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  Dernière mise à jour : 15 avril 2018

Woippy et la Chronique de Philippe de Vigneulles
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Etudes et écrits sur Philippe de Vigneulles


Cette page présente les textes de la Chronique de Philippe de Vigneulles dans lesquels est cité le village de Woippy. Ces écrits sont issus des Chroniques de la Ville de Metz rédigées par J.-F. Huguenin, imprimées et éditées par S. Lamort, Metz, 1838.

Avant cette présentation, quelques études et écrits sur Philippe de Vigneulles.

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Les Chroniques de Philippe de Vigneulles
(Histoire de Metz, Dom Jean François et dom Nicolas Tabouillot, Editions du Palais Royal, Paris, 1974. Préface, pages XI et XII)



Philippe de Vigneulles
(Emile-Auguste BEGIN, Biographie de la Moselle, Metz, Verronnais, 1832, Tome IV, p. 399-401)

Philippe de Vigneulles, ainsi nommé du village où il naquit, situé à une lieue de Metz, chroniqueur du 16ème siècle, marchand et citain de Metz, a la gloire d'avoir été le premier qui ait rédigé toute l'histoire de sa patrie. Son ouvrage, demeuré manuscrit, a pour titre : Chroniques de France, de Lorraine et de Metz ; il forme trois volumes in-fol. de plus de 800 pages chacun, se divise en quatre livres, commence à l'an du monde 2639, et finit à l'an de J. C. 1525. Malheureusement, le peu d'érudition et de jugement de l'auteur ne permet pas de le consulter pour tout ce qui précède le siècle où il a vécu. Mais à compter de 1400, les Chroniques de Vigneulles présentent un grand intérêt. Les Bénédictins, auteurs de la grande Histoire de Metz, y puisaient avec confiance. Ce recueil fait partie des archives municipales de Metz. Il en existe un extrait, formant un petit volume in-folio, à la Bibliothèque de la ville.
Au mois de novembre 1490, Jean Gérard, maire de Vigneulles, et Philippe son fils, furent enlevés de chez eux par trois hommes armés, qui les conduisirent à cheval jusqu’à Chauvancy-le-Château, où ils restèrent emprisonnés dans une tour pendant plus de deux mois. Ils ne recouvrèrent leur liberté qu’en payant mille florins du Rhin à deux habitants de Norroy qui les avaient fait arrêter. Le père s’était cassé la jambe en voulant s’évader. Philippe de Vigneulles nous a transmis, dans sa Chronique, l’histoire de sa captivité.
On possède du même auteur, un ouvrage ayant pour titre :
Cent Nouvelles nouvelles. Elles sont rédigées dans le genre des Nouvelles de la Reine de Navarre. Le comte Emmery, pair de France, possédait ce précieux manuscrit. Il se trouve probablement encore entre les mains de son fils.

Philippe de Vigneulles
(Annuaire historique et statistique du département de la Moselle pour 1835, publié par Verronnais, pages 71-86)
(En rayonnages aux Archives départementales de la Moselle)

Titre : NOTICE SUR GERARD DE VIGNEULLES
Philippe Gérard appelé Philippe de Vigneulles, d'un village du Pays Messin où il a vu le jour, naquit vers l'année 1467. Chroniqueur distingué, nous puiserons dans son ouvarge les détails .... suite : | clic |

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Voir : D. Calmet, Biblioth. Lorraine - Histoire de Metz, t. 1, préf., p. XI ; III, 13 - Le Temple des Messins, p. 164, 165 - Bexon, Histoire de Lorraine, Paris, Valade, 1777, in-8°, p. 220 - E.-A. Bégin, Histoire littér. du Pays Messin, p. 308, 313, 314, 321, 374.



Philippe de Vigneulles dans les différentes publications historiques messines et autres :

- Mémoires de l'Académie de Metz
1840-1841, « Table analytique des chroniques de Metz », M. Labastide, p. 122-133. | clic |
1850-1851, « Notice sur les chroniques de Metz publiées par M. Huguenin », Auguste Prost, p. 208-255. | clic |
1858-1859, « Notice sur deux chroniques messines des XVe et XVIe siècles », Auguste Prost, p. 215-242. | clic |
1913-1914, « Philippe de Vigneulles, un chroniqueur messin des XVe et XVIe siècles », Mme Marie Dorner, p. 45-110. | clic |

- L'Austrasie
1841, « Biographie de Philippe de Vigneulles, extrait de son manuscrit autographe », p. 130-134 et 343-351. | clic |
1854, « Lettres d'anoblissement accordées en 1601, par Charles, duc de Lorraine, à Philippe de Vigneulles, citoyen de Metz, petit-fils du chroniqueur », F.-M. Chabert, p. 263-269. | clic |
1854, « Le pot au lait. Les trois souhaits. Conte par Philippe de Vigneulles », H. Michelant. p. 373-381. | clic |
1867, « Le bourgeois de Metz au XVe siècle, Philippe de Vigneulles », C. Cailly, p.106-128 | clic | et 161-194 | clic |.

- Les Cahiers Lorrains | clic | (pour ces 7 extraits)
- Année 1924, pages 124-126 : Mémoire : Les Cent nouvelles Nouvelles de Philippe de Vigneulles, H. ABOUT.
- Année 1925, pages 68-70 : Mémoire : Notes pour un conte de Philippe de Vigneulles, Paul DORVEAUX.
- Année 1928, pages 64-65. La Chronique de Philippe de Vigneulles. Editée par Ch. BRUNEAU.
- Année 1929, pages 48-49. Date de la mort de Philippe de Vigneulles, L’Abbe J. FOEDIT.
- Année 1929, pages. La table alphabétique et les concordances des « Chroniques » de Huguenin, Roger CLEMENT.
- Année 1934, pages 151-152. Bibliographie P. GROULT.
- Année 1936, pages 5-6. La revue de langue anglaise : American historical review, de New-York, H.L. GRAY.

- Année 1983, pages 194-196. Philippe de Vigneulles : choses et mots du Pays messin. Pierre DEMAROLLE. | clic |

- Brochure
Conférences publiques de l'Hôtel de ville de Metz.
« Le bourgeois de Metz au quinzième siècle, Philippe de Vigneulles »
Conférences et lectures faites dans les séances des 20 février et 3 avril 1867 par M. C. CAILLY, Avocat, membre de l'Académie impériale de Metz.
(Typographie Rousseau-Pallez, Editeur, Librairie de l'Académie impériale, 14, rue des Clercs, Metz, 1867) (58 pages, non reproduites ici)

- Extrait d'ouvrage
« Les bourgeois de Metz au XVe siècle. Intéressante histoire de l'un d'entre eux : Philippe de Vigneulles ». (METZ à travers les siècle, Lille, Maison Saint-Joseph, Grammont (Belgique). Oeuvre de Saint-Charles de Borromée. p. 67-104. Sans date.) | clic |

- Annuaire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Lorraine
1925, « La Chronique de Philippe de Vigneulles », Charles BRUNEAU. | clic |
1930, « L'enlèvement du chroniqueur messin Philippe de Vigneulles et de son père Jean Gérard en 1490 d'après un document inédit », Marthe MAROT, p.1-8. | clic |
1938, Cinquantenaire de la SHAL. Discours de M. Ch. Bruneau : (18 pages, dont Philippe de Vigneulles) | clic |

- Société Lorraine des Etudes locales
« Le voyage de Philippe de Vigneulles à Rome (1486) »
Société Lorraine des Etudes Locales. Textes d'Histoire Lorraine, du VIe siècle à nos jours, Nancy, Imprimerie Georges Thomas, 27, rue Henri-Lepage, 1931, pp. 54-58. | clic |

- ANALES DE FILOLOGÍA FRANCESA. N° 3, 1989. PAGES. 129-138
Les Cent Nouvelles nouvelles de Philippe de Vigneulles : un cas de modalités inversées. Mme Marie-Thérèse NOISET (The University of North Carolina). | clic |

- Républicain Lorrain
Jeudi 1er novembre 1990
Novembre 1490. Une prise d'otages au XVe siècle (Mme BARTHEL, archiviste de la ville de Metz). | clic |



Jean-François HUGUENIN
(Les Chroniques de la Ville de Metz, par J.-F. HUGUENIN, imprimées et éditées par S. LAMORT - Metz, 1838)

