans leur propre intérêt, à la demande qui leur est faite de moins remplir les paniers.
La séance fut levée à une heure avancée et les applaudissements qui suivirent les paroles que voulut bien adresser M. le Sous-préfet en la clôturant, lui témoignèrent des remerciements et de la reconnaissance de l'assistance pour l'initiative qu'il avait bien voulu prendre dans un but d'intérêt général.
Pour les producteurs : H. de Ladonchamps, Président du Syndicat de Woippy.
Pour les expéditeurs : M. Chatam. (LL)

Vendredi 8 juin 1928
La cueillette des fraises est commencée
On nous écrit :
La cueillette des fraises est enfin commencée depuis deux jours, c’est intentionnellement que nous ne disons pas « récolte », car on ne peut qualifier de ce vocable le groupement des quelques rares paniers qui sont apportés dans les dépôts à une date où les années précédentes les expéditions se faisaient par wagons.
C’est seulement maintenant que l’on peut commencer à mesurer l’étendue des dégâts causés par les gelées des 12 et 13 mai : les premières fraises apparaissent avec un retard de 8 à 10 jours, et si l’on réfléchit que la récolte dure normalement cinq semaines, c’est donc déjà environ le quart au tiers de celle-ci qui est perdu. Il serait en effet, illusoire de croire que l’on retrouvera en fin de campagne ce qui a manqué au début de celle-ci : un temps simplement froid aurait pu ne faire que retarder la récolte, mais en de trop nombreux points, la gelée a nettement détruit les premiers fruits.
Si l’on ajoute la sécheresse de la dernière semaine de mai, si l’on considère aussi que le « coupe-bourgeon », petit insecte qui perce les hampes florales pour y déposer des œufs, entraînant ainsi le flétrissement de toutes les fleurs qui se trouvent entre la piqûre et l’extrémité des tiges, a particulièrement étendu ses ravages dans certaines régions des cultures fraisières, force est de prévoir que le tonnage de la récolte sera forcément réduit pour 1928.
Sans doute, en raison du développement des cultures, verra-t-on tout de même certaines quantités de fraises. Il ne faudrait pas en déduire que tout a été à souhait et que les plaintes sont exagérées. De nombreux producteurs n’ont encore rien cueilli et ne commenceront que la semaine prochaine, les autres n’ont encore presque rien fait.
Dans ces conditions, les prix ne peuvent que se tenir très nettement au-dessus de ceux de l’an dernier et encore est-il à présumer que leur augmentation ne couvrira pas les pertes.
Exagération ! Prévisions trop pessimistes, dira-t-on peut-être. Hélas non ! L’expérience du passé en atteste. C’est ainsi que d’après des chiffres certains, la récolte de 1926, bien qu’il n’eut gelé qu’une seule nuit, le 11 mai, ne produisit que la moitié de celle de 1924 et le tiers seulement de celle de 1925. Malgré le développement des cultures, la récolte de 1927 en raison de conditions climatiques défavorables, resta inférieure de un cinquième à celle de 1923. En 1928, la gelée a sévi tardivement par deux fois, la sécheresse a suivi au moment de la formation des fruits. Qu’en adviendra-t-il ? Il est à craindre que toutes choses égales d’ailleurs, la récolte de 1928 se trouve plus touchée que celle de 1926.
Pour le producteur de fraises comme pour tous les travailleurs de la terre, la tâche est âpre et dure, les journées bien longues. Et voici que depuis trois ans, l’inclémence des éléments vient bouleverser ses légitimes prévisions et compromettre les résultats que ses efforts et son rude labeur lui permettaient d’espérer. XXX (LL)

Samedi 9 juin 1928
Woippy. Le prix des fraises.
Les producteurs de fraises offraient hier, et offrirons encore aujourd’hui les fraises à 3 fr. 50 la livre, prix officiel du Syndicat. (LL)

Jeudi 14 juin 1928
Woippy. L’annuelle fête des fraises.
Pour agrémenter le séjour de nombreux étrangers à Woippy pendant la saison des fraises, aussi bien que pour distraire les non moins nombreux visiteurs ou amateurs de ce succulent fruit, une fête qui voit toujours une affluence nombreuse, est organisée tous les ans.
Elle aura lieu cette année dimanche prochain, 17 juin.
Jeux divers, attractions nombreuses et concert par la jeune musique de l’Union.
Les visiteurs seront les bienvenus.