Jean-François HUGUENIN naquit à Metz le 15 février 1795. Il entra en 1807 au collège impérial de cette ville, et, après y avoir fait ses études avec distinction, il fut admis, en 1813, à l'école normale, où se complétait l'instruction des jeunes professeurs de l'université. Mais, les communications s'étant trouvées subitement interrompues par les évènements militaires de l'époque, il ne put se rendre à sa destination, et fut chargé des classes élémentaires du collège de Sarrelouis. Après la cession de cette ville aux puissances alliées, il revint dans sa famille et fut attaché, en 1820, comme maître d'études, au collège royal de Metz. Pendant qu'il remplissait les fonctions si difficiles de cet emploi, il continua de s'appliquer avec ardeur à la connaissance étendue des langues classiques, et il reçut, au concours de 1823, le titre d'agrégé des classes de grammaire. Nommé en 1825 à la classe de sixième, il acquit, dans ce modeste enseignement, une réputation méritée, et passa en 1831, à la chaire de quatrième. La clarté de ses leçons, la douceur de son caractère et le tact heureux avec lequel il savait manier l'esprit de la jeunesse, lui attirèrent de plus en plus la confiance des familles et l'affection de tous ses élèves.
Tels furent les événements bien simples de la carrière de M. Huguenin dans l'université. Mais, pendant qu'il en accomplissait les devoirs, son amour pour le travail ne se reposait point. Après avoir étudié les langues anciennes, il s'occupa de recherches actives sur l'origine et la formation de la nôtre. Il s'y livrait depuis quelque temps, lorsqu'au mois de septembre 1834, l'académie royale de Metz, présidée par M. Le Masson, ingénieur en chef des ponts et chaussées de la Moselle, le chargea d'aller à Epinal recueillir les chroniques manuscrites relatives à l'histoire du pays messin, qui faisaient partie de la bibliothèque de cette ville. La municipalité d'Epinal s'empressa de mettre ce qu'elle possédait à la disposition de M. Huguenin, et M. le bibliothécaire Parisot favorisa ses recherches avec la bonté la plus prévenante.
Dans un séjour de trois semaines, M. Huguenin découvrit plusieurs ouvrages précieux, et, entre autres, la chronique de Vigneulle et celle dite de Praillon que l'on croyait perdue. Ces manuscrits lui furent confiés, et il obtint encore de la bibliothèque royale plusieurs documents nouveaux parmi lesquels se trouva la relation inédite du siège de Metz en 1552, écrite par Chanatz. M. le baron Sers, préfet du département de la Moselle, adressa toutes les demandes nécessaires pour le déplacement des manuscrits, et ces démarches furent toujours suivies du plus heureux succès. Aussi la satisfaction de M. Huguenin était au comble ; et les personnes qui s'intéressaient à ses travaux l'ont entendu souvent exprimer avec effusion la reconnaissance vive que lui inspirait le zèle éclairé de l'administrateur de notre département.
A la fin même de 1834, M. Huguenin commença la lecture et la transcription des volumineuses chroniques qu'il avait réunies. Ce fut à titre d'échantillon qu'il en tira, de concert avec M. de Saulcy, les détails relatifs au siège de Metz en 1444. Poursuivant avec ardeur la rude tâche qu'il s'était imposée, il l'acheva dans l'espace de trois années. Ses amis qui le visitèrent alors furent témoins de son héroïque patience ; toutes les heures de repos étaient données au travail ; et c'était, le plus souvent, dans le calme du soir, aux premières lueurs encore silencieuses du jour, que, reprenant son œuvre, il voyait se ranimer, dans les récits d'un conteur naïf, toute la vie des temps passés. Mais il y avait là pour lui autre chose encore que du plaisir. Avant de saisir les faits de l'histoire, il lui fallut plus d'une fois s'arrêter laborieusement sur des mots ou des lignes presqu'illisibles, éclaircir le sens, en fixant la ponctuation qui manque aux anciens manuscrits.
Malheureusement, dans le cours de son travail, il ressentit les premières atteintes d'une affection douloureuse de poitrine. Mais son courage lutta longtemps contre le mal qui pourtant faisait chaque jour des progrès, et il ne persévéra pas moins dans son entreprise avec une assiduité inquiétante pour sa famille et ses amis. Il touchait enfin aux dernières pages, lorsque M. Guerquin, son ami, adressa au conseil municipal de Metz, un rapport dans lequel il faisait connaître la publication prochaine des chroniques. Le conseil, et à sa tête M. le maire Bompard, vota unanimement une médaille de 1000 francs à l'auteur du travail, et une somme de 1000 francs pour les premiers frais d'impression. Mais M. Huguenin ne goûta pas longtemps la joie vive et pure que lui cet encouragement si flatteur. Le premier jour de janvier 1838, sa maladie prit tout à coup un caractère alarmant, et, le 28 du même mois, elle l'enleva à sa famille, à ses amis, à la jeunesse de notre cité.
Ce qui distinguait ce savant professeur, c'était une grande sagacité d'esprit jointe à une érudition étendue. Mais il ne se faisait pas moins remarquer par la droiture et l'extrême sensibilité de son âme qui le rendaient si cher à ses amis. L'aménité seule de son abord, la simplicité et la douceur de ses paroles, son obligeance empressée, inspiraient, dès le premier moment, une confiance irrésistible qui se changeait bientôt en une secrète amitié ; et l'on peut dire qu’il avait gagné, sans le savoir, l'affection d'une foule de personnes dont il était à peine connu. Il y a peu d'hommes cependant que leur timidité ait éloignés, plus que lui, du commerce du monde. Ami de la nature, dès son enfance, il n'avait pas de plus grand plaisir que d'en aller goûter presque chaque jour, les beautés attendrissantes. S'il était seul, il prenait pour compagnon de voyage quelque livre écrit par un homme sensible et vertueux ; à l'ombre d’un arbre ou d'une feuillée solitaire, il recueillait les pensées des intelligences supérieures et se les appropriait plus doucement encore, sous le charme des impressions dont il était environné. Fénélon, Racine, Lafontaine, Charles Bonnet, Delille et les écrivains qui leur ressemblent, étaient ses auteurs de prédilection. Chez les anciens, il aimait particulièrement les vers de Virgile, que les belles scènes de la nature rappelaient souvent à sa mémoire.
A ces habitudes graves se mêlait encore, dans M. Huguenin, une gaîté franche et naïve où se peignait toute la candeur de son âme. La bonté était en effet le trait dominant de son caractère ; elle lui faisait craindre souvent que l'on ne fût trop sévère pour les fautes d'autrui ; et ses amis remarquaient que, si parfois on en reprenait quelqu'une devant lui, aussitôt il faisait valoir les motifs d'absolution ou d'indulgence.
Telle fut la vie de M. Huguenin, vie modeste et cachée, dont jamais il ne soupçonna même que l'on dirait quelque chose.

Woippy dans la Chronique de Philippe de Vigneulles

1324 (page 46)
Ledit jour meysme, ilz allont à Woippey, qui est à la grande eglise, et y firent mettre le feu et brullont la maison et les manoirs Jehan Ancel. Ilz mestoient le feu par tout, se dont n'estoit que les armes desdits quaitre seigneurs y fussent minses ; et avoient cest accord et appointement que on ne pouvoit rien gairantir sans le consentement d'eulx, et que les armes et banieres desdits quaitre seigneurs y fussent minses ou plantées. Et retournont en leurs logis et camps ; et avisant ensemble qu'ilz polroient là longuement sejourner et ne polroient gaingner ne conquester icelle cité, conclurent que le londemain, lundy, du matin, chascun retourneroit en son pays. Et ledit diemanche, environ heure de complies, lesdits quaitre seigneurss ordonnont à leurs fourriers de faire partir leurs cherts et cherrois, et enmenerent et chairgerent tout ce qu'ilz polrent, tant qu'ilz n'avoient en leurs camps que maingier. Et ardonnont, la nuyt ; faire meilleur gait qu'ilz n'avaient acoustumé : et n'y avoit seigneur qui ne fust sur sa garde, car ilz craindoient que les Metsains ne les allassent assaillir.

1373 (p. 113)
Audit an, les eaues furent si grandes par tout le monde, qu'elles furent hors de rive par tout, de sorte que depuis le deluge, elles ne furent oncque si grandes : tellement que Moselle s'espandist depuis la porte de pont des Morts jusques à Waippey, et entrait jusques à l'eglise de Sainct Eloy. Et dura ladicte yawe trois jours et trois nuyts. Et pleust dès la saint Remey en jusques aux burres, excepté huit jours qu'il gella.

1387 (p. 118)
Item, en celledicte année mil iijc et lxxxvij, le vingt sixiesme jour de may, revint le comte de Sainct Polz devant l'abbaie de Gorse sur ceulx de Mets , et envoiait en Mets le seigneur Robert de Hervilley et plusieurs aultres pour traicter qu'il puisse avoir de l'argent desdits de Mets, ou aultrement il assailleroit Gorse, comme il fist : auquel assault y fut mort Jehan le bataird. Mais neantmoins touttes ces choses, on ne voult escouter nul traictié parquoy il puisse avoir argent. Et quant il vit qu'il n'averoit point d'argent , il se deslogeait de Gorse et vint logier à Woippey devant Mets, et demandait la baitaille, et y fut ung jour ou deux , sans avoir response : puis se deslogeait et s'en retournait arriere devers Ligny en Barrois. Et tantost apres, lesdits de Mets firent une chevaulchié sur ledit comte de St Polz et s'en allerent à Maindor, au vault de Roussy, et illec bouttairent les feux et l'ardirent toutte, et encor cinq aultres villes que tenoit celluy comte de St Polz. Et alors vinrent ceulx de Rommis avec grant nombre de gens de pied ; et avec iceulx vinrent à frapper sur les ardans de Mets , et lesdits de Mets leur corurent sus et en prinrent plusieurs qu'ilz ramenerent prisonniers à Mets : puis ce fait, se reminrent en leur chemin ; et le jour de la sainct Burthelemin l'apostre, retounerent à Mets.

1429 (p. 166)
Le merquedi, vingtiesme jour dudit mois de jullet, audit an, plusieurs de l'armée dudit duc de Loraine, c'est assavoir, son gendre René, duc de Bar, passa Muzelle au weid à Ollexey, avec sa bande, et passont devant les ponts, le pont des Morts, et le pont Thieffroy ; lesquelx bouttont le feu et ardont les bleids devant lesdictes portes du pont des Morts et du pont Thieffroy, dont Waippey en estoit ung ; puis s'en r'alla en son pays. Et disoit on qu'il s'en alloit au couronnement du roy de France ; mais il avoit trop demeuré, car c'estoit desjay fait.

1443 (p. 214)
Le douziesme jour dudit mois d’apvril, ceulx de Comercy et Fleville, en nombre de trois cents et plus de gens d’armes, furent boutter les feux à Thignonmont, à Lorey et à Waippey : dont les soldairs de Mets leur allerent courre sus ; mais ilz les rechaisserent jusques sus le pont des Morts : puis leverent les buées de dessus les waccons et prindrent tous les drappelaiges que les femmes y avoient estendus ; et ce fait, paisiblement s’en retournerent.

1444 (p. 218)
Le dix neufviesme jour dudit mois de may, vint Phillebert de Savegney, escuier, et Geraird Peltre, avec huit vingt compaignons de guerre, dont on ne se gardoit ; car on n’avoit rien à besoingner avec eulx. Et sans causes ni raisons ne deffiance preceldente, vindrent faire course à Woippey et bouttont le feu en une maison, et prindrent ce qu'ilz peulrent de gens et de bestes et d’aultres biens ; mais, pour ce que chescun estoit sur sa garde, ilz n’y firent mie grant dopmaige. Jay soit ce que pour lors on n'eust nulle crainte dudit Phillebert ne de ses compaignons, pour ce que on n’avoit rien à besoingner avec eulx, niantmoins considerant que, à tort, sans cause et sans deffiance ; ilz avoient couru, ilz envoyont incontinent apres leur deffiance. Vous, les lisant, avisez si c’est tour de noblesse et de gens de guerre, qui veullent avoir renommée d’honneur : c’est une scille apres moisson.
(p. 232)
Le dixiesme jour (de novembre), vigille de la st Martin d’hyveir, plusieurs soldairs à cheval et pietons se partirent de Metz et en allont devant la forte maison de Woippey, et vigoureusement l’assaillirent ; mais ilz n’y firent rien et furent tres bien servis. Et deux jours apres, Wargaire et ses compaignons soldairs se partont de Mets, allant à leurs aventures ; et à leur retour, remenont dix escorcheurs entre lesquelz estoit Gillesson de Lompuey, sire du chaistel de la Werve en Gernesey, qui par avant estoit homme de la cité.
(p.234)
Ledit dix septiesme jour (de novembre), par l'ordonnance des seigneurs sept de la guerre, de nuyt, sus les huit heures, se partirent de la cité environ quaitre cents pietons bien embastonnés et cent soldairs desquelz Jehan de la Plume estoit capitaine. Et en allont devant la forte maison de Laidonchamps, et fut assaillie de telle vigueur qu'elle ne dura mie deux heures, et fut prinse et arse ; et y furent prins dix huit prisonniers françoys escorcheurs, ung presbtre, une femme, vingt et ung chevaulx de selle, six vingt gras porcques, et laissont alleir plus de quarante et huit cowes de vin. Et y eult trois ou quaitre Françoys brullés en ladite maison, et ung gentil homme qui eult la gorge coppée, pourtant qu'il ne se voult rendre prisonnier, se dont n'estoit en la main d'ung gentil homme. Et ainsy, tous les jours, ceulx de Mets sailloient sur leurs ennemis et faisoient tellement qu'ilz ramenoient prisonniers, vivres, chevaulx et aultres baignes et bottin.
Le londemain, dix huitiesme jour dudit mois, apres le disné, lesdits françoys escorcheurs qui estoient logiés à Woippey qui est assez pres dudit Laidonchamps, quant ilz furent advertis comment il estoit advenu à leurs compaignons qui estoient logiés audit lieu, eulrent telle crainte et peur que eulx mesures boutterent le feu en leurs logis, et en diligence se partirent, pronosticant et fuyant ce qui leur estoit advenir, et en allont à Tallange ; car s'ilz n'eussent ce fait, il estoit ordonné et conclu que au second jour apres, on les eust allé visiteir et fait comme ausdits de Laidonchamps ; et s'ilz ne se fussent rendus, de leur pis faire. Et si ledit Jehan de la Plume se fust avisé de retourneir par devant icelle plaice et les assaillir, ilz avoient si grant peur qu'ilz se fussent rendus de prime face, par la crainte qu'ilz eulrent de ceulx qui furent brullés à ladicte Laidonchamps, si comme il fut raconté par aulcuns prisonniers qu’ilz detenoient leans.

1445 (p. 250)
Le premier jour d’aoust, l’an dessusdit, environ les cinq heures apres midy, fist grant vent et merveilleuse tempeste, fouldres et tonnoires, et chéoit grelle à puissance, si que il sembloit que tout deust fondre, et fist grans dopmaiges en les finaiges de Salney, de Vigneulles, de Lorey devant Mets, Woippey, Noweroy devant Mets et moult d'aultres bans et finaiges en la terre de Mets, jusques aupres de Thionville, et en la Woivre, le large d'une lue et demie ; car la pluspart des vignes et arbres qui estoient tant beaulx que on ne les pouvoit mieulx soushaiter, furent gaistés et tempestés. Aussy par icelluy vent, fouldre et tempeste fut abattue la belle croix devant le pont des Morts, au chief du pont aux loups, que seigneur Nicolle Louve avoit fait faire, comme cy devant est jay desclairé sus l'an mil iiij et xl, laquelle avoit cousté une grosse somme de deniers ; et fut merveilleusement desrompue, dont plusieurs gens en furent dolens et marris. Et le fut on dire et annoncier audit seigneur Nicolle Louve qui l'avoit fait faire de ses mailles et deniers, qui respondit : Loué soit Dieu ; sa vollenté soit faicte. Et peu de temps apres, ledit seigneur Nicolle Louve la fist reffaire plus belle et plus forte que jamais n'avoit esté.

1449 (p. 266)
Le jour de sainct Sacrement, l'an dessusdit, l'evesque de Mets fut adverti que le curé de Nomeney juoit aux dez avec plusieurs layes gens. Et à cause que icelluy curé estoit acoustumé de juer et jureir, il avoit, present notaire, soy obligié, juré et promis de non recidiveir, present notaire ; et s'il faisoit le contraire, il renonçoit à sadicte cure de Nomeney. Ledit evesque, voulant gardeir l'honneur de Dieu et ne condampneir ledit curé sans l'avoir oy, le manda querir devant luy pour luy desclairer le cas dont il estoit accusé, et ce que par avant il avoit promis et cranté et soy obligé par instrument de notaire. Et pour ce que à l'avenir il ne puist mie dire que on luy eust fait tort, il commist juges pour recepvoir preuves et monstrances et prouveir comment il avoit juré et juré et maulgreé Jhesucrist, la vierge Marie, les saincts et sainctes de paradis : parquoy ledit evesque le priva de sa cure, et fut condampné à cent florins d'or de Mets d’amende. Et pource qu'il ne se puist du tout plaindre et mesconteuter, il luy fut donné la cure de Woippey empres de Mets, pour sa vie nutritive, qui estoit chaingier vessie pour lanterne. Et ces choses furent faites le dixiesme jour de jullet.

1475 (p. 418)
Le quinziesme jour dudit mois de jung, le duc de Lorraine et les Françoys se despartont, bien maitin, et passont par l’isle devant le pont des Morts. Et estoient environ huit mille, et deux cents cherriots menant vivres et artillerie; et allont logier à Waippey, à Semecourt, à Noeroy, à Piervilleir, à Rombay et ez villaiges à l'entour. Monseigneur le duc de Loraine fut logier à Mairange, et monseigneur de Cran à Rombay, et firent beaucoup de mal et domaige. Ilz brulloient cuves et tonnelz, laischoient hors les vins et broient les broches des tonnelz, et en aultres manieres faisoient tous les malz qu'ilz pouvoient. Ledit duc de Loraine fist boutteir le feu à Mairange et en l'eglise qui est de la duché de Lucembourg, et subitement se partirent comme en desarroi ; je ne sçay s'ilz estoient espoantés ou s'ilz doubtoient d'estre battus.

1481 (p. 443)
Le dix neufviesme jour de jullet, on volt brulleir deux sorcieres à Saulney, dont l'une renoia tout ce qu'elle avoit cognu et, pour celle heure, ne fut point brullée, mais l'autre le fut.
Le samedi, vingt uniesme jour de jullet, on brulla à Voippey deux femmes pour sorcieres. En celluy temps, y avoit à Vigneulle une femme prinse pour sorciere, laquelle se estrangla d’elle meysme en la prison. A Mairange y avoit deux femmes prinses pour sorcieres, dont il en y eult une qui se estrangla d’elle meysme et l’aultre fut brullée.