Vendredi 31 mai 1929
Les fraises au pays messin.
Venant chaque année, dès la fin mai, réjouir les tables qu’elles égayent de leurs coloris éclatants après avoir fait la parure des campagnes, les fraises de notre région sont toujours impatiemment attendues de tous.
Cependant, c’est à peine si aujourd’hui les premiers fruits commencent à se former. Le manque de pluie du dernier automne, la rigueur et la durée de l’hiver où le thermomètre descendit fréquemment à 25 degrés, les alternatives de gel et de dégel qui précédèrent le printemps, la sécheresse persistante depuis des mois, sont d’autant de causes qui viennent malheureusement concourir pour retarder et bouleverser la récolte.
Il suffit de traverser les plantations pour constater combien celles-ci ont été éprouvées dans l’ensemble. Ici et là, de nombreuses places vides dans les alignements marquent les pieds disparus. D’autres plants ont trop souvent les hampes démunies de leurs pédoncules, comme si déjà les fruits avaient été cueillis. C’est l’œuvre néfaste du « Rynchites fragariœ » coléoptère qui, piquant de son rostre les hampes florales, en entraîne rapidement le dessèchement et la chute ; cet insecte, dont la taille ne dépasse pas deux millimètres, tombe à terre pour se cacher au moindre contact, et il semble que ses ravages soient plus importants les années sèches ou froides, lorsque la végétation, entravée dans son développement, ne permet pas aux pousses d’acquérir assez rapidement la dureté qui puisse les mettre à l’abri de ses attaques.
Les conditions climatiques entraîneront certainement en 1929 des perturbations dans la production. Les plantations de deux ans ont été plus particulièrement éprouvées par l’hiver ; celles plus anciennes subissent les effets de l’état de choses qui vient d’être rappelé et si l’on se souvient des gelées tardives au cours de la pleine floraison en 1926 et 1928, si l’on réfléchit que le fraisier ne produit pas la première année et doit être renouvelé tous les 4 ou 5 ans, il faut bien conclure qu’hormis certaines exceptions que l’on ne saurait ériger en règle, le cycle en cours des dernières années n’aura pas eu le rendement que beaucoup supposeraient, ni même plus modestement celui que le travailleur de la terre, dont les efforts restent les mêmes, était fondé à attendre de son labeur.
Les demandes des acheteurs sont nombreuses et nous souhaitons pouvoir les servir. L’étendue des cultures, dans la région, peut entraîner une production importante dans son ensemble ; il ne faudra pas oublier cependant la réduction qu’aura subie cette dernière pour chacun de ceux qui auront contribué à l’établir.
H. DE LADONCHAMPS, Président du Syndicat de Woippy. (LL)

Dimanche 9 juin 1929
Woippy. Les fraises.
Le temps pluvieux a retardé la maturité des fraises. Cependant, vendredi, on a recueilli quelques dizaines de paniers. Le prix aurait été de 4 fr. 50 la livre. Il n’y avait encore aucun mouvement commercial. (LL)