1482 (p. 452)
En ce temps regnoient plusieurs loupz devorans et dangereulx ; car, en l'an devant, en avoit eu ung qui avoit estranglé plusieurs enffans. Et sembloit à conjecturer qu'ilz eussent entendement ; car les enffans ou aultres qu'ilz devoroient, ilz les empoignoient avec les dents par la gorge. Le premier fut à Waippey et en print encor en trois ou quaitre villaiges avant que on s'en donnast en garde. Si avint que ce loup vint à Plappeville, et, pour estrangleir ung enffant, corrut apres en une maison où l'enflant se saulvoit, et là fut ce loup encloz , prins et tué. Mais en presente année en suscita ung pire et d'aultre sorte que ledit premier. Et comme avoit fait l’autre premier loup, le second à son acomencement entra en la ville de Waippey où il étrangla ung enffant : puis en print deux à Lorey devant Mets, dont le dairien fut prins devant leur maison, et estoit mené d'ung aultre enffant qui le tenoit par la main. Et a Vigneulle, en ung villaige tout empres, il print deux jonnes filles de treize et quatorze ans. L'une d'icelles, qui estoit une tres belle fillette, fut prinse à la fontaine, et ceste tres perverse beste la saisit par la gorge et l'estrangla et de ses dents luy pella la teste tellement que, au londemain, en ung gerdin pres d'icelle fontaine, on trouva une piece de sa peaul où il y avoit des cheveulx pendans. Niantmoins ceste pouvre fillette fut rescousse et rapportée en l'hostel de son peire, comme morte, et revint ung peu à sa parolle et demanda pardon à Dieu et aux assistans, puis rendit l'esperit. Et moy, l'escripvain de ces presentes, je la vis molrir en grant pitié. La seconde fille que ceste perverse becte print à Vigneulle, estoit plus aigiée, et estoit en une vigne derriere leur maison, qui chantoit à haulte voix ; et au pres d'elle, sus ung serisier, estoit ung jonne filz qui cueilloit des serises, et à l'oyr chanteir prenoit plaisir.Et en chantant, subitement ceste becte perverse vint, la gueule bayée, et la print par la gorge de telle force qu'il l'estrangla, sans mot dire ne braire. Et quant ledit garson ne l’oyt plus, il luy dit : Ysaibeau, tu ne chantes plus ; et en ce disant, il resgarda au lieu où il l'avoit veue, et vit que le loup la maingeoit. Et avoit celle coustume qu'il empoignoit les gens par la gorge, tellement qu'ilz n’avoient l'espace de dire ung mot ni de parler. Et ledit loup estrangla deux enffans à Lessey, deux à Salney, à Chaistel deux ou trois ; et, par compte fait, en divers lieux, en furent trouvez en jusques trente cinq ou quarante, sans ceulx et celles qui furent en dangier. Et pour ceste raison, fut force aux femmes et meres qui avoient enffans, de les enfermeir en leur maison. Et par les villaiges furent faits plusieurs edictz et ordonnances en divers lieux, et fut ordonné que incontinent que on le verroit, que on criast apres et que on se assemblast pour l'assaillir et le tuer, ce qui depuis fut fait. Et couroient apres avec paulz, massues, picques, espieulx, arbolestres, collevrines et aultres bastons, comme si ce fust esté apres gens de guerre. Et par comandement, nulz hommes n'alloient en la vigne ni aux champs, sans bastons. Et par cry publicque fait en Mets, le dairien jour de jullet, fut huchié que quiconcque le polroit panre ou tuer, la cité luy donroit cent solz ; et en plusieurs villaiges promirent de donneir, l'ung vingt solz, aultre trente solz et aultre quarante solz. Et pour ce, plusieurs se parforçoient de l'avoir ou le tuer, les ungs avec cordes et filetz, les aultres, avec arbollestres et collevrines ou avec aultres bastons. Et fut ceste beste plusieurs fois sourprinse et enclose entre les filetz et cordes par plusieurs gens, tellement qu'il sembloit qu'il n'en deust jamais eschaippeir ; et alors qu'ilz le cuydoient tenir, il estoit arrier d'eulx et deschiroit leurs rectz et filetz aux ongles et dents, comme si ce fust filetz de soye, et passoit oultre : dont les ungs disoient : C'est ung diable ou ung malvais esperit ; aultres, qu'il avoit le diable au corps ou il estoit ung loup araisnié ; et n'en pouvoit on venir à debout. Or est il ainsy que, durant ces entrefaictes et malz, fut ung audacieulx compaignon, nommé Piersson de Bar, qui, voyant le prix et somme d'argent que on donnoit à celluy qui le loup tueroit, comme dit est, se aventurait de entreprendre ceste affaire, le tuer ou y demeureir. Et tant que, le quatriesme jour d'aoust, apres tous lesdicts edictz et huchemens faits, se vint abordeir en ung villaige où la renommée estoit que ledit loup frequentoit souvent, nommé Plappeville, devant Mets, despendant de l'abbaye de St Simphorien, et emprunta ung chaulqueur ou pressoir à vin, au dehors de la ville, où il se alla mettre la nuit en embusche, et fist rompre et percer la muraille. Et en cest endroit fist ledit Piersson ameneir une chairongne de cheval nouvellement mort ou tué, à cause qu'il avoit ceste conjecture que ledit loup estoit affamé, pource que chescun le chassoit et huoit. Si fut ainsy que ledit Piersson l'avoit predit : il advint que ledit loup de famine se vint à panre de bonne sorte à ceste chairongne. Et rendoit lors la lune sa clairté, parquoy ledit Piersson le pouvoit evidemment veoir et bien adviseir : à la clairté de la lune, print sy bien sa visée que d'une arbollestre tira ung traict audit loup au costé entre la jambe, le derriere et le petit ventre. Et ce fait, ledit Piersson, avec ung espieulx de braconnier, sortit hors dudit pressoir, à avec son espée au costé et vint assaillir ledit le loup, lequel, combien qu'il fust blessé jusque à la mort, se dressa sur ses pieds de derriere, le cuydant prendre par la gorge, comme il avoit acoustumé, avec gueule bayée. Ce véant ledit Piersson, luy assena si bien son espieulx en la gorge qu'il le mist à terre et l'acullait et ne l'abandonnait jusques à tant que ledit loup fut mort. Ledit Piersson, joyeulx d'avoir tué ceste maline beste, alla, de grand maitin, appelleir ses compaignons et leur monstra et desclaira comme il avoit mené à fin son entreprinse : dont ilz ne s'en mescontenterent s'ilz n'avoient esté à ceste besoingne. Si prindrent ceste maldicte beste et le porterent en la cité où ilz receuprent ce qui avoit esté promis : et pour le veoir, chescun couroit apres. Puis fut porté par les villaiges où ilz receuprent beaulcoup de sommes de deniers, et apres le pendirent à ung gros viez orme qui lors estoit en la coste Sainct Quointin, entre Lessey et Plappeville, là où depuis ait esté faicte une croix et une petite chaippelle. Et depuis ce fait, pour la hardiesse et honnesteté dudit Piersson de Bar, il fut fait et ordonné soldair à cheval aux gaiges de la cité où il fina sa vie honnestement, et luy fut mué son surnom et fut appellé Piersson le Loup.
(p. 455)
Environ ce temps et mois de decembre, il y avoit à Colloigne ung nommé Ernest, qui estoit frere d'ung chainoine de la grant eglise, qui, par testament, avoit laissé ses biens, la meitte aux seigneurs de chappistre de la grande eglise, et l'autre meitte à Jehan Ernest, filz de son frere. Si en fist ledit Ernest faire requestes par ceulx de Colloigne, lesquelles messeigneurs de justice et du conseil de Mets firent monstreir ausdits seigneurs de chappistre, en eulx remonstrant qu'ilz y feissent response pertinente et tellement que la cite ne eulx meismes n'y eussent perde ne dopmaige : dequoy lesdits seigneurs de chappistre n'en tindrent compte. Ce véant ledit Ernest, environ vers la sollempnité de noel, s'en vint vers le comte de Wernembourg, requerant le soustenir ; ce qu'il ne reffusa, car il desiroit avoir telle querelle. Et fist ledit comte ses requestes audit chappistre qui n'en firent une grosse estime. Parquoy, le neufviesme jour de janvier, ledit Jehan Ernest, acompaignié de bien quarante compaignons de guerre des gens dudit comte, firent une course à Pontois et à Mescleuve, où ilz bouttont le feu et y firent domaige de plus de cinq mille florins. Et le londemain, ledit Jehan Ernest alla à Woippey et portoit en sa main, aval la ville, brandon de feu ardent, les menaçant de ardre et boutteir les feux ; mais les gens estoient fuys, et, pour celluy jour, n'y fist rien et s'en retournont. Et vint le comte de Wernembourg à Mets durant que ses gens faisoient tel dopmaige sur chappistre : dont sur ce les bourgeois et manans de Mets en murmuroient et ne sçavoient que presumeir. Aulcuns disoient que les chainoines n'estoient d'accord avec les seigneurs : aultres disoient que les seigneurs ne s'en volloient mesleir, pourtant que les chainoines avoient contempné ce que justice et le conseil leur avoient dit et ordonné : les aultres disaient que à cause que ledit comte estoit painsionnaire, qu'il y pouvoit venir : aultres disoient que c'estoit par esxurement qu'il y estoit venu pour faire la paix ; ainsy chescun en parloit à son plaisir. Encor le londemain, qui fut le dixiesme jour de janvier, on fut plus esbahi que devant ; car ledit Jehan Ernest vint à Mets et venoit de courre à Airgancey et à Ollexey où il avoit fait de grans dopmaiges. Et le londemain, ledit comte et ledit Jehan comencerent à tenir journée en la grande eglise pour ledit fait ; et s'en mesloient pour lesdictes parties à appointeir seigneur Renal le Gournais, chevalier, seigneur Françoys le Gournais et seigneur Jehan Chaversson ; et pour celle fois ne se peulrent escordeir, et y eult treves pour huit jours entre lesdictes parties.

1488 (p. 482)
L'acomencement du printemps, en ceste année, fut assez, bien disposé, et eult on belle saison pour enhanneir les avoines et aultres maizowaiges et grains. Mais, tantost apres, le temps se tourna en froidure, tellement que à la meitte de mars, à peine eust on sceu trouveir aulcune verdure ; et continua le froit et gelIa tres fort, le treiziesme jour de may, tant que les vignes du Savellon, d'Oultresaille, du Hault chemin, de Chaistel Sainct Germain, de Rouzerieulle et partie des vignes de Sciey furent engellées. Et estoit pitié d'oyr les plaintes et lamentations des pouvres gens ; car c'estoit desjay la quatriesme année qu'ilz avoient esté fouldroiés et engellez ou eu faulte de raisins.
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Le malvais et divers temps se continuoit tousjours de pire en pire, et tellement que les vignes qui estoient eschaippées de la gellée devantdicte, ne croissoient point, pour les grans froidures qui journellement se faisoient.
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Le lundi et le mardi des festes de penthecoste ensuivant, en la plaice en Chambre à Mets, fut jué le jeu par personaiges du glorieux martir sainct Lorant, bien devotement. Et debvoit on encor juer le mercredi ; mais il pluit tellement que on ne peult juer, et fut dit qu'on attenderoit jusques au jour du st Sacrement. Le temps se empira tousjours et se mist si fort à la pluye et dura si longuement que l'on ne pouvoit alleir à piedz ni à chevaulx.
Voyant le temps qui estoit ainsy mal disposé, on acomença à murmureir contre les sorcieres, et en brief apres, en y eult en plusieurs lieux plusieurs des prinses. La premiere fut à Rouzerieulle et fut arse et brullée. Apres, à Vantoult, y eult ung homme prins pour sorcier et fut amené à Mets en l'hostel des prisonniers, où il molrut. Aussy, en ce temps, à Mairange y eult trois femmes prinses pour sorcieres, qui furent touttes trois arses et brullées, le dix septiesme jour de jung, A Maixiere, pres de Semelcourt, en y eult trois des prinses, dont il en y eult deux brullées, le jour de la sainct Eloy, et l'autre delivrée innocente du cas. A Chaistel soubz Sainct Germain, en ce temps, y eult trois femmes prinses pour sorcieres, qui furent brullées. A Mets, en y eult six des prinses desquelles il en y eult trois condampnées à estre brullées, desquelles trois il en y eult une de morte au pallais, à l'heure qu'on les debvoit aller chaffauder en la cour l'evesque, et les aultres deux y furent chaffaudées en ladicte cour et ramenées au pallais ; et tantost furent minses en ung tumerel, c'est assavoir, celle qui estoit morte et les aultres deux, et touttes trois furent brullées devant les ponts, le premier jour de jullet. A Saulney, en y eult une de prinse et brullée. Le douziesme jour de jullet, à Mets, en y eult deux des brullées et une aultre bannie, pour ce qu'elle avoit creu en aulcune charme qu'une femme luy avoit fait faire : encor à Mets, le dix neufviesme jour dudit mois, en y eult trois aultres brullées devant les Ponts. A Piervilleir, y eult ung homme prins pour sorcier, qui cogneust son cas et fut chauffaudé à Piervilleir et delivré à ceulx de Briey pour en faire l'execution. A Thionville, y eult deux hommes prins qui furent brullez. Encor à Mets, y eult une femme prinse pour sorciere, nomée la Guriatte, qui fut brullée. Semblablement à Waipei une, à Juxey une qui furent pour sorcieres brulées.
Le vendredy, treiziesme jour de jung, invocaut l'ayde et misericorde de Dieu pour ce cas et aultres, on fist faire une procession generalle à Saincte Croix devant Mets, qu’on dit Sainct Eloy ; ce que on n'avoit jamais veu faire. Et continuoit tousjours le malvais temps et ne faisoit point bel, deux jours durant, et pour ung jour pleust fort merveilleusement, especialement à Corney, à Noviant et à l'environ, que tout fut perdu et gasté : car, incontinent apres ce temps, il faisoit froit et de grans oraiges. Et tant que le jour de la sainct Sixte, l'on n'eust sceu trouveir en vignes ne en chambries aulcuns raisins meures ne tallez : parquoy les vins furent remontés et encherris.

1489 (p.493)
Le second jour de janvier, seigneur Françoys le Gournais, avec cent chevaulx et quatre cents pietons, se partirent de Mets pour aller querrir les grains qu'il avoit à Moineville et Vallerat, que le seigneur de Bassompiere avoit en volloir de alleir querrir et chairgier, dequoy ledit seigneur Françoys fut adverti. Et quant ilz vindrent audit lieu, ilz trouverent les sacques que ledit Bassompiere y avoit envoyés pour mettre ledit bleid. Si les fist emplir ledit seigneur Françoys ; et, pour celle fois, amenont à Mets, sans nul encombrief ne empeschement, vingt que cherts que charettes tous chairgiés ; et fut à luy bien besoingnié. Et ainsy que nos gens chairgeoient ledit bleid, ledit Bassompierre avoit bien quatre vingt hommes à cheval et à pied, qui voulloient aller querrir lesdits bleids. Et quand ilz oyrent les nouvelles que nos gens estoient aux champs, trop forts pour eulx, ilz retournont et vindrent courre en ung waignaige de coste la chaippelle Ste Agasthe, entre Waippey et Laidonchamps, et enmenont le maistrier et touttes les bestes appartenant au seigneur Wairy Roucel, chevalier.

1491 (p. 560)
Le dernier jour de janvier, la neige commença à fondre en sorte que touttes les maisons estoient pleines d'yaue ; et faillut que les gens fussent deux nuitz et deux jours à jecter tousjours l'yaue dehors. Et quant les glaces se rompirent, les yaues furent si grandes que les mollins du Pont à Mousson en vinrent à l'avallée jusques à Joiey : et y eult beaulcopt de maisons qui s'en allont aval l'yaue, des villaiges sur la riviere ; et y eult des ponts du Saulcis enmenez et rompus. Et disoit on qu'il y avoit soixante ans que les yaues n'avoient esté si grandes ; car Muzelle alloit tout parmei Longeyille et jusques à Sainct Martin et Woippey.

1493 (p. 590)
Le vingt neufviesme jour de Mars fut le vendredi devant les palmes, et, celluy jour, on fist la procession de Victoire en 1’eglise des Prescheurs, et yssont on hors de la cité par la porte Sainct Thiebault et rentront on dedans par la porte Serpenoize. Et eust on fait ladicte procession à Sainct Vincent ; mais il y eult, deux jours avant, deux moines morts et y avoit ja heu ung religieulx mort. Et pourtant que les Bourguignons estoient encor pres de la cité et que les Lorains estoient assemblés à grant puissance et que on ne savoit quelle voullenté ilz avoient, au faire ladicte procession, on mist gens armés et embastonnés à la porte Sainct Thiebault et à la porte Serpenoize : et à chescune desdictes deux portes y avoit deux trese, et touttes les aultres portes esloiert fermées et ne furent point ouvertes jusques à tant que sainct Estienne fust au grant moustier. Et pareillement les trese alloient touttes les nuyts sur les murailles, tout autour cité, et gardoit ou par tous les carrefours touttes les nuyts et faisoit on le gait à cheval, et y avoit des soldoieurs, des arbol1estriers et collevriniers aux portes comme si on fust esté en guerre ouverte : qui estoit une chose à louer, car on dit qui ne se sceit de qui gardeir, si se garde de tous. Ledit jour, ung seigneur de Salins en la haulte Bourgongne vint querir lesdits Bourguignons et en print mille chevaulx et cinq cents piétons des mieulx en point, pour les mener en garnison en Bourgongne, durant les tresves. Et vinrent iceulx Bourguignons logier à Salney, à Lorey, à Plappeville, à Waippey, à Vigneulle, à Thignonmont, à Sciey et à Mollin et, le londemain, ilz passont tous au pont à Mollin et s’en allont.

1495 (p. 607)
Le premier jour d’aoust, trois compaignons de Mairange, qui s’en retornoient de Mets à Mairange, rencontrerent pres de la mallaidrie de Waippey trois aultres compaignons venant du siege de Billon, desquelx lesdits de Mairange et tuerent ung sans ce qu’ils leur feissent ne dissent aulcune chose qui leur puist desplaire.

1500 (p. 633)
Audit mois de may, y eult ung débat entre le trésorier de la grant eglise et sr Renalt le Gournais, aman et eschesvin, pourtant que ledit trésorier ne vouloit point que ceulx de Waippey appellaissent chastellain le chastellain que seigneur Renalt avoit en sa forte maison à Waippey, et leur avoit deffendu : dont ledit seigneur Renalt fist comander ledit tresorier en pleins trese et disoit qu'il avoit lesdits comandement et deffense à deffaire. Et ledit tresorier n'y volt point respondre etdisoit que c'estoit action personnelle et, presentoit de respondre devant les seigneurs de chappistre et l'y soutinrent lesdits seigneurs de chappistre ; pourquoi messeigneurs de la cité firent ordonnance aux portes que on ne laissast point entrer ceulx de Waippey en Mets , et furent trois jours en cest estat. Touttesfois la chose fut appaisée ; et ainsy on peult bien dire que, pour peu de chose, peult aulcune fois venir grant debat.

1507
Le vingt sixiesme jour du mois de jung, avint une adventure en l'hostel du doyen de la ville. Le cas fut tel que alors y avoit deux compaignons prins pour aulcuns cas à eulx imposés : l'ung estoit de Lorey devant le Pont, homme assés mal falmé, auquel estoit suspicionné qu'il avoit rompu le troncque aupres de la belle croix en Desiremont, et ne l'avoit pas fait, comme il fut cognu depuis : et l'aultre estoit de Vigneulle devant Mets, josne filz à marier et biaul personnaige, lequel avoit bon bruit et bonne renommée, si non depuis ung peu de temps qu'il avoit fait aulcune petitte folie et avoit menacé de faire merveille à l'occasion d'ung plait et ung proces que son pere menoit : de quoy ses biens en furent tous vendus par estaul, et se appelloit celluy josne filz Jehan Malfort. Ces deux personnaiges devantdits, eulx estant en prison, conclurent entre eulx et se promirent que le premier qui venroit à estre mis en torture et en gehene, tueroit le bourriaul. Or avoit celluy de Lorey mis et cachié dessus luy ung coustiaul que nul ne sçavoit, et fut celluy empoigné le premier pour le cuyder mettre dessus le bancque en torture. Et alors que le bourriaul le cuydoit mestre dessus le bancque et le loyer, celluy tirait dehors son coustiaul duquel il donnait si grant copt audit bourriaul, nommé maistre Waulter Lallement, qu'il le tuait tout roide. Et avec ce fist grant bruit et eust fait ung desplaisir aux seigneurs juges et aux sergens estant illec presens, s'il n'eust eu les fers aux pieds ; mais il fut empoigné, et, jay ce qu'il leur fist à tous belle peur, si fut il à force remis au fond de fosse, de laquelle ne partit jamais jusques à ce qu'il eult son jugement, lequel ne fut pas si tost expedié à l'occasion de ce que l'on ne povoit trouver point de bourriaul, et en eult on grand peine. Et fut force de reappeller en Mets ung compaignon de Salney, nommé Geraird Noirel, lequel alors, pour ses desmerites, estoit fugitif et banni de Mets, et se tenoit en une loge en une vigne aupres de Sainct Mairtin. Et à celluy fut tout pardonné, et avec l'office de bourriaul luy fut donné encor une belle robbe et de l'airgent en sa bourse. Et adoncque fut justice faicte du devantdit malfaicteur, et eult la teste tranchée entre deux ponts et mis sus la roue. Et à ceste justice à faire vint et arrivait ung compaignon de France, lequel estoit venu, cuidant avoir ledit office de bourriaul, et se disoit maistre et filz de maistre ; et fist grant consolation audit maistre Geraird, car il luy aydait à faire son premier chief d'oeuvre. Et avec ce luy moustrait tout ce qu'il appartenoit de sçavoir, et fut encor avec luy environ quinze jours ou ung mois, pour le bien instruire audit mestier. Puis, assés tost apres ceste justice faicte et acomplie, fut ledit Jehan Malfort prins et mené à Vigneulle, au lieu dont il estoit ; et par sentence definitive, pource qu’il estoit consentant et coulpable de la mort dudit bourriaul, eult la teste tranchée, et fut paireillement mis sur la roue, entre Vigneulle et Waippey, sur le chemin de Salney : de quoy ce fut grant dopmaige de sa mort, car c’estoit ung biaul josne filz et gracieulx.