Jeudi 20 juin 1929
Les audaces du mercantilisme.
On étrangle les producteurs de fraises.
Une situation dont l'injustice révolte jusqu'aux plus endurcis est faite, sous nos yeux, depuis trois jours, aux cultivateurs de fraises du Pays Messin. C'est le beau résultat de l'accroissement, hors de toute mesure, d'un mercantilisme éhonté, mais aussi, il faut bien le dire, du manque total d'initiative et d'esprit d'organisation dont se sont rendus coupables les intéressés, en dépit de multiples avertissements.
En un mot, voici ce qui se passe : Alors que la récolte de fraises du Pays messin n'atteint, pour la campagne 1929, qu'un cinquième à peine de ce que donna la campagne 1928, les « ramasseurs », s'étant concertés, n'en offrent qu'un prix dérisoire. Puisque les chiffres ont une éloquence qui leur est propre, précisons que les fraises de premier choix, payées au producteur 3 fr. 55 la livre le 19 juin 1928, lui sont payées 2 fr. 50 le 19 juin 1929 - encore les « ramasseurs » n'ont-ils d'abord offert que le prix de deux francs. Nos lecteurs, pour apprécier maintenant la question, n'ont plus qu'à voir à quel prix les fraises sont offertes à la consommation, étant entendu que les fraises dont nous parlons sont de très grosses fraises tomates dans un état partait de fraîcheur et d'une qualité toute particulière cette année.
Atteints dans la quantité de leur récolte de cette année, les producteurs de fraises sont donc atteints de nouveau dans les prix à l'unité. Leur mécontentement se conçoit, d'autant mieux que la pénurie de la récolte actuelle leur était garante que les prix se maintiendraient avantageusement.
Mais ils avaient compté seuls. S'étant mis d'accord entre eux, les « ramasseurs » ont brusquement baissé leurs offres : en deux jours, et sans que le contre-coup en retentisse sur la revente aux consommateurs, les prix ont baissé de 4 francs à 3 francs puis à 2 francs. Baisse tout à fait anormale en ce temps de production déficitaire, alors surtout que dans les années de grosse production la baisse ne se fait que par paliers de cinq, dix ou vingt centimes tout au plus. La petite réaction qui s'est manifestée chez les producteurs - surpris en pleine inorganisation et donc désarmés devant la manœuvre - a tout juste permis hier au cours offert de remonter à 2 fr. 50 (vingt-et-un sous de moins par livre que l'an passé, alors qu'il y a 80% de fraises de moins!).
Les « ramasseurs», pour cimenter la solidarité qui les unit, ont été jusqu'à déposer chacun un dédit de mille francs qui serait perdu par celui d'entre eux qui majorerait les prix dont ils ont convenu - et nous nous demandons si ce fait ne suffit pas à caractériser le délit de coalition visé et puni par la loi.
Or, le « ramassage » des fraises est, cette année, une opération si fructueuse que les baraquements installés par les ramasseurs aux abords des champs ont plus que doublé cette année. Plusieurs communes ont d'ailleurs institué une redevance de cinquante francs pour l'entretien des chemins, payable par tous les constructeurs de baraquements non soumis à la contribution foncière et peut-être est-ce là un des motifs de la contre-offensive des ramasseurs.
En outre, ceux-ci se doublent de toute une équipe d'intermédiaires qui ont établi à Metz leur quartier général et, venus pour certains du fond de l'Allemagne, mènent là joyeuse vie sur le dos du cultivateur. C'est, en effet, en baissant les prix offerts au producteur, que certaines maisons pensent combler le déficit que leur cause l'excès d'intermédiaires. L'un des intéressés nous a confié que, abstraction faite de tous frais de transports, la marchandise était grevée de cent-vingt francs par cent kilos du fait des intermédiaires qui s'échelonnent entre le producteur et le magasin du commerçant allemand. Dans ces conditions, vu la multiplication toujours plus grande des intermédiaires, on peut escompter le jour où le producteur, en plus de sa peine, de ses frais de culture et de cueillette, devra encore débourser de l'argent pour assurer une rétribution suffisante à tous ceux qui s'interposent entre lui et le consommateur.
L'épreuve rend souvent injuste, c'est connu. Nous tenons cependant à protester par la plume, comme nous avons protesté de vive voix contre l'allégation qui nous a été jetée à la face, dans une gare de la banlieue, par un producteur exaspéré : « Tout ça - disait-il - c'est la faute aux journalistes : si vous faisiez un peu votre métier et si vous disiez leurs vérités à tous ce gens-là, ça n'arriverait pas. »
Nous répétons ici que le journaliste ne peut que suggérer des idées et faire écho des mouvements : où il n'y a rien, le roi perd ses droits. Que les intéressés s'organisent entre eux, ce qu'ils n'ont pas trouvé moyen de taire depuis tant d'années que nous les y invitons. Nous leur avons suggéré autrefois, pour rester les maîtres de la vente dans les années de grande production surtout, d'organiser des marchés locaux bi ou tri-hebdomadaires, dans lesquels se ferait la vente de demi-gros aux ménagères désireuses de s'approvisionner pour faire des confitures et qui viendraient volontiers de Metz et de plus loin pour cela. Si cette suggestion avait été suivie, en une faible année comme celle de 1929, toute la production aurait pu être écoulée ainsi à la barbe des mercantis, qui auraient reçu là la leçon qu'ils méritent - eux, et pas les journalistes. (LL)