Aussy en celluy temps furent messeigneurs les trese de la cité de Mets advertis comment ung nommé Mangin le Monnier, alors maire de Waippey devant Mets, et ung sien filz nommé Anthoine, avoient malicieusement et par une fine et malvaise cautelle faict ung escript d'une debte de quaitre cents livres sur ung prestre, nommé messire Pierre le Salvoieus, lequel l'on estimoit riche homme, et pour lors chappellain de ladicte ville de Waippey. Et par grant subtillité l’avoient mis au saichet d'ung poure ancien homme nommé Perrin, eschevin de la justice d'icelle ville de Waippey, avec aussy une adevise qui faisoit mention que ledit prestre se demectoit de tous ses biens meubles, cens, heritaiges, debtes et gaigieres qu'il avoit. Et pour la mettre au saichet, comme dit est, fut ledit Perrin suborné dudit maire et de son filz, lesquelx luy donnairent tant à boire qu'il ne sçavoit qu'il faisoit. Puis, ung jour, ilz requerirent audit Perrin que son plaisir fust de leur monstrer son saichet d'eschevinaige et luy dirent qu'ilz avoient affaire d'y cerchier aulcune piece d'escripture, et luy, comme ignorant, le fist et leur laissait fouiller dedans. Et alors cautement ledit Mangin et Anthoine, son filz, y mirent ladicte debte et adevise ; et puis, ce fait, dirent au pouvre homme qu'ilz ne trouvoient point ce qu'ilz queroient. Or ne sçavoit ledit pouvre homme point de lettres et se fioit en eulx. Si avint, ung jour apres, qu'il amenait ledit pouvre homme à Mets et, à force de languaige, luy fist tesmoigner icelle debte et adevise en la main d'ung des trese jurés de la cité ; puis, loing temps apres, ledit maire, comme faulx et desloyaulx, voult user des devantdits crans de debte et d'adevise. Parquoy le pouvre prestre, qui de tout cecy rien ne sçavoit, fut bien estonné et esbahi, quant il se sentit constraint : et de fait en vint le desbat si avant qu’il abandonnait son corps à estre prins et avec sa partie adverse mis en prison : et crioit et brayoit comme ung forcené, et tellement que, pour ce fait, et pour en sçavoir la verité, en fut le pouvre simple homme eschevin prins et mis au fonds de fosse. Mais tout incontinent le devantdit maire et son filz, eulx advertis de la prinse du bon homme, s'enfuirent et se absenterent du païs : et ce firent ilz comme saiges et bien advisés, ou aultrement leur fust mal allé. Alors le pouvre homme ainsy detenu, sans luy faire constraincte ne torture, cognust et dist à justice que de tout ce il n'en scavoit aultre chose, si non que, à la requeste d'icelluy maire et de son filz, il avoit eu apporté son saichet d'eschevinaige devant eulx, auquel ilz avoient trouillé : puis apres ce, qu'ilz estoient revenus pour une aultre fois et, en sa presence, avoient prins en sondit saichet les deux escripts devantdits. Et dist encor et congneut celluy bon homme que jay ce qu'il n'eust nulle congnoissance quant iceulx crants avoient estés faits, ce neantmoins ledit Mangin et son filz luy donnairent tant de crainte et de menaice, avec ce qu'il estoit tenu à eulx, que comme ignorament les avoit tesmoigniés. Parquoy, pour ces choses et pour donner exemple aux aultres, fut le pouvre Perrin jugié à estre mené, ung sacque sur son col et les mains liées derriere le dos, aux anelz du pont des Morts pour le noyer. Mais touttesfois, justice misericordieuse, considerant la grant vieillesse et l'ignorance qu'estoit en luy, on luy pardonnait, car il avoit bien quatre vingt ans : parquoy ne fut point noyé, mais seullement il fut banni et forjugié de Mets et du païs à tousjourmais. Touttes fois, apres ce fait, l'on se advisait, et fut reappellé, pourtant qu'il estoit homme ignorant, comme dit est, et que pour ce on craindoit que l'on ne luy fist faire quelque tesmoignaige contraire à la cité, et que possible la cité auroit aussy besoing de luy pour en dire la verité ; et alors, pour ces raisons, luy fut tout pardonné et revint en Mets. Celluy Perrin estoit parain de fonts à maistre Geraird Noirel, alors bouriaul deMets, comme dit est devant : parquoy celluy maistre Geraird, en le enmenant noyer, ploroit si tres fort que c'estoit pitié ; car il faisoit cest office de son parain à contre cueur et à regret. Et jay ce qu'il ne 1'accomplist pas, il en eult tel desplaisir et telle doulleur à cueur que jamais n'eult bien depuis, et ne vesquist pas longuement apres, qu'il morut. Mais, pour revenir à mon propos, et apres ce fait, sellon l'usaige et la coustume de la cité, fut le devantdit maire et son filz huchié et crié dessus la pierre à ce ordonnée, devant la grant eglise ; disant que dedans sept nuits ilz se venissent nettoier, excuser et purgier du crime à eulx imposé. Et pource qu'ilz n'en firent rien, furent bannis et forjugiés de Mets et du païs : et, avec ce, furent leurs biens confisqués, c'est assavoir, tout ce qu'ilz avoient en Mets, fut pour la cité, et ce qui estoit à Waippey, fut au tresorier de la grant eglise, alors seigneur dudit Waippey ; et fut tout vendu par estaul. Et dès tantost celluy maire et son filz, eulx estant à Briey, en voullurent faire action et se doullousairent tellement à Geraird Daviller, alors baillif de Sainct Mihiel et au prevost dudit Briey, leur donnant à entendre plusieurs bourdes, que pour celluy fait ilz en firent plusieurs requestes et poursuites à la cité, qui biaulcopt leur cousta. Et voiant que l'on n'en tenoit compte, cuydairent faire merveille ; ilz assemblairent ung tas de gens de petitte efficaice avec lesquelx, en l'an apres, le vingt sixiesme jour de novembre, vinrent courre à ladicte ville de Waippey ; mais ilz n'y firent aultre mal, si non qu'ilz couppairent la queue d'ung poullain, et puis prindrent pain, vin et fromaige pour eulx desjeuner, et, ce fait, s'en retournairent leur chemin. Touttesfois, apres plusieurs choses qui à celle occasion en furent faictes et dictes, à la requeste et priere de aulcuns gens de bien et grans personnaiges, retourna ledit maire à Waippey, et luy fut redonnée aulcune portion de ses biens ; mais jamais, depuis ce fait, n'eult aulcune credicte ne ne fut prisié ne amé.



LA CHRONIQUE DE PHILIPPE DE VIGNEULLES
Editée par Charles BRUNEAU (Professeur à l'Université de Nancy), Metz, 1927-1933.


INTRODUCTION

I
PHILIPPE DE VIGNEULLES

(...)

II
LES ŒUVRES DE PHILIPPE DE VIGNEULLES

(...)

III
LA CHRONIQUE DE PHILIPPE DE VIGNEULLES

Sources de la Chronique
Valeur de la Chronique
1° Valeur historique
2° Valeur littéraire
3° Valeur linguistique
 
   
IV
LES MANUSCRITS DE LA CHRONIQUE

La Chronique de Philippe de Vigneulles a été conservée dans un assez grand nombre de manuscrits.
  1° Un manuscrit, très incomplet (il ne subsiste guère qu'un tiers de l'œuvre totale) appartient aujourd'hui aux Archives départementales de la Moselle. Les feuillets se présentent d'ailleurs dans le plus complet désordre1 ; ils sont en partie déchirés et abîmés (voyez p. 14). Nous le désignons par la lettre A.
Le manuscrit A nous offre le premier état de la première Chronique qu'avait commencée Philippe (p. 3 du Journal) et le brouillon de la Chronique définitive.
Le ms. B N nouv. acq. Fr. 6687 conserve vingt feuillets du ms. A (f° 2-21). Ils commencent par ces mots : « L'an après, que le milliaire couroit par mil üijc et xlj, fut maistre eschevin de la cité de Mets le seigneur Jehan Baudoche l'anney, dit Brullart... ». Les feuillets suivants comprennent les années 1441-1450. Ils se terminent ainsi : « Et tellement que, se les Trèzes n'eussent doubtez le roy, et aussy pour l'onneur de la dicte cité, certainement le devant dit seigneur Gérard heust estez arestez, car luy meisme avoit enfrain et rompu son essurement... ».
Le ms. B N nouv. acq. Fr. 3374 contient aussi (f° 10 et 11) deux feuillets qui proviennent du ms. A. Ils commencent ainsi « ...couchier avec mon bourrus. Et ainsy avés oy comment à celluy jour je fus de la prison délivrés, le xxje jour de décembre, qui est le jour de la sainct Thomas. » Ils se terminent par « ...entre la cité et Lorey devant Mets sur les povres gens qui revenoient des champ labourer en vigne, et prindrent xvij d'iceulx bonhomes... ».
  2° Le manuscrit 838-840 [88-90] de la Bibliothèque de la Ville de Metz, écrit tout entier de la main de Philippe, n'est autre

 

1. Le manuscrit est entré aux Archives de la Moselle avec la collection Finot. Je note cette mention en marge du premier feuillet de la seconde partie du livre I, correspondant au f° 214 r° du ms. 838 de Metz : « Ycy commense le troisiesme tome des dictes croniques, ainsi que Philippe de Vigneulle, autheur, les a distinguées, et comme appert par l'exemplaire manuscript de l'autheur, qui est entre les mains du sieur Galois, gendre de feu le sieur Philippe de Vigneulle, duquel l'autheur étoit bisayeul. Et finit le dit troisiesme tome ». Ou doit donc identifier ce manuscrit avec un manuscrit de la collection Emmery (Catalogue des manuscrits des Bibliothèques publiques..., t. V, p. 304).

chose que la mise au net du manuscrit A ; il porte un certain nombre d'adjonctions, en général peu importantes, et pas mal de corrections de pure forme. Nous désignerons ce manuscrit par la lettre M.
Un dessin à la plume, relié dans un recueil factice appartenant jadis à dom Jean François (Bibl. munic. de Metz, ms n° 912, [162], p. 11), représente Thierri II, évêque de Metz, recevant Arnolbertin, premier maitre échevin de Metz, l'an MXXXIII. Ce dessin provient sans doute du manuscrit 88, dont les premiers feuillets manquent et sont remplacés par une copie moderne : le manuscrit 88, comme le manuscrit d'Épinal, devait commencer par une illustration.
Nous précisons ici la description qui a été donnée par Jules Quicherat2 du t. I du manuscrit M dans le Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques publiques des départements (t. V, p. 303).
Une lacune est à signaler entre les feuillets 396 et 397. – Il faut corriger l'indication fournie sur les dates extrêmes du premier volume : « Ce volume renferme l'histoire de Metz depuis sa fondation, l'an du monde 2659, jusqu'en l'an de Jésus-Christ 418 ». En réalité, le dernier feuillet du manuscrit porte le numéro d'ordre 418, mais le récit se continue jusqu'en 1428.
Une miniature, au f° 213 v°, et, au f° 168 r°, un dessin à la plume, d'ailleurs à peine esquissé, n'ont pas été mentionnés.
Enfin ce volume porte, comme les autres, la mention : « [Ces] croniques ont ettez retirez des mains de Monsieur de Marescot par le soussigné, amant, citain de Metz3, az Parri, ce 12° mars 1624. P. de Vigneulles ». Cette mention est placée à la fin du volume.
  3° Le manuscrit 34, de la Bibliothèque de la Ville d'Épinal a été copié sur le manuscrit 838 [88]. Nous ne reviendrons pas sur les preuves que nous en avons données4. Transcrit par un scribe de profession, ce manuscrit a été revu par Philippe,