Samedi 22 juin 1929
Le scandale des fraises.
Plusieurs intéressés ont bien voulu nous faire connaître leur satisfaction de l'article consacré par le « Lorrain » à certain abus flagrant du mercantilisme.
Nous n'ajouterons qu'un nouveau détail corroborant notre campagne : alors que mercredi soir des ramasseurs tentaient d'imposer aux producteurs le prix de 1 fr. 60 par livre de fraises, ces mêmes fruits en belle qualité se détaillaient à Metz à 3 f r. 75 la livre et plus encore.
On nous dit que depuis, le prix au producteur a atteint 2 fr. par livre. En tout cas, hier, la fraise en belle qualité se vendait au consommateur messin à 3 fr. 85 et plus.
Et comme nous parlions l'autre jour du placement des fraises mosellanes dans la confiturerie ménagère sinon industrielle, c'est peut-être le moment de reproduire cet entrefilet de l’« Ami du Peuple » du 21 juin :
« Ah ! qu’elle est bonne la confiture, la confiture que l'on trouve dans les coopératives militaires de l'armée du Rhin ! La boîte de 725 grammes est entourée d'une bande multicolore, sur laquelle se détachent un fruit magnifique et des inscriptions… en français, pensez-vous. Non pas… Et l’on comprendra quelle est la langue dans laquelle elles sont inscrites, lorsque nous aurons ajouté qu’au-dessus d’une étoile rouge se détachent ces simples mots : Made in U. R. S. S.
C'est vraiment inimaginable et nous demandons à M. le ministre de la guerre comment il se peut faire que les coopératives militaire de l'armée du Rhin se fournissent chez les Soviets ?? Et tant mieux si notre information est inexacte. Nous serons heureux de le reconnaître. » (LL)

Jeudi 27 juin 1929
La situation des producteurs de fraises.
Le « Lorrain » du 20 juin a bien voulu attirer l'attention générale sur la situation faite aux producteurs de fraises depuis le 17 juin. Je voudrais essayer d’exposer la situation de façon aussi objective que possible.
Il est entendu que la récolte de 1929 est désastreuse et que depuis l'introduction de la culture du fraisier en Moselle, jamais une semblable situation ne s'est présentée : hiver excessif, automne et printemps sans la moindre pluie, invasion des larves de hanneton, récolte réduite à un cinquième et peut-être à un dixième, récolte nulle pour beaucoup. Quels que puissent être les prix, jamais le producteur ne pourra être payé cette année de son travail et de ses peines. Beaucoup ne vendront même pas pour payer les 1 200 et 1 500 fr. de fumier qu’ils avaient acheté. C’est un malheur.
Mais aussi il n'est pas moins certain que les prix de début, grevés des frais de ramassage, ont été trop élevés pour les possibilités des consommateurs. Il est certain que le samedi 15, tous les acheteurs étrangers et français ont perdu, il est certain qu’à cette date les premiers ont refusé de prendre livraison de marchandise, dont ils ont déclaré la qualité médiocre en même temps que les frais de commission de ramassage étaient trop élevés (les chiffres de commission demandés ont été cités au cours d'une réunion tenue à Metz). Les expéditions du vendredi sont toujours très réduites. Certains producteurs ont, paraît-il, livré le samedi une marchandise de la veille, qu’ils présentaient comme cueillie le jour même. Il y eut des fautes individuelles qui ont nui à la collectivité.
Toutefois, les faits ayant entraîné la baisse ont été amplifiés. C'est ainsi que si la fraise de Wiesbaden a réellement concurrencé celle de notre région, ce ne fut pas dans la mesure annoncée. L’arrivée de celle de Hollande a été aussi dès le 24 juin, mise en avant à tort. La fraise de Hollande commence à peine, son prix à la production est si élevé qu’il empêche de l’expédier sur les marchés allemands où elle n'est attendue que dans le courant de la semaine prochaine.
La baisse a été exagérément prolongée. C'est une autre faute de la part de ceux qui en auront profité au détriment des producteurs déjà si frappés.
Bien que tous les acheteurs allemands aient été systématiquement écartés de Woippy, qu’ils ont tous quitté dès le troisième jour de la récolte, bien que malheureusement plus d'une localité n’ait pu obtenir que 2 fr., 1 fr. 80 et peut-être moins pendant les jours de crise, cependant le Syndicat de Woippy n’a jamais versé au producteur moins de 2,20 à la livre pour la fraise ordinaire, ni moins de 2,35 pour la grosse fraise tomate et il a toujours assuré le jour même le placement des quantités importantes reçues au cours de la journée. Les demandes qu’on lui adresse sont très importantes et, depuis le 22 juin seulement, il a reçu de différents centres d'achat une nouvelle commande de 12 wagons à livrer au cours de la semaine.
Mais le Syndicat n’oublie pas les petits commerçants et les ménagères, car depuis de longues années il vend, non seulement en demi-gros, mais au détail, à partir d’un seul panier, aux acheteurs qui viennent à son dépôt de Woippy. Dans la limite de ses disponibilités, le Syndicat de Woippy détaille tous les jours au prix de gros, mais de préférence le vendredi et le samedi. Le marché français et les marchés étrangers se sont bien améliorés. Quotidiennement en rapport avec Paris, Hambourg et Berlin, je peux préciser pour les producteurs qu’intéresse le marché allemand que celui-ci vit les cours du début de la semaine dernière tomber à 0 mark 45 et même 0 mark 30 à la livre ; le 22 juin ces prix se sont relevés à 0 mark 70 et 0 mark 80 le kilo à Hambourg, à 0 mark 60 et 0 mark 70 à Berlin. Le 24 juin le marché de Berlin était un peu plus faible et la fraise de Metz s’y traitait à 1 mark 20 le kilo. Cependant la température étouffante de la semaine dernière en Allemagne contrariait encore les ventes. Cette température s’est très rafraîchie depuis le 23 à la suite de pluies ; on en escompte un certain ralentissement dans les arrivages et une amélioration des cours pour le marché de la fin de la semaine. D’ailleurs il n’y a pas que l’Allemagne qui achète.
L’organisation syndicale, déjà ancienne à Woippy, semble avoir permis à cette localité d’être touchée moins durement par la crise qui s’est produite. Cette organisation doit se développer partout ; mais, je le sais, plus d’un hésite devant la tâche. Les résultats de Woippy sont là. Je reste comme toujours à l’entière disposition de tous ceux qui voudront bien me demander des renseignements à ce sujet. Il faut avoir la foi, il faut vouloir. Il faut agir.
H de Ladonchamp, Président du Syndicat de Woippy.
P. S. - Le Syndicat de Woippy présentera à l’Exposition quelques échantillons de ses produits du 27 au 30 juin. (LL)