 

1. Catalogue général des manuscrits... des départements, t. V, p. 365 : dessin à la plume tiré des Chroniques de Philippe de Vigneulles, représentant Thierry II, évêque de Metz, recevant Amolbertin, premier maitre-échevin de Metz, l'an MXXXIII.
2. C'est par erreur que nous avons attribué à Prost l'œuvre de Quicherat (ASHL, t. XXXIV, p. 144). Voyez le Catalogue général des manuscrits... des départements, t. XLIII.
3. Les mots amant, citain de Metz ont été recouverts par un barbouillage postérieur ; ils restent toutefois lisibles.
4. ASHL, t. XXXIV, p. 147 et n. 3.

qui y a apporté, de sa main, diverses corrections. Nous appellerons E le manuscrit d'Épinal.
Seul le premier volume du manuscrit 34 est ancien ; les deux autres volumes sont une copie moderne des deux derniers volumes du manuscrit M.
4° Nous signalerons enfin deux manuscrits plus récents.
L'un, dit manuscrit de Saint Arnould, a été copié à la fin du XVIe siècle1. II appartient à la Bibliothèque de la Ville de Metz (842 [92]). Il ne dépasse pas l'année 1328.
L'autre a été copié au XVIIIe siècle2. Il appartient aussi à la Bibliothèque de Metz (841 [91]). Il est incomplet et ne dépasse pas 1428.
Nous n'avons pas eu à nous servir de ces deux manuscrits pour l'établissement de notre texte.

V
LA PRÉSENTE ÉDITION DE LA CHRONIQUE

L'œuvre de Philippe de Vigneulles a été largement utilisée par HUGUENIN3 dans ses Chroniques de Metz,où il a fondu, malgré la différence des styles et au mépris de toute méthode, les différentes chroniques messines qu'il avait à sa disposition, sans aucune note et sans aucune référence4. Aux défauts personnels de Huguenin - Huguenin ne savait même pas lire l'écriture du XVIe siècle - viennent s'ajouter les insuffisances de son époque : l'on ignorait tout de l'histoire de la langue française et du dialecte lorrain. Nous ne reviendrons pas sur les critiques sévères qui ont été faites du travail de Huguenin : M. Hauser le déclare « presque inutilisable »5. Huguenin s'est d'ailleurs servi du manuscrit E, le plus facile à lire.

 

1. Catalogue général des manuscrits... des départements, t. V, p. 305.
2. Ibid., id., p. 304.
3. Les Chroniques de la ville de Metz, recueillies, mises en ordre et publiées pour la première fois par J.-F. HUGUENIN, de Metz, Metz, Lamort, 1838.
4. La Bibliothèque municipale de Metz possède une édition des Chroniques de Huguenin annotée de la main de Prost : elle porte toutes les références à la Chronique de Philippe de Vigneulles.
5. Sources de l'Histoire de France, Paris, 1906, t. II1, p. 95.
Citons quelques faits : HUGUENIN, Chroniques, p 19, col. 2, alinéa 3, la ponctuation rend la phrase absurde ; p. 20, col. 2. ligne 12 et suivantes : la phrase est inintelligible, etc. - Ms. N, f° 232 v° : ont acquaisteit en en et en tréfonds ; Huguenin : ont acquaisté en us et en tresfons ; f° 223 r° il est question d'assener (assigner) une jeune fille en mariage ; Huguenin transcrit assever, etc.

Le manuscrit qui sert de fondement à notre édition est le manuscrit M. C'est le manuscrit personnel de Philippe ; il a été écrit tout entier de sa main et revu par lui. Quand Philippe a corrigé un détail dans le manuscrit E, il a apporté la même correction dans le manuscrit M, qu'il avait évidemment sous les yeux. Nous avons donné la preuve que Philippe avait apporté de nouvelles corrections au manuscrit M après la transcription du manuscrit E 1.
Notre édition reproduira donc très exactement le manuscrit M, avec l'orthographe - si l'on peut appeler orthographe les fantaisies graphiques de Philippe. Nous avons même essayé, dans la mesure du possible, de conserver la disposition matérielle2 du manuscrit. Mais nous y avons introduit notre système moderne de ponctuation.
Nous indiquons en note (a, b, c, etc.) toutes les corrections que nous croyons devoir apporter au ms. M.
Ce n'est que pour les lacunes du manuscrit M que nous utilisons le manuscrit E3. Pour le début de la Chronique, il nous a fallu emprunter quelques pages au manuscrit A ; nous avons même dû rétablir quelques mots d'après les manuscrits postérieurs, qui ont été copiés sur le manuscrit M à une époque où ce manuscrit était encore intact.
La question des notes était assez embarrassante. Au point de vue historique, nous aurions été amenés assez facilement à insérer dans les notes toute l'histoire de Metz et même une partie de l'histoire mondiale : nous n'avons pas cru devoir refaire la Chronique que nous nous chargions de publier. Des nécessités matérielles nous interdisaient, d'ailleurs, d'accroître démesurément une publication par elle-même considérable. Nous avons donc renoncé à identifier en note les noms de personnes et de lieux cités par Philippe : nous ferons ces identifications à l'Index, qui paraîtra dans le cinquième et dernier volume de notre édition. Nous avons même renoncé à corriger les fautes ou les bévues qui lui échappent quelquefois, sauf dans les cas où ces

 

1. ASHL, t. XXXIV, p. 148.
2. Les notes marginales ont été conservées et mises en italiques, en tête du paragraphe qu'elles annoncent. - Les titres de chapitres que nous avons ajoutés sont entre crochets [ ].
3. Nous n'avons d'ailleurs cette ressource que pour le tome I du manuscrit de la Chronique, (jusqu'en 1428). À partir de cette date, nous ne pouvons compter, pour combler les lacunes du ms. M, que sur le ms. A, qui est en piteux état, ou sur le Journal, qui peut être considéré (voyez p. 15) comme un brouillon de la Chronique.

erreurs risquaient de troubler le lecteur ou de brouiller la chronologie. L'on trouvera également les rectifications à l'Index. Quant aux légendes, il nous a paru inutile d'accabler le candide chaussetier sous le poids de notre érudition moderne ; nous avons cru, suivant le mot du R. P. Meurisse, de l'ordre de Saint-François, évêque de Madaure, qu' « il ne faut point être si délicat en ces matières qui sont si antiques », et qu'il ne faut point « s'amuser à contredire impertinemment des impertinences ».
En ce qui concerne les dates, nous avons, dans le texte, conservé scrupuleusement les chiffres donnés par Philippe. Dans les titres courants, nous suivons la chronologie établie par les historiens modernes : l'on ne s'étonnera pas des désaccords que l'on trouvera parfois entre les deux séries de dates.
Nous avons été très sobres en ce qui concerne les notes de langue : nous n'expliquons que les phrases vraiment obscures ou les mots qui risquent d'arrêter le lecteur ou de l'induire en erreur. Un glossaire donnera l'explication de tous les termes vieillis ou dialectaux.
Pour faciliter la lecture de la Chronique, nous énumérerons dans l'ordre le plus simple les principaux traits dialectaux de la langue de Philippe, ceux qui peuvent gêner un lecteur d'ailleurs familiarisé avec la langue du XVIe siècle.
(…)

Charles BRUNEAU

   

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Extrait : Tome IV, pages 50-54.
1507. – ABUS DE CONFIANCE D’UN MAIRE DE WOIPPY

Malicieuse finesse d'ung maire de Wapei et de son filz. - Item, aussy en celluy temps, furent messeigneurs les Trèzes de la cité de Mets advertis comment ung nommés Mangin le Monnier, alors maire de Wappey devant Mets, et uns siens filz, nommés Anthonne, avoient malicieuse-ment et par une fine et malvaise cautelle faicte ung escript d'une debte de quaitre cent libvrez sur ung prebstre nommés messire Pier le Salvoiens, lequelle l'on estimoit riche homme, et pour lors chappellain de la dicte ville de Wappey. Et, par grant subtillité, l'avoyent mis on saichet d'un povre ancien homme, nommés Perrin, eschevin de la justice d'icelle ville de Wappey ; avec aussy une adevise a qui faisoit mencion que le dit prebstre se démectoit de tous ses biens meubles, cens, héritaiges, debtes et gaigières qu'il avoit. Et, pour la mettre on saichait, comme dit est, fut le dit Perrin surbornés du dit maire et de son filz, lesquelle luy donnairent tant à boire qu'il ne sçavoit qu'il faisoit. Puis, ung jour, il requiert au dit Perrin que son plaisir fût de leur moustrer son saichet d'eschevignaige, et luy dirent qu'il avoient affaire d'y serchier aulcune piesse d'escripture. Et luy, comme ygnorant, le fist, et leur laissait fouyllés dedans. Et alors cauttement le dit Mangin et Anthonne, son filz, y mirent la dicte debte et adevise a ; et puis, ce fait, dirent au pouvre homme qu'il ne trouvoient point ce qu'il queroient. Or ne savoit le dit pouvre homme point de lettre, et se fioit en eulx. Cy avint, ung jour après, qu'il amenait le dit pouvre homme à Mets, et à force de languaige luy fit tesmoignier ycelle debte et adevise a en la main d'ung des trèze jurés de la cité. Puis, loing temps après, le dit maire, comme faulx et desloyaulx, voult user des devant dit crans 1 de debte et d'adevise a. Par quoy le pouvre prebstre, que de tout cecy rien ne sçavoit, fut bien estonnés et esbahys quant il se santit contrains. Et, de fait, en vint le desbat cy avant qu'il abandonnoit son corps à estre prins et avec sa pertie adverse mis en prison ; et crioit et brayoit comme ung forcenés. Et tellement que, pour ce fait et pour en sçavoir la vérités, en
____________
a. Ms. : ademise. – Adevise, écrit, convention. Ce mot est un terme de droit messin. L’erreur de Philippe a été causée par une étymologie populaire (ademise, du verbe ademettre).
1. Creant, engagement verbal ou écrit.