Vendredi 12 juillet 1929
Fraises et groseilles.
La récolte des fraises tire à sa fin, et ce ne fut pas gai ; la quantité en fut plus que réduite à la suite d'un hiver rigoureux qui avait déchaussé les plantes, ensuite les fraîcheurs du printemps ont contrarié la floraison, en même temps que la persistance de la sécheresse venait achever de presque anéantir la récolte.
Le résultat fut des plus maigres, mais encore pouvait-on espérer que la disette des fruits amènerait au moins une hausse du prix de vente ; il n'en fut rien, bien au contraire ; la fraise avait failli, un moment être livrée à 1 fr. la livre, et, devant les protestations des vendeurs, le prix fut remonté à 1 fr. 30 ou 1 fr. 50 ; ces derniers jours, on cotait 2 fr. et 2 fr. 20.
Pour la groseille noire, ce fut bien autre chose. Il y a deux ans, le résultat fut merveilleux : réclamée par les négociants pour l'exportation en Allemagne et en Angleterre, elle était payée 300 et 350 fr. les cent kilos ; c'était encourageant et beaucoup se mirent à planter des cassis ; la production augmenta, et devant l'abondance des offres de vente, le résultat fut : 200 fr. en 1928, et, cette année, tenez-vous bien : 100 fr. les cent kilos! à peine le prix de la main-d'œuvre pour le ramassage!
Où est donc la solution de cet inquiétant problème ? Ce ne sont pas de pareils résultats qui maintiendront la jeunesse à la campagne. On nous dit : faites des syndicats! C’est aussi mon avis ; mais il serait indispensable qu'ils soient généralisés dans toutes les communes d'un canton, d'un arrondissement, faute de quoi le syndicat isolé est condamné à périr. Quel sera l'homme assez courageux pour se mettre à la tête de pareille organisation ? S'il réussissait, malgré les mauvais vouloirs et les jalousies individuelles, on devrait lui élever une statue et ce ne serait pas encore assez. (LL)

Mercredi 31 juillet 1929
La vie agricole.
La récolte des mirabelles.
Toujours plus « allant » que nos concitoyens lorsqu'il s'agit de la défense de leurs intérêts professionnels, les producteurs de fruits de Meurthe-et-Moselle ont eu samedi dernier leur première réunion, salle Déglin, sous la présidence de M. Didelon, M. Cournault, vice-président, M. Vincent, trésorier, M. Riol, professeur d'horticulture, et de nombreux membres, ainsi que des acheteurs de mirabelles, assistaient à la séance.
Après un exposé de la situation par le président et quelques interventions des producteurs, il est apparu que la récolte serait médiocre. Divers marchés ont été traités sur pied, d'autres au poids et le prix moyen peut être fixé à 200 francs les 100 kilos, rendus sur wagon gare.
Des acheteurs étrangers ayant demandé d'entrer en relations avec les syndiqués, réponse leur sera faite en temps utile, afin de ne pas perdre le contact pour l'exportation et maintenir les prix à un niveau honnête.
Nous ne savons encore comment les choses se posent dans le département de Moselle. En tout cas, la déception causée cette année à nos producteurs de fruits par le manque à gagner de la culture des fraises et des cassis les a remplis d'amertume et de découragement. Beaucoup ont parlé d'arracher tout, mais pour remplacer par quoi ? Le grand malheur est que la sévère leçon donnée les mois derniers aux producteurs par la mercante semble déjà oubliée et qu'on ne voit pas pointer la moindre promesse de meilleure organisation. Plusieurs, oubliant les difficultés passées et les incertitudes de récolte dues à des causes climatiques, parlent de replanter de la vigne et peut-être n’ont-ils pas tort, mais il faut avant tout que les producteurs du Pays Messin se persuadent de cette grande vérité des temps où nous vivons : réussiraient-ils à produire des fruits d'or massif qu'il leur faudrait quand même une organisation pour les vendre avantageusement. (LL)

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