fut le pouvre simple homme eschevin prins et mis au fon de fosse. Mais tout incontinant le devant dit maire et son filz, eulx advertis de la prinse du bon home, s'en fouyrent et se absentirent du pays. Et se firent il come saige et bien advisés ; ou aultrement leur fût mal allés. Alors le pouvre homme ainsy détenus, sans luy faire contrainte ne torsure, congnust et dit à Justice que de tout ce il n'en sçavoit aultre chose, sinon que, à la requeste d'icelluy maire et de son filz, il avoit heu apourté son saichet d'eschevinaige devant eulx, auquelz il avoient trouyllés 1, comme dit est ; puis, après, qu'il estoient revenus par une aultre fois, et, en sa présance, avoient prins en son dit saichet les deux esript devant dit. Et dit encor et congnut celluy bon hommes que, jay ce qu'il n'eust nulle congnoissance quant yceulx crant avoient estés fait, ce néantmoins le dit Mangin et son filz luy donnairent tant de crainte et de menaisse, avec ce qu'il estoit tenus à eulx, que comme ignoramment les avoit tesmoigniés 2. Par quoy, pour ces choses, et pour donner example aulx aultres, fut le pouvre Perrin jugiés à estre menés, ung sacquez sur son col et les mains liées derrier le dos, aulx avelz 3 du pon des Mors pour le noyer. Maix tousteffois Justice, miséricordieuse, considérant a la grant viellesse et l'ingnorance qu'estoit en luy, on luy pardonnait (car il avoit bien quaitre vincgz ans). Par quoy ne fut point noyés, mais seullement il fut bannis et forjugiés de Mets et du pays à tousjours maix. Touteffois, après ce fait, l'on ce advisait ; et fut reappellé, pour tant qu'il estoit homme ingnorant, come dit est, et que pour ce on craindoit que l'on ne luy fist faire quelque tesmoingnaige contraire à la cité, et que possible la cité aroit aussy besoing de luy pour en dire la vérité. Et alors, pour ces raison, luy fut tout pardonnés, et revint en Mets. Celluy Perrin estoit pairains de fon à maistre Géraird Noirel, alors bouriaulx de Mets, come dit est devant. Par quoy celluy maistre Géraird, en le emmenant noyer, ploroit sy treffort que c’estoit pitiet : car il faysoit cest office de son perrains contre cuer et à regret. Et, jay ce qu'il ne l'acomplit pas, il en olt telz desplaisir et telz dolleur a cuer que jamaix n'olt bien depuis ; et ne vesquit pas longuement après, qu'il morut. Mais, pour revenir à mon prepos, et après ce fait, cellon l'usaige et la coustume de la cité, fut le devant dit maire et son filz huchiés et criés dessus la pier ad ce ordonnées devant la Grande Église, disant que dedans sept nuydz il se venissent nestoier, excuser et purgier du crimes à eulx imposés. Et, pour ce qu'ilz n'en firent rien, furent bannis et forjugiés de Mets et du pays ; et, avec ce, furent leur biens confisqués : c'est assavoir, tout ce qu'il avoient en Mets fut pour la cité, et ce qui estoit à Wappey fut au trésoriers de la Grande Église,
____________
a. Ms. : consirérant.
1. ZELIQZON connaît un verbe troûyeu, mêler, mélanger. Ce verbe trouiller, qui n’est pas français, me paraît signifier étymologiquement « farfouiller ».
2. Quoiqu’il n’eût aucun souvenir de ces actes, il avait affirmé par serment, sous l’empire de la menace, qu’il en avait connaissance.
3. Arvel ; ce mot désigne les arches du pont.


alors seigneur du dit Wappey ; et fut tout vendu par estaulz. Et dès tantost celluy maire et son fïlz, eulx estant à Briey, en voullurent faire action. Et se dollousairent tellemant à Géraird d'Aviller, alors bailly de Sainct Miel, et au prévost du dit Briey, leur donnant à entandre plusieurs bourdes, que pour celluy fait il en firent plusieurs requestes et poursuittes à la cité, que biaulcopt leur cousta. Et, voyant que l'on n'en tenoit compte, cuydairent faire merveille. Il assemblairent ung tas de gens de petittes efficaisse, avec lesquelles, en l'an aprez, Vc et VIII, le XXVIe jour de novembre, vinrent courre à la dite ville de Waippei : maix il n'y firent aultre mal sinon qu'il couppairent la queye1 d'ung poullain ; et puis prindrent pain, vin et fromaige pour eulx déjuner ; et, ce fait, s'en retournairent leur chemin. Toutteffois, après plusieurs chose que à celle occasion en furent faictes et dictes, à la requestes et prières de aulcunes gens de biens et grans parsonnaiges, retourna le dit maire à Wappey : et luy fut redonnés aulcune porcion de ces biens. Mais jamais depuis ce fait n'olt aulcune crédictes, ne ne fut prisiés ny amés. Et, encor daventaiges, du temps qu'il estoit en procès, fut pour l'amour de luy faicte et compousés ung dictier en forme de ballaides comme ycy après escript il s`ensuyt :
Ballaide

De novembre XXVIe jour,
Courant mil Vc et VIII ans,
Furent courrir a point du jour
Des Lorrains environ trois cens.
Et sy prindrent, comme j'entens,
Deux hommes à Vappey prisonniers.
Et sy courrurentt sans deffier.
Il entrirent dedens le villaige
Et rompirent huis et maison
Et sy prindrent œufz et fromaige
Pour eulx mangier au desjunon.
Maix cuidez vous quelx champion
Pour combattre ung olliffant ? 2
Mais il s’en allirent bien tost fuyent.
Il gaingnèrent ung grant buttin :
Ainssy en fut dit pour certain ;
Et firent vaillance, come on dit,
En couppant la cue d'ung pollain.
Ne furent il pas bien villain
De faire une telle laichetey ?
Aussy en furent ilz bien mocquez.
____________
1. La queue.
2. Eléphant. La cité de Metz, à laquelle s'attaque cette troupe méprisable, est comparée au plus puissant des animaux.

 
Le filz le maire y estoit,
Montez sur ung grant vielz cheval,
Et ung tas de corde portoit
Comme ung prévost des mareschal.
Cuidiés vous qu'il feroit de malz
S'il estoit fait cappitaine
Dessus aulcuns meschant ribaul,
Et il feroit ces putte estrainne ? 1
Géraird d'Aviller, le bailly,
Il n'entendit pas bien le cas ;
Non fist le prévost de Briey,
D'antreprandre ung sy grant cas,
Ne de croire telz advocas
Disant leur faict estre net et pure
Avec leur faulce escripture.
Oyés du maire et de son filz !
Voullés vous sçavoir leur sentence ?
De leur entremet j'en dis : fis !,
De leur folle oultrecuidance.
S'ilz avoyent autant chevance
Qu'i olt oncquez hommes de merre nez,
Il en moront, s'ilz sont crocquez 2.
____________
1. Faire la pute estreine, causer des malheurs.
2. Je comprends ainsi cette strophe : quant au maire et à son fils, voilà leur sentence.
Leur intervention (entremet) follement outrecuidante, j'en fais fi. Eussent-ils autant d’argent qu’il a vécu d'hommes sur cette terre, ils seront mis à mort, si on peut les attraper (croquer).

 
Sçavés vous point quel paiement
Il aront à la fin du conte ?
Il en aront leur jugement
Par Justice, par Trèzes et Conte :
Creés qu'il en vanront au compte,
Car il fault conter à la fin :
De bonne vie bonne fin.
Cellui qui tesmoignait l'escript
Perrin Salvaire est appellé :
On le peult bien mettre en escript,
Car il en fut appréhendés,
Et fut jugiés et condampnés
Au pont des Mors estre noyés :
Maix la Justice en olt pitié.
Pitié en olrent come seigneurs saige
Du povre innorant fortunés 1.
Entre vous, Justice de villaige,
Qui ne sçavés ne A ne B,
Autant il vous en pant au nez ;
Pensés y pour l'onneur de Dieu :
L'asmonne est faicte, allés à Dieu !
     
Prince, du monde le tout puissant,
Seigneur glorieulx, manificque,
Gardés nous de telle accidant,
Ne de huser de telle praticque ;
Ne jamais homme ne s'y aplicque :
Car à la fin nous fault tout randre,
Et la mercy de Dieu attendre.
 
   
Or avés oy la fin du maire de Wappey et de son filz, quel elle fut, et comment il furent en grant dangier de leur vie, c'il fussent esté tenus.
____________
1. Fortune signifie « malheur » ; fortuné a la valeur d’ « infortuné ».



Juin 1993

La Chronique de Philippe de Vigneulles et la mémoire de Metz



Editions PARADIGME, 13, boulevard Maréchal Juin, 14000 CAEN.

En quatrième de couverture :

Parmi les vieux textes qui permettent de connaître l'histoire de Metz, la Chronique de Philippe de Vigneulles mérite une place à part. [...]
Certes, la Chronique de Philippe de Vigneulles est un monument de la mémoire européenne : son horizon embrasse tout l'espace compris entre la Seine et le Rhin, et franchit volontiers les Alpes pour s'ouvrir sur l'Italie... Elle prend naissance dans la nuit des temps fabuleux, pour se nourrir de la vie multiforme du Moyen Âge, et s'achever en 1526, bien peu de temps avant la mort du chroniqueur.
Mais le centre de la Chronique est à Metz, et cette œuvre d'une richesse incomparable est un moment de la mémoire de Metz, un extraordinaire document ».

Pierre Demarolle


Voir une étude de Pierre Demarolle sur Philippe de Vigneulles éditée dans la revue Les Cahiers Lorrains de 1989, N°1. | clic |


4e trimestre 1996

Vie quotidienne au Moyen Âge d'après Philippe de Vigneulles



(Imprimerie Leclerc - Metz)

En quatrième de couverture :
 
Deuxième titre de la collection la Moselle l'essentiel, Vie Quotidienne au Moyen Âge d'après Philippe de Vigneulles présente les mêmes attraits.
L'ouvrage concis nous entraîne dans une autre époque. Il fait revivre la communauté messine de la fin du XVe siècle.
On y découvre l'organisation administrative et aussi les actes et les attitudes de la vie de tous les jours.
 

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